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celui-ci s’en empara et fit graver sur l’autre face, dans une longue inscription, le récit de sa campagne de l’an v contre les Libyens. Le dernier paragraphe est le plus important. Voici ce qu’on y lit : « Maintenant que les Libyens ont été battus, le pays de Khita est pacifique, le Canaan est pris avec tout ce qu’il y a de mauvais en lui, les gens d’Ascalon sont amenés captifs, ceux de Guézer sont saisis, ceux d’Iounàman n’existent plus, le peuple d’Israël est rasé et il n’y a plus de sa graine, la Syrie est devenue comme les veuves de l’Egypte, tous les peuples réunis sont en paix. » Jusqu’ici aucun autre monument égyptien n’a fait allusion à ces dernières victoires de Ménephtah ; M. W. Groff dit que « ces lignes semblent avoir été ajoutées », Bulletin de l’Institut égyptien, 1896, p. 59, parce que les caractères sont moins profondément gravés. Il paraît difficile d’admettre qu’on ait voulu glorifier ce pharaon après sa mort, en ajoutant de nouveaux traits à ses exploits ; ce n’était pas l’usage dans la vallée du Nil. Quoi qu’il en soit, cette stèle est le premier et l’unique monument égyptien où l’on ait découvert jusqu’ici le nom

des Israélites’' « ^ ] J^. i | | j^ J ll-sir-da-l{r)-u. Ménephtah, qui est très prolixe dans sa stèle sur les Libyens, est très laconique au contraire sur les Israélites. « D’après les procédés de rédaction usités parmi les scribes égyptiens, cela signifie que le pharaon ne pouvait guère se vanter de ses rapports avec Israël. Il est cependant difficile, à cause de la brièveté de ces quatre ou cinq mots, de savoir exactement à quoi le fils de Ramsès II fait allusion. On peut émettre à ce sujet de nombreuses hypothèses. L’une des plus vraisemblables, c’est que le pharaon fait allusion à sa tentative d’anéantir en Egypte les enfants d’Israël. Il travailla, en effet, à les détruire de manière à les raser, pour qu’il n’en restât plus de graine, - comme il s’exprime ; et si son projet ne se réalisa point, ce ne fut pas faute de faire tout ce qui dépendait de lui pour y réussir. » Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iv, p. 683.

Le désastre de la mer Rouge empêcha le roi d’Egypte de réaliser ses projets contre les Hébreux. Plusieurs commentateurs des Écritures ont pensé que Ménephtah avait péri lui-même dans ce désastre, mais leur opinion n’est pas fondée. « Le pharaon ne fut pas noyé avec son armée. Le texte sacré ne le dit point et l’histoire égyptienne suppose le contraire… Ménephtah Ie’fut enseveli à Biban el-Molouk, dans le tombeau qu’il s’était préparé et qu’on y voit encore. » Vigouroux, ibid., t. ii, p. 424. Cf. Fr. von Hummelauer, Commentarius in Exodum, 1897, p. 151. La momie de ce roi a été retrouvée en 1898 par M. Loret, dans le cercueil de Setnakhiti et identifiée le 10 février 1900 par M. W. Groff. « La momie porte écrit en hiératique sur le linceul, à la hauteur de la poitrine, la mention : Roi Ba-en-ra, c’est-à-dire Mer-en-ptah. » Rapport de M. W. Groff, dans le Bulletin de l’Institut égyptien, 16 février 1900, p. 23. La momie a 1™75 et se trouve maintenant au Musée du Caire : elle n’a pas encore été déroulée (1905).

II. Bibliographie. — Sur Ménephtah, voir Chabas, Recherches pour servir à l’histoire de l’Egypte aux temps de l’Exode, Chalon, juillet 1873 ; H. Brugsch, L’Exode et les monuments égyptiens, Leipzig, 1875 ; Egypt under the Pharaohs, Londres, 1881 ; Bulletin de l’Institut égyptien, an. 18951-896-1900, passim ; Michel Julien, S. J., Sinaï et Syrie, Lille, 1893, p. 38 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. ii, p. 288426 ; W. Groff, Moïse et les Magiciens à la cour de Pharaon, dans la Rev. égypt., Nouv. sér., v, p. 219 ; Daressy, dans la Revue archéologique, 1898, t. ii, p. 263 ; P. Deiber, La stèle de Minepta-h et Israël, dans la Revue biblique, avril 1899, p. 267-277 ; Ph. Virey, Note sur le Pharaon Ménepthah et les temps de l’Exode, dans la même revue, octobre 1900, p. 578-586. F. Larrivaz.

MENI (hébreu : Meni ; Septante : ^ Tû^ï) ou bien rh Sai(iôviov on 6 Satjiojv, les manuscrits intervertissant l’ordre pour rendre les noms des deux divinités mentionnées dans Is., lxv, 11 ; Aquila et Théodotien : ™ (i£tv£( ; Symmaque : Ix-râ ; ( « , o0 ; omis dans la Vulgate, saint Jérôme n’ayant pas soupçonné le véritable sens. In Is., lxv, 11, t. xxiv, col. 639), nom d’un dieu adoré par les Israélites infidèles.

1° Il n’est nommé que dans un passage d’Isaïe, lxv, 1112, où le prophète dit, d’après le texte hébreu : « Voua qui dressez une table pour Gad et remplissez une coupe pour Meni (afin de lui offrir des libations), je vous destine (manitî) au glaive. » Gad est le dieu de la Fortune. Voir Gad 3, t. iii, col. 24. Meni est le dieu du destin. Son nom dérive de la racine niânâh, « compter, assigner, destiner, » et Isaïe fait un jeu de mots sur le nom du dieu lorsqu’il dit à ses adorateurs : « Je vous destine (manîfî) au glaive. » Mânâh signifie « part, portion, lot », Exod., xxix, 26 ; Lev., vii, 33, etc. ; « sort, ce qui échoit à quelqu’un, » Jer., ira, 25. De même menât, Ps. xi, 6 ; xvi, 5 ; lxhi, 11, etc. Il y a donc tout lieu de penser que Meni est le destin divinisé.

2° Le nom de Meni n’a pas été trouvé en dehors d’Isaïe d’une manière certaine. — 1. Le duc de Luynes, dans son Essai sur la numismatique des satrapies, in-4°, Paris, 1846-1847, p. 65-66, pi. xii, 1 et 2, a publié deux monnaies de Sinope dont l’inscription a été lue par O. Blau, De nummis Achœmenidarum, in-4°, Leipzig, 1855, p. 6, 12, i : m37, « serviteur de Meni. » Cette lecture a été acceptée par Rôdiger, dans Gesenius, Thésaurus, supplem., p. 97, et par T. K. Cheyne, Introduction to the Book of Isaiah, in-8°, Londres, 1895, p. 366 ; mais elle est fausse. Cf. E. Babelon, Monnaies des Achéménides, in-8°, Paris, 1893, p. lxxx-lxxxi. 57. — 2. On lit sur un autel de Vaison en Provence : Belus Fortunes rector, Ménisque magister. Orelli et Henzen, Corpus inscript, latin, selectarum collectio, 3 in-8°, Zurich, 1855-1856, t. iii, n. 5862, p. 168. Bélus, comme le montre l’inscription grecque parallèle, est le Bel d’Apamée (èv’An<xii.si’a) en Syrie ; Meni semble donc être une divinité orientale et son association à la Fortune, comme dans Isaïe, paraît indiquer qu’il s’agit de Meni et de Gad. Mordtmann, dans la Zeitschrift der deutschen morgen làndischen Gesellschaft, t. xxxix, 1885, p. 44. Le mot Menis est toutefois diversement expliqué par les épigraphistes qui ont étudié cette inscription. Voir G. Kaibel, Epigrammata grseca ex lapidibus conlecta, in-8°, Berlin, 1878, n. 836, p. 342 ; Léon Renier, Mélanges d’épigraphie, in-8°, Paris, 1854, p. 129-146. — 3. On trouve du moins une divinité approchante en Arabie. Les anciens Arabes païens, avant l’islamisme, rendaient un culte à une déesse Manât, une des « filles d’Allah ». Voir J. Wellhausen, Reste arabischen Heidentwms, 2e édit., in-8°, Berlin, 1897, p. 25-29. Cf. Koran, ch. lui, 19-20 ; Pauthier, Livres sacrés de l’Orient, 1857, p. 714. « Que vous semble, demande Mahomet, de Lat et d’al-Ozza ? Et cette autre Menât, la troisième déesse ? » Elle était adorée par les tribus arabes qui habitaient entre la Mecque et Médine, sous la forme d’une grande pierre qui fut brisée par un certain Saad la troisième année de l’hégire. Cf. Ed. Pococke, Spécimen historiée Arabum, in-4°, Oxford, 1650, p. 91-92 ; A. P. Caussin de Perceval, Essai sur l’histoire des Arabes, 3 in-8°, Paris, 18471848, t. iii, p. 242. Une des divinités adorées par les Nabatéens (voir Nabuthéens), vers le commencement de l’ère chrétienne, s’appelait aussi Manutu, pluriel, Manaouat, « . les destins. » Voir Corpus inscriptionum semiticarum, t. ii, parti, 197, 1. 5 ; 198, 1. 4, 8, p. 222, 224, 225, etc. Cf. Nôldeke, dans la Zeitschrift der deutsclien morgen tândischen Gesellschaft, t. xli, 1887, p. 709. Plusieurs savants pensent que Meni est la planète Vénus. Voir Rôdiger, dans Gesenius, Thésaurus, supplem., p. 97 ; B. Winer, Bïblisches Realwôrterbuch,