4° Usage du don des langues. — Saint Paul s’étend avec détail sur l’usage qui doit être lait dans l’Église du don des langues et en même temps il en complète la notion. — 1. Le don des langues est inférieurs la prophétie, par laquelle on parle aux hommes au nom de Dieu pour les instruire et les encourager. Par la glossolalie on parle â Dieu, non aux hommes. On n’édifie que soi, ce qui suppose que, même en ne comprenant pas ce qu’on dit, on reçoit cependant, en même temps que le don, une grâce intérieure qui unit l’âme à Dieu. C’est pourquoi l’Apôtre souhaite ce don à tous ; mais il préfère la prophétie, à moins que quelqu’un ne soit là pour expliquer ce qui a été dit en langue étrangère et ainsi édifier l’Église. I Cor., xiv, 1-6 ; cf. S. Thomas, Sum theol., II » II*, q. clxxvj, a. 2. — 2. S’il est isolé, le don des langues n’a donc pas grande utilité. Ceux qui désirent les dons spirituels doivent aspirer à de plus utiles. I Cor., xiv, 7-12. Pratiquement, celui qui a la glossolalie doit prier pour qu’un autre auprès de lui obtienne le don de l’interprétation. Saint Paul a dit plus haut que le possesseur de ce don s’édifie lui-même. Ici, il distingue : c’est le mvj^.a, spiritus, qui prie, c’est-à-dire que la iaculté affective de l’âme, sous l’impulsion de l’Esprit-Saint, s’élève utilement à Dieu et s’unit à lui ; pendant ce temps, le voû ; , mens, la faculté intellectuelle de l’âme, ne comprenant à peu près rien à ce qui est dit en langue étrangère, demeure sans profit, axapitoc, sine fructu. Ainsi en e^t-il, par exemple, de celui qui récite un psaume en latin sans comprendre cette langue ; son âme tend vers Dieu par des sentiments affectifs, mais son intelligence ne trouve aucun aliment dans les paroles latines. Le mot mvsûfia ne saurait avoir ici un autre sens. Le irveûu.a de l’homme est, dans ce passage, le siège du sentiment et de l’intuition de l’amour divin, sous l’action du izvzvy.a âytov, par opposition au voûc, qui est le siège de la connaissance consciente et réfléchie. Le voûç et le icvevijj.a représentent ainsi dans l’homme une image de ce que sont en Dieu le Fils, voû< ou 16yo< ; , et le Saint-Esprit, icveOaa. Cf. Frz. Delitzsch, System der biblischen Psychologie, Leipzig, 1861, p. 184-186. Dans son Épître aux Éphésiens, iv v 23, l’Apôtre réunit les deux mots, quand il dit qu’il faut se renouveler râ 7tveij(iau toû vo<5ç, spiritu mentis. Ces deux mots désignent l’âme elle-même, mais en deux de ses facultés, et c’est par le Ttveûjia, en communication par la grâce avec l’Esprit-Saint, que doit se renouveler le vo0 « , l’intelligence, qui autrement ne recevrait ses inspirations que de la chair et serait un voï ; tï)Ç erapx<Sç. Eph., M, 18. Cf. S. Augustin, De Trinitate, XIV, xvi, 22, t. xlii, col. 1053. Le « vêtira dont parle saint Paul n’est donc ni l’essence intime de l’âme (Bisping), ni la partie la plus profonde de l’intelligence |Bengel, Meyer, etc.), ni la faculté imaginative, ni la raison inspiratrice, ni le souffle physique qui fait proférer la parole, ni l’Esprit-Saint lui-même qui pousse à la prière. Saint Paul veut qu’on prie et qu’on chante à la lois avec le itve0(ta et avec le voûç, par conséquent avec tout ce qui doit rendre l’acte religieux affectif et intelligent. Il conclut en disant qu’il préfère cinq paroles dites avec le voû ; , de manière à instruire les autres, que dix mille avec le ïuve-j|kx, qui intervient seul dans la glossolalie. I Cor., xiv, 13-19. — 3. Même en présence des infidèles, le don des langues ne peut être utilisé qu’imparfaitement. Ce don est un signe pour les infidèles, signe qui peut les édifier en les étonnant, lorsqu’ils comprennent ces langues étrangères, comme à la Pentecôte, Âct., ii, 11, mais signe qui d’ordinaire n’attire leur attention qu’en les déconcertant. Ainsi arrivet-il que si, dans une assemblée où s’exerce la glossolalie, entrent des infidèles ou même une personne qui ignore ce genre de manifestations spirituelles, un tSwàrriç, idiota, ils prendront pour des fous, pour des agités du démon, naivciŒ, ceux qui ont le don des langues. Ces
infidèles seront, au contraire, touchés et convertis si le fidèle qui a le don de prophétie et qui parle au nom de Dieu leur tient des discours qui vont au fond du cœur et y portent la conviction. I Cor., xiv, 20-25. — 4. Il faut donc régler l’exercice du don des langues, aussi bien que celui des autres dons spirituels, afin que tout se passe à l’édification générale. Quand des fidèles reçoivent le don des langues, deux seulement et trois au plus peuvent prendre la parole, et encore ils ne doivent le faire que tour à tour. Mais comme oatte parole a besoin d’être interprétée, si l’interprète lait défaut, que le fidèle qui a le don des langues garde le silence. Toutefois, la glossolalie comporte une grâce d’édification personnelle, I Cor., xiv, 4 ; il ne convient donc pas d’en priver le fidèle. Celui-ci parle alors en langue étrangère, mais en silence et seulement pour deux auditeurs, lui-même et Dieu. En terminant ce qu’il a à dire sur ce sujet, l’Apôtre résume tout en deux mots : « Souhaitons le don de prophétie, » parce que c’est un don des plus utiles à l’Église ; mais « n’empêchez pas de parler en langues », parce que, malgré son infériorité, ce don profite à tous quand l’interprétation accompagne la glossolalie, et il profite au fidèle qui le possède, même quand celui-ci ne peut l’exercer publiquement. I Cor., 26-28, 39. — 5. De ces remarques de l’Apôtre, il suit que le don des langues ne différait pas à Corinthe de ce qu’il avait été à Jérusalem, à Joppé et à Éphèse. Il ne s’agissait pas de langues créées de toutes pièces, ni de cris inarticulés, ni d’exclamations extatiques, ni même seulement d’expressions figurées et enthousiastes, mais de langues connues et parlées par d’autres hommes, dont le Saint-Es.prit communiquait l’usage momentané à certains fidèles, dans l’unique but de louer Dieu. Cette louange de Dieu en langue étrangère ne pouvait être comprise et ne devenait utile que si on la traduisait à l’usage des auditeurs. C’est pourquoi le don des langues avait à être complété par un autre, que l’Apôtre appelle èp|ievesa yX^aa-ûv, interprétatif) sermonum, « interprétation des langues, » I Cor., xii, 10, et ce don d’interprétation dépendait du Saint-Esprit, I Cor., xii, 11, mais n’était pas toujours accordé en même temps que le premier. ICor., xiv, 28. Il est à noter que, dans l’énumération des dons spirituels, la glossolalie et l’interprétation viennent en dernière ligne, à raison sans doute de leur moindre importance. I Cor., xii, 8-10. Le don d’interprétation était même beaucoup plus rare que le don des langues. Le Saint-Esprit ne devait pas communiquer le don d’interprétation quand il n’y avait rien à interpréter, et, de plus, ce don faisait assez souvent défaut, alors que le premier s’exerçait. I Cor., xiv, 28.
5° Caractère surnaturel du don des langues. — El » pfusieurs circonstances, on a vu des personnes parler des langues qu’elles n’avaient jamais apprises. Le fait se constate fréquemment dans les cas de possession diabolique, si bien que le Rituel romain, De exorcizandis obsessis a dsemonio, range parmi les signes de la possession la faculté de parler une langue inconnue ou de comprendre celui qui la parle. Il est de toute évidence que le don des langues accordé aux Apôtres et aux premiers fidèles ne provient pas d’une pareille source. Les textes l’attribuent formellement à l’action du Saint-Esprit, Act., ii, 4 ; x, 44, 46 ; xix, 6 ; I Cor., xiv, 2, et saint Paul n’aurait pas pris pour la manifestation de la puissance divine une faculté due à la présence du. démon. On a également constaté chez certaines personnes soumises à l’influence hypnotique cette même facufté de parler ou de comprendre des langues qui leur étaient étrangères. Mais on a remarqué aussi que les hypnotisés, ou les esprits qui sont censés agir en eux, ne pouvaient parler ou comprendre que des langues connues du médium ou des assistants, ce qui parait ramener cette faculté à un simple phénomène naturel-