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MESSIE


donc guère soupçonner une main chrétienne d’avoir interpolé le texte grec dans le sens d’une double descendance du Messie, dans le but d’expliquer par son origine même son sacerdoce et sa royauté. La parenté de Marie avec Elisabeth, Luc, i, 36, ne prouve nullement qu’elle ait été de la tribu de Lévi. Saint Clément, I ad Cor., 32, 1. 1, col. 271, dit bien que de Jacob sont sortis les prêtres et les lévites, le Seigneur Jésus selon la chair, les rois et les princes par la famille de Juda ; mais sa manière de parler ne suppose pas nécessairement la descendance lévitique du Messie. Aussi saint Augustin, Cont. Faust., xxin, 4, 9, t. xlii, col. 463, 471, combat-il l’assertion de Faustus, prétendant que Joachim, père de Marie, était prêtre et par conséquent de race lévitique. Le renseignement fourni par le Testament est en somme contraire à toute la tradition chrétienne, qui rattache le Messie à la seule tribu de Juda. Cf. Schûrer, Geschichte, t. iii, 1898, p. 257. — Quand l’imposteur Barkochéba, « fils de l'étoile, » parut en Judée sous l’empereur Hadrien, les Juifs voulurent voir en lui le Messie, et le célèbre R. Akiba le reconnut comme tel. Cf. Jer. Taanith, iv, fol. 68 d.

2° Le nom de mâHah, « oint, » suppose une onction reçue par le Sauveur. Is., lxi, 1. Saint Pierre dit que le Père a oint Jésus, Act., iv, 27, qu’il l’a oint dans le Saint-Esprit et dans la puissance. Act., x, 38. L'Évangile ne mentionne aucune onction matérielle reçue par NotreSeigneur durant sa vie. Il s’agit donc ici d’une onction spirituelle, analogue, bien que très supérieure, à celle que reçoivent de Dieu même les chrétiens. I Joa. ; Iꝟ. 20, 27. Cette onction a pourauteur l’Esprit-Saint, que l'Église, dans le Veni Creator, appelle spiritalis unctio. Le Saint-Esprit a oint le Sauveur au moment de son incarnation, Luc, i, 35 ; Matfh., i, 20, et au jour de son baptême. Matth., iii, 16 ; Marc, I, 10 ; Luc, iii, 22 ; Joa., i, 32, 33. Du texte de l'Épître aux Hébreux, i, 9, quelques Pères ont conclu que le Fils de Dieu était « oint » même avant son incarnation ; d’autres ont cru que l’onction ne se rapportait qu'à sa nature humaine. Cf. Petau, De incarn. Verbi, XI, viii, 1-13. Celui-ci résume ainsi leur enseignement, De incarn., XI, ix, 1 : « L’onction et le titre de Christ conviennent l’un et l’autre proprement et directement au Fils de Dieu et à la personne du Verbe, non à cause de la nature divine, mais à cause de l’humanité qu’il a prise, de même que la faim, la soif, la fatigue, la douleur, la mort sont attribuées au Verbe et à Dieu, mais en tant qu’homme ou incarné. Ainsi se concilient entre eux les anciens, attribuant les uns à Dieu même, les autres à l’homme et plusieurs aux deux ensemble, le nom de Christ et l’onction qu’il signifie. » L’onction de l’Esprit-Saint a été complète et parfaite dès le premier instant de l’incarnation du Sauveur. Celui-ci ne pouvait Être moins favorisé sous ce rapport que son précurseur. Luc, i, 15. L’onction qui se fit au baptême, sans pouvoir rien ajouter à la première, eut pour but de fournir un signe visible à Jean-Baptiste, Joa., i, 32, 33, et de marquer le début du ministère public du Sauveur, qui, à dater de ce moment, se mit à prêcher, à faire des miracles, à choisir ses disciples, en un mot, à exercer ses fonctions sacerdotales. Cf. Petau, De incarn., XI, îx, 8-14. — Pour les prophéties messianiques, voir Jés/us-Christ, t. iii, col. 1429-1434. r

3° En vertu de l’onction divine qui le constitue Messie, Jésus devient le fondateur et le chef du royaume de Dieu. Dans les psaumes h et lxxii (lxxi), le Messie avait été annoncé comme le roi établi par Jéhovah sur Sion pour régir tous les peuples dans la justice et la paix. L’idée d’un royaume gouverné spirituellement par l’oint du Seigneur remontait donc à l’Ancien Testament. L’ange annonça à Marie que son fils régnerait sur la maison de Jacob, Luc, i, 32, et ensuite il avertit les , bergers*que celai qui venait de naître était le Christ Seigneur. Luc, H, 11. Il est appelé par les Mages « roi

des Juifs », par Hérode fi le Christ », et par les princes des prêtres, répétant la prophétie de lvnchéé, « le chef qui doit paître Israël. » Matth., Il, 2, 4, 6. Ces trois dénominations désignent équivalemment le même personnage, et ce personnage est si bien fait pour régner qu’Hérode voit en lui un compétiteur et prend ses mesures pour le supprimer. À la synagogue de Nazareth, NotreSeigneur lit le début du texte d’Isaïe, lxi-lxii, qui annonce le nouveau royaume sous une formé allégorique, et il se présente lui-même comme l’oint, le Messie, qui procure l’accomplissement de la prophétie et, par conséquent, vient fonder le royaume attendu. Luc, iv, 17-21. Aux envoyés de Jean, qui l’interpellent pour savoir s’il est le Messie, il répond en citant les miracles qu’il a opérés, Matth., xi, 3-6, et qu’Isale, xxxv, 5, 6 ; lxi, 1-5, avait prédits dans ses descriptions de la restauration d’Israël. De même, quand les Juifs le mettent en demeure de déclarer s’il est le Messie, il les renvoie au témoignage des œuvres qu’il opère au nom de son Père, et qui ont été marquées par les prophètes comme caractéristiques du nouveau royaume. Joa., x, 24-26. C’est en effet au nom de son Père qu’il fonde ; et régit ce royaume ; voilà pourquoi saint Pierre dit aux Juifs, en parlant de Jésus, que Dieu l’a fait « Seigneur et Christ ». Act., Il, 36. Pendant sa passion, le Sauveur revendique pour lui-même le titre de Messie, que les membres du sanhédrin identifient avec celui de « Fils de Dieu ». Matth., xxvi, 63, 64 ; Marc, xiv, 61, 62 ; Luc, xxii, 66-70. Au tribunal de Pilate, ceux-ci l’accusent de se donner comme le Christ-Roi, Luc, xxiii, 2, si bien que le magistrat romain, prenant ce titre dans son sens temporel, demande à Jésus s’il est roi des Juifs. Luc, xxiii, 3 ; Joa., xviii, 33. Le Sauveur répond affirmativement, mais explique que le royaume dont il est roi n’est pas d’institution humaine et ne se défend pas par des moyens humains. Pilate en comprend assez pour conclure que ce royaume ne menace pas l’autorité romaine et décider qu’il n’y a pas là motif à condamnation. Joa., xviii, 36-38. Il retient cependant le nom de Christ' ou de Messie comme équivalant à celui de roi des Juifs, Matth., xxvii, 17, 22 ; Marc, xv, 9, 12, et c’est sous ce dernier titre, que les princes des prêtres remplacent par celui de Fils de Dieu, Joa., xix, 7 ; Matth., xxvii, 42, 43, que Jésus est insulté et crucifié. Joa., xix, 3, 19, 21. Le bon larron est le dernier à faire mention du royaume pendant la vie du Sauveur. Luc, xxiii, 42. Notre-Seigneur est donc celui qui a été oint pour être roi, chef du royaume spirituel, 1' « oint de Jéhovah », le « Fils de Dieu », établi roi sur Sion pour dominer sur toutes les nations. Ps. ii, 2-9. Voir Royaume de Dieu.

IL Idée du Messie chez les Juifs contemporains de Jésus-Christ. — 1° Pour annoncer le règne du Messie futur, les prophètes avaient employé des expressions grandioses qui, à première vue, pouvaient éveiller l’idée d’une domination temporelle. Is., xxxv, 10 ; xl, 9-11 ; xli, 1, 2 ; xlv, 22-25 ; lx, 1-22, etc. Successivement victimes de la captivité et ensuite de la domination étrangère, les Israélites furent naturellement portés à chercher une consolation dans l’espoir du brillant avenir promis par les prophéties. Le joug de l’oppression politique pesait durement sur eux ; ils y étaient d’autant plus sensibles que, fiers des faveurs divines dont ils avaient jadis été l’objet, ils s’imaginaient que leur titre de « peuple choisi », Is., xli, 8, 9, constituait pour eux un droit à l’indépendance nationale et même à l’hégémonie universelle. Cf. Matth., iii, 9. « Nous espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël, » Luc, xxiv, 21, disent les disciples d’Emmaûs en parlant de Jésus. « Seigneur, est-ce maintenant le temps où vous rétablirez le royaume d’Israël ? » répètent les Apôtres en se rendant à la montagne des Oliviers d’où Jésus doit s'élever au ciel. Act., i, 6. Le joug du péché, dont les prophètes avaient eu surtout en vue de prédire la délivrance, se faisait