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MELCHIRAM — MELCHISÉDECH


second fils de Jéchonias, parce que, au lieu de traduire avec la Vulgate : « Les fils de Jéchonias furent Asir, Salathiel, Meîchiram, etc., » ils traduisent ainsi l’hébreu : « Fils de Jéchonias, Asir, dont le fils fut Salathiel, Meîchiram, etc. » La Vulgate a omis, dans sa traduction, le mot « son fils », qui qualifie Salathiel dans l’hébreu. Ceux qui régardent’assir comme un adjectif rapportent le premier possessif « son » à Jéchonias ; ceux qui en font un nom propre le rapportent à Asir, c’est-à-dire « fils d’Asir ».

: MELCHISÉDECH (hébreu : Malkî-Çédék ; Septante : 

MEXx’ffsSéx), r °i de Salem, au pays de Chanaan, à l’époque d’Abraham.

1° Ce qu’il était. — Le nom de Melchisédech, malkîçédéq, est hébreu et signifie « roi de justice ». La ville de Salem n’était autre, d’après plusieurs commentateurs, que Jérusalem. Voir Jérusalem, t. iii, col. 1319, et Salem. Melchisédech était roi de cette ville et duterritoire qui en dépendait. De plus, il était prêtre de’El’Éhjûn, « le Dieu Très-Haut, » le vrai Dieu, le même que servait Abraham. Du nom hébreu de Melchisédech et de sa résidence, on peut conclure qu’il était Chananéen, comme cet Amorrhéen de nom analogue, Adonisédech, qui était roi de Jérusalem à l’époque de la conquête du pays par Josué, x, 1. Malgré la malédiction qui avait frappé leur père Chanaan, Gen., ix, 25, tous les Chananéens ne professaient pas nécessairement l’idolâtrie au temps d’Abraham. Le patriarche et ses fils sont souvent en rapport avec des hommes du pays qui ne paraissent mériter aucun blâme à raison de leur conduite ou de leur religion. Il n’y a donc pas lieu de faire de Melchisédech un Sémite étranger établi au pays de Chanaan. Le roi de Salem est en même temps prêtre, hôhên, nom qui apparaît pour la première fois dans la Bible. Il exerce cette fonction en qualité de chef de famille. La Sainte Écriture n’en dit pas davantage sur L’origine et la condition de Melchisédech, Gen., xiv, 18.

2° Sa rencontre avec Abraham. — Lorsque Lot, neveu d’Abraham, eut été pris à Sodome par Ghodorlahomor et ses trois alliés, le patriarche se mit à la poursuite des vainqueurs, les battit, fit sur eux grand butin et ramena Lot avec tout ce qu’il possédait. Voir Abraham, 1. 1, col. 77. À son retour, le roi de Salem, Melchisédech, vint au-devant de lui, Heb., vii, 10, offrit du pain et du vin et bénit Abraham, en disant : « Béni soit Abraham par le Dieu Très-Haut, qui a fait le ciel et la terre ! Béni soit le Dieu Très-Haut qui a livré tes ennemis entre tes mains ! » Et Abraham lui donna la dîme de tout. Gen., xiv, 18-20. L’hiphil hôfî’a le sens de « faire sortir, mettre au-dehors, présenter ». Cf. Gen., xxiv, 53 ; Exod., iv, 6, 7 ; xii, 51, etc. Il est bien traduit par les versions : Krivs’j’xe, « il apporta, » proferens, « présentant. » Par lui-même, le mot ne signifie pas : offrir à Dieu, ou : offrir en sacrifice. Melchisédech se contente d’apporter du pain, léhém, comprenant peut-être toute espèce de nourriture, et du vin. Josèphe, Ant.jud., i, x, 2, dit que Melchisédech exerça l’hospitalité envers les soldats d’Abraham et leur donna en abondance les choses nécessaires à la vie. Un certain nombre de commentateurs pensent que Melchisédech ne fit pas autre chose que ravitailler les hommes qui accompagnaient Abraham. Mais le texte sacré ajoute la remarque suivante : 8 Et lui prêtre du Dieu Très-Haut, s Si ce renseignement n’avait pour but que de caractériser la personnalité de Melchisédech, il eût été mieux à sa place après le titre de « roi de Salem ». Mais il vient entre la mention du pain et du vin apportés par Melchisédech, et celle de la bénédiction prononcée sur Abraham. Il n’était pas nécessaire d’être prêtre pour bénir ; quiconque avait autorité paternelle, civileou religieuse pouvait le faire. Voir Bénédiction, t. i, col. 1581. La qualité de prêtre, attribuée à Melchisédech, est donc rappelée à raison de

l’acte qui précède, c’est-à-dire de l’offrande du pain et du vin. C’est ce que suppose la Vulgate en ajoutant la conjonction enim : « Car il était prêtre du Dieu Très-Haut. » Il est naturel qu’Abraham, rencontrant après sa victoire un prêtre du vrai Dieu, en ait profité pour offrir à Dieu ses actions de grâces. Il est égale- » ment présumable que Melchisédech, avant d’offrir des aliments aux vainqueurs, exerça sa fonction sacerdotaleen offrant à Dieu une partie des aliments apportés. Le texte ne le dit pas positivement, mais il ne dit pas non plus le contraire, et il insinue l’idée de l’offrande en insistant sur le sacerdoce de Melchisédech. L’Épîtreaux Hébreux, vii, 1-17, qui établit un parallèle détaillé entre Notre-Seigneur et Melchisédech, ne fait pas allusion à l’offrande de ce dernier, sans doute parce qu’il y avait dans les rites mosaïques un sacrifice ou oblation de farine ou de pain et de vin et qu’il n’y avait pas ainsi sur ce point de différence et de symbole particulier à relever entre Melchisédech et le sacerdoce d’Aaron. Mais les Pères supposent expressément un sacrifice de pain et de vin présenté à Dieu par le roi de Salem. Cf. S. Cyprien, Epist. lxiii, ad Cœcil., 4, t. ix, col. 376 ; S. Jérôme, Epist* lxxiii, ad Evagr. r 3, t. xxii, col. 673 ; In Matth., iv r 26, t. xxvi, col. 195 ; S. Augustin, De divers, question.* 61, t. XL, col. 49 ; De civ. Dei, xvi, 22, t. xli, col. 500. La même idée est exprimée, par Clément d’Alexandrie, saint Jean Chrysostome, saint Isidore de Peluse, saint Cyrille d’Alexandrie, saint Césaire d’Arles, Arnobe, etc. Cf. Pétau, De incarn. Verbi, XII, xii, 6-11. Elle est rappelée au canon de la Messe, 2* orat, post consecr., et semble visée dans la première antienne des vêpres du Saint-Sacrement. — En dehors de cet épisode de sa rencontre avec Abraham, les textes historiques ne font plus mention de Melchisédech.

3° Son caractère figuratif. — Au Psaume ex (cix), 4, il est dit du Messie futur : « Tu es prêtre pour toujours selon l’ordre de Melchisédech. « L’expression hébraïque’âl-dibrâfi veut dire « à la manière, selon le mode », xarà tt|V tâ ?iv, comme traduisent littéralement les Septante. L’intention de l’auteur sacré est donc d’exclure toute autre espèce de sacerdoce, par conséquent le sacerdoce à la manière d’Aaron. Saint Thomas, Sum. tlieol., III a, q. xxii, a. 6, ad 2 um, observe que Melchisédech est nommé ici non comme le chef, mais comme le type d’un sacerdoce particulier. — L’auteur de l’Èpître aux Hébreux explique le caractère figuratif de Melchisédech. Il tire une première application de son nom propre, « roi de justice, » et du nom de sa ville, « roi de paix, » Salem se référant à, Sâlôm, qui veut dire « paix ». Melchisédech est « s, ans père, sans mère, sans généalogie, n’ayant ni commencement ni tin de vie, mais ressemblant au Fils de Dieu et restant prêtre pour toujours ». Heb., vii, 3. Cette description ne va pas à faire de Melchisédech un être à part. Elle porte seulement sur le silence de la Genèse, qui ne dit rien de l’origine ni de la mort du personnage, « dont la génération n’est point racontée, » fù Y 6VSa * o Y°^t Jiev0 Ç>e dont la généalogie n’est pas donnée. » Heb., vii, 6. Saint Paul remarque ensuite que c’est le supérieur qui bénit et [qui reçoit la dime de son inférieur. Melchisédech reçoit la dime d’Abraham et le bénit. À Melchisédech sont donc inférieurs et Abraham lui-même et tous les prêtres lévitiques qui devaient un jour naître de lui. Or la Sainte Écriture dit que Jésus-Christ est prêtre selon l’ordre de Melchisédech ; c’est donc qu’il a un autre sacerdoce que celui d’Aaron, que son sacerdoce est supérieur à celui de ce dernier et qu’il doit le remplacer. Heb., viii, 4-18. Comme on le voit, le raisonnement se base seulement sur la bénédiction donnée et sur la dime reçue. Ces deux actes pouvaient seuls établir la thèse de l’auteur sacré, à savoir la supériorité de Melchisédech sur Abraham et celle de Jésus-Christ sur les pontifes et les prêtres lévitiques. La nature du sacrifice offert par Mel-