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MIEL
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cueillent et la mangent avec du pain, comme le miel. Cf. Berthelot, Comptes rendus de VAcad. des sciences, Paris, sept. 1861, p. 584-586 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 6° édit., t. ii, p. 462-470. Mais aucun des passages dans lesquels il est parlé de miel ne suppose formellement une substance végétale, différente du miel des abeilles. — 3° Toutefois, on s’est demandé s’il ne fallait pas, au moins en quelques endroits, identifier le débets hébreu avec le dibs arabe. Le dibs est un produit obtenu avec des grains de raisin. Voir t. iii, col. 1714. Ceux-ci sont pressés exactement comme des olives. Le jus est mis à bouillir pendant une heure dans un bassin de métal, refroidi dans une auge, puis versé à nouvean dans le bassin. Après trois heures d'ébullition, on a le racon, substance noire et liquide. Pour obtenir le' dibs proprement dit, on maintient l'ébullition pendant quatre heures ; le produit, transporté ensuite à la maison, est tourné et battu avec une branche fraîche de figuier une heure par jour pendant un mois. Au bout de ce temps, on a le dibs, substance épaisse et d’un jaune brun. Il faut quatre kilogrammes de raisins pour un kilogramme de racon, valant 40 paras, et cinq kilogrammes pour un de dibs, valant 60 paras. On trouve encore en Palestine des installations qui ont dû servir à cette fabrication et portent les traces d’une grande antiquité. Cf. Wood, Bible animais, Londres, 1884, p. 611. Les Grecs et les Romains préparaient, par un procédé analogue, ce qu’ils ' appelaient êipvjjjia, Hippocrate, 359, 6 ; uipaioç olvo ; ou a-ipaiov, Aristophane, Vesp., 878 ; defrutuni et sapa. Pline, H. N., xiv, 11 ; cf. Virgile, Georg., i, 296 ; Ovide, Fast., IV, 780. A. Russell, Thenatural History of Aleppo, Londres, 1756, p. 82, témoigne de la prédilection des Syriens pour le dibs, qui a l’apparence d’un miel grossier. Rosenmûller, In Gènes., Leipzig, 1785, p. 334 ; Ezechiel, Leipzig, 1810, t. ii, p. 269 ; Winer, Bibl. Realwbrterbuch, Leipzig, 1833, p. 603 ; Delitzsch, Die Genesis, Leipzig, 1853, t. ii, p. 106 ; Wood, loc. cit. ; Tristram, The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 324, et d’autres, pensent que le debaS envoyé par Jacob à Joseph, Gen., xliii, 11, ou échangé avec Tyr par les Hébreux, Ezech., xxvii, 17, n'était que du dibs. Buhl, Gesenius' Handieôrterbuch, Leipzig, 1899, p. 170, admet ce sens pour les deux passages précédents. Cf. Robinson, Neuere biblisek. Forschungen, Berlin, 1857, p. 50. l’existence du dibs à l'époque de Jacob ou même d'Ézéchiel n’est pas démontrée. La mention du miel d’abeille parait toute naturelle dans les deux passages allégués. Le miel est à peine mentionné dans les monuments égyptiens, tandis que la vigne et le vin y figurent assez souvent ; Jacob était donc bien avisé en envoyant à son fils un produit du pays de Chanaan. C’est très probablement aussi du miel animal, si abondant en Palestine, que les Hébreux vendaient à Tyr, au même titre que leurs autres produits naturels, froment, baume, huile, résine, etc. Cf. Fr. de Hummelauer, In Genesim, Paris, 1895, p. 558. En tous cas, rien, dans la Sainte Écriture, n’indique que le mot debaS puisse s’entendre tantôt du miel d’abeilles et tantôt du dibs. — 4° On ne sait pas si les anciens Hébreux élevaient des abeilles en ruches artificielles, pour en recueillir plus aisément le miel. Le miel était ordinairement trouvé là où les essaims s'établissaient de préférence, dans le creux des rochçrs^ Deut., xxxji, 13 ; Ps. lxxxi (lxxx), 17, et dans les cavités des vieux arbres. I Reg., xiv, 26. Le jjiXt âypiov, mel xilvestre, dont se nourrissait saint Jean-Baptiste, Matth., iii, 4 ; Marc, i, 6, avait cette dernière origine. Cf. Fillion, Evang. selon S. Matth., Paris, 1878, p. 70 ; Jansenius, Comment, in Evang., Louvain, 1699, p. 28, etc. Selon d’autres, Liagre, In S. Matth., Tournai, 1883, p. 65 ; Knabenbauer, Evang. sec. S. Matth., Paris, 1892, p. 121, etc., ce serait seulement le suc de certaines plantes, auquel JJiodore de Sicile, xix, 94, donne le nom

de pii Sypiov. On remarque que ce suc convenait mieux que le miel d’abeilles à l’austérité du Précurseur. Mais le miel sauvage n'était pas toujours d’une qualité supérieure à celle du miel végétal, et il abondait dans le désert, où les Bédouins continuent à le recueillir. Cf. Tristram, The natur. history, p. 325. Il n’y a donc pas lieu de s'écarter ici non plus du sens ordinaire du mot ( « .éXi, « miel. »

II. Le miel dans la Palestine actuelle. — Le miel abonde encore aujourd’hui en Palestine, parce que les abeilles sauvages et domestiques y sont toujours très nombreuses. Les premières habitent, comme autrefois, le creux des vieux arbres et surtout les trous des rochers, de sorte que le miel coule littéralement « t de la pierre », selon l’expression biblique. Deut., xxxii, 13. Les secondes sont élevées dans des ruches, de forme très simple. « Ces ruches consistent en des espèces de cylindres de terre séchée au soleil, en forme de tuyaux ; elles ont environ l m 20 de longueur et sont fermées aux deux extrémités avec de la terre, en laissant seulement au centre une ouverture assez large pour que deux ou trois abeilles puissent y passer à la fois… On ne connaît point la coutume barbare de détruire les essaims pour s’emparer du miel. Quand les ruches sont pleines, on enlève la terre qui les ferme aux deux bouts et l’on extrait le miel avec un crochet de fer ; les rayons qui renferment les, jeunes abeilles sont soigneusement replacés et les ruches fermées de nouveau. On trouve partout du miel à acheter, en voyageant dans le pays. Les habitants du pays en font usage pour des préparations culinaires et en particulier pour des gâteaux. Il a le goût délicat et aromatique du miel parfumé de thym de l’Hybla ou de l’Hymette… Mais quelque nombreuses que soient les colonies d’abeilles dans les villages, le nombre des mouches à miel sauvages est encore beaucoup plus grand. Les innombrables fissures et les fentes des rochers calcaires qui flanquent partout les vallées offrent un asile sûi aux essaims, et beaucoup de Bédouins, particulièrement dans le désert de Juda, gagnent leur vie en faisant la chasse aux abeilles et en allant vendre à Jérusalem des jarres de ce miel sauvage dont saint JeanBaptiste se nourrissait dans le désert et que longtemps auparavant Jonathas avait goûté innocemment quand le rayon était tombé par terre du creux de l’arbre où il était suspendu. » H. B. Tristram, The Land of Israël, p. 86-87.

III. Usages du miel. — 1° Le miel constituait tout d’abord pour les Hébreux un aliment sain, abondant et économique. Les Orientaux, observe Tristram, Nat. Hist-, p. 325, ont l’habitude de manger du miel à un degré qui causerait la nausée à nos estomacs occidentaux. Il est plusieurs fois question, dans la Sainte Écriture, du miel servant à la nourriture, I Reg., xiv, 14, 26-27 ; II Reg., xvil, 29 ; III Reg., xiv, 3 ; Cant., v, l ; Is., vii, 15 ; Eccli., xxxix, 31 ; Matth., iii, 4 ; Marc, i, 6 ; Luc, xxiv, 42, conservé, Jer., xli, 8, transporté, Gen., xliii, 11, ou vendu, Ezech., xxvii, 17, pour le même usage. Il est recommandé de n’en point manger à l’excès. Prov., xxv, 16. Pour donner une idée du goût de la manne, on dit qu’il ressemblait à celui du miel. Exod., xvi, 31. Sur le miel trouvé dans le corps du lion mort, Jud., xiv, 18, voir Abeille, t. i, col. 27. — 2° On mélangeait quelquefois le miel avec le lait, pour rendre celui-ci plus sucré et plus doux. Is., vil, 15, 22 ; Callimaque, Ad Jov., 49 ; Bochart, Hierozoicon, Leipzig, 1793, t. i, p, 718. Avant la découverte de l’Amérique, c'était le miel qui servait le plus habituellement pour sucrer les autres substances. Chez les Arabes, le mélange de ces deux aliments est très apprécié. Voir Lait, col. 39. Cf. de la Roque, Voyage dans la Palestine, Amsterdam, 1718, p. 197. On considérait le mélange du miel avec le lait on le beurre comme très favorable à l’alimentation des jeunes enfants. 1s., vil, 15. Saint Jérôme, In Is., iii, 7, t. xxiv, col. 110, dit que ce sont là les « mets de l’enfance î. Cf. Epist. Bar-