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MICHEL


d’anges, la Sainte Écriture comprend souvent tous les esprits célestes, sans distinction d’ordres. Cf. Heb., i, 4-7, 13, 14, etc. Un archange peut dès lors être un des principaux anges, c’est-à-dire un des chefs de la hiérarchie céleste. Quant à Michel en particulier, plusieurs croient qu’il prit la place de Lucifer, après l’avoir terrassé ; or, on regarde comme probable que Lucifer était le premier de tous les anges. Cf. S. Thomas, Sum. theol., l a, q. lxiii, a. 7. En réalité, on manque de renseignements autorisés pour déterminer exactement la dignité de Michel et des autres archanges nommés dans la Bible. « En tout ceci, rien de certain, dit Petau, De angelis, II, vi, 16 ; tout ce qu’on en dit procède de conjecture et d’opinion, peut par conséquent s’étendre à l’infini et ne doit être utilisé qu’avec grande réserve par le théologien, obligé à traiter solidement des choses divines. »

2° L’archange Michel conteste avecle diable et lui dispute le corps de Moïse. Cette contestation se conçoit entre les deux esprits, dont l’un défend le plan divin tandis que l’autre le combat. Apoc., xii, 7-9. Ici, la di ?pute a pour sujet le corps de Moïse ; mais saint Jude ne donne aucune explication sur le motif de cette dispute. Le Deutéronome, xxxiv, 5, 6, raconte que Moïse mourut dans le pays de Moab, sur le mont Nébo, que Josué l’inhuma dans la vallée de Beth-Phogor et que personne ne sut l’emplacement exact de cette sépulture. Dans cette vallée était honorée une divinité moabile, appelée Béelphégor. Voir Béelphégor, t. i, col. 1543, et Bethphogor, 1. 1, col. 1710. On a fait diverses suppositions pour expliquer la contestation : Satan aurait voulu que l’honneur de la sépulture fût refusé à Moïse parce qu’il avait tué un Égyptien, Exod., ii, 12 ; ou bien il aurait désiré que son sépulcre fût connu et visible sur le mont Nébo, afin d’y devenir pour les Israélites un objet d’idolâtrie ; ou encore il se serait opposé à l’inhumation dans la vallée de Bethphogor, de peur que le voisinage des restes du propbète ne nuisit au culte de l’idole. Cf. Fromond, In Epist. Judée, dans le Sacrœ Scripturss curs. compl. de Migne, Paris, 1857, t. xxv, col. 988 ; Wouters, In Epist. cathol. dilucidat., q. yji, ibid., col. 1036-1037. On ne peut rien affirmer à ce sujet. Voir Moïse.

3° Plusieurs Pères ont pensé que saint Jude avait emprunté à un apocryphe, l’Assomption de Moïse, ce qu’il dit ici à propos de la discussion entre Michel et Satan. Voir Apocalypses apocryphes, t. i, col. 759 ; Clément d’Alexandrie, Enarr. in epist. Judce, t. ix, col. 733 ; Origène, De princip., iii, 2, t. xi, col. 303 ; Didyme d’Alexandrie, Enarr. in epist. Judse, t. xxxix, col. 1815 ; Photius, Amphiloch. qux&t., 151 al. 183, t. ci, col. 813 ; Protogène de Sardes, Cité par Gélase de Cyzique, Comment. actor. concil. Nicgen., ii, 20, t. lxxxv, col.’1234, et dans Mansi, Sacr. concil. collect., t. ii, p. 860. Sain ! Jérôme, In Tit., i, 12, t. xxvi, col. 608, admet aussi l’emprunt, mais observe que l’utilisation par saint Jude d’un passage de l’apocryphe n’entraîne nullement l’approbation du livre tout entier. Le seul texte que l’on possède de VAssomption de Moïse est une ancienne traduction latine, retrouvée et publiée par Ceriani, Monum. sacr. et prof an., 1. 1, fasc. I, Milan, 1861, p. 5564, mais dont la fin manque. C’est dans cette fin que devait être racontée la mort de Moïse et qu’il était vraisemblablement question du combat auquel saint Jude fait allusion. L’absence de ce dernier morceau ne permet pas de savoir en quels termes l’apocryphe parlait de l’événement, ni s’il donnait plus de détails que saint Jude. Cf. Schùrer, Geschichte des jûdischen Volkes im Zeit I. C, Leipzig, t. iii, 1898, p. 217. Cette discussion entre deux esprits n’avait pu être connue que par une révélation faite peut-être à Josué ; le souvenir en avait été conservé par tradition orale et faisait partie de la Hagada. Voir Midrasch, ii, 2°, col. 1709. C’est là que J’auteur de l’apocryphe avait pu la recueillir peu après la

mort d’Hérode le Grand. Il n’importe donc guère de préciser à quelle source saint Jude a puisé, que ce soit directement à la Hagada, on au livre qui s’était inspiré de cette dernière,

. 4° L’archange, bien qu’ayant en face de lui le chef des anges révoltés et condamnés, n’osa pas porter de sentence contre lui. Il eut encore égard à l’ancienne dignité de Lucifer et préféra que l’ordre vînt de Dieu en personne. Saint Jude établit un contraste entre cette réserve de l’archange et l’effronterie des hérétiques. « Que le Seigneur te corrige ! » Ces paroles, qu’elles aient été insérées ou non dans l’Assomption de Moïse, se retrouvent dans un passage de Zacharie, iii, 2, où c’est Jéhovah lui-même qui dit à Satan, adversaire du grandprêtre Jésus : « Que Jéhovah te réprime ! » Comme il paraît assez anormal que Jéhovah lui-même parle ainsi et que, dans le verset précédent, c’est l’ange de Jéhovah qui est indiqué, il est à croire que, comme dans d’autres passages bibliques, Jéhovah est nommé pour l’ange qui parle en son nom. Cf. Rosenmùller, Proph. minor., Leipzig, 1816, t. iv, p. 153. Voir Ange, t. i, col. 586. L’archange Michel aurait donc prononcé lepremier une parole qui a été ensuite répétée par un autre ange de Jéhovah.

III. Le combat de l’Apocalypse. —

Saint Jean, dans une de ses visions, décrit ainsi ce qui se passa au ciel : « Il y eut un combat dans le ciel ; Michel et ses anges combattaient contre le dragon ; le dragon et ses anges combattaient, mais ils ne purent vaincre et leur place même ne se trouva plus dans le ciel. » Apoc, xii, 7-8. Saint Jean identifie ensuite le dragon avec l’ancien serpent, le diable et Satan. Ce combat est décrit dans une vision qui montre la femme enfantant, puis poursuivie par le dragon chassé du ciel et protégée contre ses attaques.

1° D’après le contexte, ce combat n’est nullement celui qui a eu pour cause, à l’origine, la révolte de Lucifer el de ses anges. La femme qui enfante est incontestablement et en premier lieu l’Église, dont Satan cherche à faire périr les enfants. Le combat se livre dans le ciel, il est vrai, mais seulement dans un ciel où peut pénétrer Satan, que les visions prophétiques nous montrent admis en présence de Dieu. Job, i, 6 ; ii, 1 ; Zach., iii, 1. D’ailleurs saint Jean suppose formellement comme antérieurs au combat, et la chute de Satan, qui a entraîné avec lui le tiers des étoiles, cf. S. Thomas, Sum. theol., I a, q. lxiii, a. 8, et la tentation du paradis terrestre, puisque le dragon n’est autre que l’ancien serpent. Apoc, xii, 4, 9. En fait, les Pères n’invoquent pas ce passage de l’Apocalypse pour l’appliquer à la chute primordiale de Satan et de ses anges. Cf. Petau, De angelis, III, iii, 1-18. Seul, André de Césarée, In Apoc. comm., t. evi, col. 215, se sert de Apoc, xii, 9, 10, mais seulement pour caractériser le rôle ordinaire de Satan. Quel que soit le sens qu’on donne à l’Apocalypse, et qu’on entende le chapitre xii des commencements de l’Église ou de la fin des temps, cf. S. Grégoire le Grand, Hom. in Evang., xxxix, 9, t. lxxvi, col. 1251, il est certain que le combat dont il est parlé dans ce chapitre ne se rapporte pas à l’épreuve des anges. C’est donc dans un sens toutaccommodatice que l’on joue sur le nom de Michel, pour montrer l’archange terrassant Lucifer révolté, au cri de : « Qui est comme Dieu ? » Ce sens est accepté par Bossuet, Élév. sur les mystères, 4e sem., 3 « élév., Bar-le-Duc, 1870, t. viii, p. 416, qui, pourtant, dans son Explication de l’Apocalypse, xii, 7, t. ii, p. 229, entend par ce combat celui que Satan livre contre l’Église.

2° Un vieux mythe babylonien met aux prises Mardouk (Mérodach), le champion des grands dieux, et Tiâmat, personnification du chaos, qui s’était révoltée contre la souveraineté des dieux. Mardouk l’attaque, l’enveloppe d’un filet, et, pendant qu’elle ouvre la gueule pour avaler la bourrasque poussée contre elle, lni enfonce sa lance, lui déchire la poitrine et lui ôte la vie. Cf. Sayce, The Assyrian Story oftlie Création, dans les Records oftlie