Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/456

Cette page n’a pas encore été corrigée
877
878
MATTHIEU (ÉVANGILE DE SAINT)


' testée, dans l’antiquité, que par Fauste le manichéen qui, au témoignage de saint Augustin, Cont. Faustum manich., xvii, 1-4, t. xlii, col. 339-342, prétendait que saint Matthieu n'était pas l’auteur de cet Évangile, car il ne pouvait parler de lui-même à la troisième personne. Les anabaptistes soutinrent plus tard que le juif Matthieu, qui a écrit en hébreu, n’a pas rédigé le premier Évangile qui est écrit en grec. Sixte de Sienne, Bibliotheca sacra, 1. VII, hær. ii, Naples, 1742, p. 980. Beaucoup de critiques modernes depuis Schleiermacher n’accordent plus à saint Matthieu que la composition d’une collection de discours de NotreSeigneur qui est entrée dans l'Évangile grec dit de saint Matthieu et a été utilisée par saint Marc et saint Luc. Voir t. H, col. 2096-2097. Ils s’appuient sur une affirmation de Papias que nous allons citer et interpréter et sur d’autres arguments qui seront discutés dans la suite de cet article. La tradition ecclésiastique n’a jamais hésité à attribuer à saint Matthieu le premier Évangile canonique qui a été primitivement rédigé en araméen et dont nous ne possédons plus qu’une traduction grecque. Réservant pour plus tard la question de la langue originale de cet Évangile, nous prouverons d’abord que le texte grec a toujours été regardé dans l'Église comme l'œuvre de saint Matthieu.

1° Existence et connaissance de l'Évangile grec de saint Matthieu à la fin du I er siècle et au commencement du n°. — Les Pères apostoliques les plus anciens connaissent cet Évangile. Si la première épttre de saint Clément de Rome aux Corinthiens ne contient que de simples allusions au texte grec de saint Matthieu, la Didaché a des citations textuelles. Voir t. ii, col. 20632064. Ainsi, Didaché, i, 2-6, Matth., xxii, 37-39 ; vii, 12 ; v, 44, 46, 47 ; vi, 39, 48, 41, 40, 26 ; Didaché, ii, 2, 3, Matth., xix, 18 ; v, 33 ; Didaché, iii, 7, Matth., v, 5 ; Didaché, v, Matth., xv, 19 ; Didaché, vi, 1, Matth., xxiv, 4 ; Didaché, vii, 1, 3, Matth., xxvtn, 19 ; Didaché, viii, 1, 2, Matth., vi, 16, 5, 9-13 ; Didaché, ix, 5, Matth., vii, 6 ; Didaché, x, 5, 6, Matth., xxiv, 31 ; xxi, 9, 15 ; Didaché, xi, 7, Matth., xti, 31 ; Didaché, xii, 1, Matth., xxi, 9 ; Didaché, xiii, 1, Matth., x, 10 ; Didaché, xv, 3, 4, Matth., v, 22-26 ; xviii, 15-17 (comme citation expresse de l'Évangile) ; Didaché, xvi, 1, 4-7, Matth., xxv, 13 ; xxiv, 24, 10 ; x, 22 ; xxiv, 13, 30, 31 ; xxvi, 64. Funk, Patres apostolici, 2e édit., Tubingue, 1901, t. i, p. 2-36. Nous avons déjà signalé, t. ii, col. 2084, les emprunts et les allusions faits à l'Évangile de saint Matthieu par l'épttre de Barnabe et nous avons dit qu’une de ces citations est donnée comme scripturaire. Saint Ignace d’Antioche et saint Polycarpe connaissent aussi le premier Évangile. Voir t, ii, col. 2065. Mais de tous les témoignages des Pères apostoliques le plus précieux, parce qu’il est précis et affirme le premier que Matthieu est l’auteur d’un Évangile, est celui de Papias, évéque d’Hiérapolis et disciple de saint Jean. Eusèbe, H. E., va, 39, t. xx, col. 300, nous l’a conservé. Il est court et clair ; mais les critiques l’ont obscurci par les interprétations les plus diverses. Citons-le d’abord dans sa teneur originale : MxiOno ; y.ïv ovv âêpatSi SiccXIxtm t » Xéytot tfvveypâ^aTo (ou uvveTàÇaTo), T|pu.iriveu(re 8' aùtà w ; rjv Suvatôs (ou 7]8ûvaro, tjv Suvoctov) jfxaaro ; . Papias disait donc de saint Matthieu qu’il avait écrit en Tièbreu x « "kéyia, que chacun interprétait de son mieux. Quelques critiques pensent, les uns sans aucune hésitation, les autres avec vraisemblance seulement, que Papias avait appris ce renseignement, comme celui qui se rapporte à l'Évangile de saint Marc, du prêtre Jean. Ils le concluent du rapprochement des deux données dans Eusèbe. Mais l’historien de l'Église ne le dit pas explicitement et cite seulement les paroles de Papias sur Matthieu ; ce pourrait donc fort bien n'être que le dire de Papias. Eusèbe, son traducteur syriaque et tous ceux qui ont cité le texte de Papias ont entendu de l'Évangile même

de saint Matthieu les A<5yta que l'évêqué d’Hiérapolis assure avoir été rédigés en hébreu par saint Matthieu. Schleiermacher, dans les Theologische Studien und Kritiken, 1832, p. 735-768, prétendit le premier que par l’expression ; ta Xôyia, Papias ne désignait pas l'Évangile de saint Matthieu, mais bien un livre différent, qui était écrit en hébreu et qui ne contenait que des discours de Notre-Seigneur, Xdytoc xupiaxct. Saint Matthieu aurait donc composé seulement une collection ou un recueil des discours de Jésus, qui est devenu pour de nombreux critiques une des deux sources écrites des synoptiques. Voir t. H, col. 2096-2097. Cette conclusion ressortirait non seulement du sens précis du mot Xôyta, qui désigne spécifiquement des paroles, des sentences, des discours, mais encore du contraste établi, dit-on, par Papias entre l'œuvre de Matthieu qui ne comprenait en hébreu que des discours de Jésus, et l'Évangile de saint Marc qui rapportait, lui, toi ïraô toû XpiuroO $ Xe^ôévta tj tpcr/ôivta, les paroles et les actes du Christ. Il n’est pas certain que Papias, dont l’ouvrage est perdu, établissait un contraste entre le contenu des deux premiers Évangiles, et encore moins qu’Eusèbe, en juxtaposant les deux renseignements de l'évêqué d’Hiérapolis, ait voulu déterminer la différence du contenu des écrits de saint Matthieu et de saint Marc. D’ailleurs, quels que soient les sens divers du mot Xdyiov, Papias désignait par les Xoyia xuptaxâ de Matthieu autre chose qu’un recueil de discours du Seigneur. Deux observations suffisent à le montrer. Papias ne dit-il pas d’abord de l'Évangile de Marc, qui rapportait les paroles et les actes du Christ, qu’il reproduisait la prédication de Pierre et non oTjvtaÇiv twv xupiocxûv X<Sywv ? En outre, son propre écrit était intitulé : Aoyîtov xupcaxûv cÇKiyTJiTK ; . Or nous savons par les fragments qui nous en restent que Papias n’expliquait pas seulement des paroles et des sentences du Seigneur, mais qu’il racontait encore des faits de sa vie. L’expression : ri Xôyia pourrait donc fort bien signifier autre chose qu’un recueil de discours et représenter le contenu d’un récit pareil à celui de l'Évangile actuel de saint Matthieu. Mais il ne faut pas le serrer de trop près et y chercher une indication précise du contenu de l'écrit de Matthieu. Papias désigne celui-ci d’un terme général, suffisamment clair pour ses lecteurs, car son intention, semble-t-il, n’est pas d’indiquer la nature précise du contenu. Il veut plutôt signaler que l'Évangile de saint Matthieu a été primitivement rédigé en hébreu. C’est sur la langue originale de cet écrit qu’il met l’accent ; la mention formelle des interprétations orales et multiples des premiers temps le montre bien. Papias parle vraisemblablement, en effet, des traductions grecques que chacun faisait comme il pouvait dans les assemblées liturgiques sous forme de targum oral, tant qu’il n’y eut pas de version de l'Évangile hébreu. Enfin, l’aoriste T|P|JHÎvev<TS semble viser une époque passée et permet de conclure que Papias connaissait déjà une version grecque écrite de l'Évangile de saint Matthieu. Voir t. ii, col. 2066. Cf. Funk, Patres apostolici, Tubingue, 1901, t. i, p. 359-360. Les Pères apostoliques à la fin du I er siècle et au commencement du H" connaissaient donc le texte grec du premier Évangile canonique, et Papias savait que cet écrit avait été primitivement rédigé en hébreu par saint Matthieu.

2° Connaissance et diffusion de l'Évangile grec de saint Matthieu au cours du ip siècle. — Cet Evangile se répand par tout le monde chrétien et se trouve aux mains des catholiques et des hérétiques eux-mêmeSi — 1. Chez les catholiques. — Le Pasteur d’Hermas, composé à Rome vers 140, cite plusieurs passages de saint Matthieu. Signalons seulement les citations certaines : Matth., xix, 17, Sim., v, 1, 5 ; 3, 2, 5 ; Matth., xjii, 38, Sim., v, 5, 2 ; Matth., xxviii, 18, Sim., v, 6, 4 ; 7, 3 ; Matth., xvi, 27 ; xxi, 22, Sim., iii, 3, 6 ; Matth., x, 39, Sim., îx, 26, 3. Funk, Patres apostolici, t. i, p, 531,