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MASSORE

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mation hybride, de sorte que c’est surtout à l’usage qu’il, convient d’en demander l’origine et le sens. Cf. Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes im ZeitJ. C, Leipzig, t. ii, 1898, p. 328.

I. Les massorètes.

1° Leur époque.

Au xii 6 siècle, Abenesra divisait en cinq classes les docteurs juifs qui, jusqu’à son temps, avaient travaillé sur la Bible. Il distinguait successivement : 1° les docteurs de la grande Synagogue et les scribes, jusqu’à l’an 70 ; 2° les docteurs de la Mischna ; 3° les docteurs de la Gémara ou commentaire de la Mischna ; 4° les docteurs de la massore ; 5° enfin les grammairiens. Cf. P. Morin, Exercitationes biblicse, ii, 12, 7, Paris, 1669, p. 411. Les docteurs juifs commencèrent en effet par s’occuper de la Bible au point de vue de la doctrine et de l’histoire. C’est seulement quand ils eurent fini de consigner par écrit les traditions et les explications des anciens à ce sujet, qu’ils passèrent à un autre ordre d’études. Le Talmud étant terminé vers le milieu du Ve siècle, les massorètes se mirent à l’œuvre et achevèrent leur tâche vers le début du vme siècle. Toutefois ces limites comportent une assez grande latitude ; car il est certain que l’œuvre des massorètes englobe des travaux dus aux docteurs qui les avaient précédés, et qu’à son tour elle fut remaniée et peut-être complétée par les docteurs de la période grammaticale.

2° Leurs écoles.

La tradition attribue la massore aux docteurs des écoles de Tibériade. Bien que contestée par quelques-uns, cette indication traditionnelle est communément acceptée. Après l’achèvement du Talmud et à l’époque de la plus grande prospérité des écoles de Babylone, celles de Palestine et très particulièrement celles de Tibériade consacrèrent tous leurs efforts à la conservation littérale des textes sacrés. Ce sont ces dernières qui exécutèrent la presque totalité du travail massorétique, sans pourtant que les noms des auteurs successifs aient été conservés. Ils ne sont connus que sous le nom général de ba’àlê masorâh ou massoréf, « maîtres de la massore. »

3° Leur langue.

A l’époque massorétique, deux langues étaient en usage dans les écoles palestiniennes. La première était le néo-hébreu, provenant de l’hébreu biblique, enrichi de mots nouveaux, de dérivés des anciens radicaux, de conjugaisons plus nombreuses et d’une syntaxe plus complexe, pour permettre à la langue sacrée de se plier à l’expression d’idées abstraites et didactiques et de donner satisfaction aux exigences intellectuelles d’écoles en contact avec le monde grec. L’autre langue était l’araméen, se divisant en trois dialectes : le judéen ou chaldéen de la Bible, qui se retrouve dans les Targums d’Onkélos et de Jonathan ; le galiléen, en usage dans les parties araméennes du Talmud de Jérusalem, et le babylonien, en usage dans les parties araméennes du Talmud de Babylone. Le dialecte galiléen est le seul des trois qui soit habituellement employé dans la massore. Cf. Dalman, Gràmmatik des jùdUch-palâstinischen Aramâisch, Leipzig, 1894, p. 33-40. Le néo-hébreu sert à la rédaction d’un certain nombre de notes, spécialement de celles qui se rapportent au nombre des lettres, etc. ; l’araméen sert à énumérer les keri et les chetib, etc. Dans certaines notes, les deux langues sont mélangées ; dans d’autres, les abréviations sont telles qu’on ne peut discerner en quelle langue elles sont écrites. Il est probable que le mélange du néo-hébreu et de l’araméen dans les mêmes notes accuse des révisions ou des additions postérieures à la rédaction primitive. Cf. Hyvernat, Petite introduction à Tétude de la Massore, dans la Revue biblique, Paris, 1903, p. 532539.

II. Les sources de la massore.

Comme son nom l’indique, la massore est avant tout traditionnelle. Les massorètes s’appliquent particulièrement à fixer les observations littérales que les docteurs se sont transmises oralement dans la suite des temps. Voilà pourquoi cer tains rabbins ont fait remonter la massore jusqu’à Esdras, ce qui ne peut être vrai que dans un sens très restreint. Il est indubitable qu’avant l’introduction des signes diacritiques dans les textes hébraïques, les docteurs devaient faire connaître à leurs disciples les principes qui réglaient la lecture de ces textes. Cet enseignement oral doit même remonter jusqu’aux plus anciens temps de l’histoire des Hébreux. Mais il ne constituait pas la massore, il en préparait seulement les éléments. Cet enseignement se développa peu à peu. Il ne prit d’extension sérieuse que quand, sous l’influence pharisaïque, on commença à attacher une importance, trop souvent excessive, à la lettre même du texte sacré. Des signes particuliers furent introduits dans la transcription des textes. La « petite corne », xepaîa, apex, dont parle Notre-Seigneur à propos de la Loi, Matth., v, 18 ; Luc, xvi, 17, ne désigne probablement que le jambage recourbé de certaines lettres, et non un signe diacritique. Mais dès l’époque de la Mischna, quelques signes existaient déjà. Il n’en est fait pourtant que de très rares mentions. Pesachim, ix, 2, sur Num., ix, 10, et Sota, v, 5, sur Job, xiii, 15. Sur Gen., xix, 35, saint Jérôme, Qumst. hebraic. in Gen., t. xxiii, col. 966, dit que les Juifg mettent un point au-dessus pour marquer que la chose est incroyable. La massore indique en effet un point sur la vav du mot ûbequmâh, « et elle se leva. » Le Talmud mentionne les points placés au-dessus de quinze mots, pour rappeler certaines explications mystérieuses qui se transmettaient oralement, la forme majuscule donnée à certaines lettres, et la forme minuscule donnée à d’autres, ainsi que plusieurs autres détails qu’on retrouve dans l’œuvre des massorètes. Ces derniers, en beaucoup de cas, n’ont donc fait que reproduire des indications fournies par une tradition antérieure, remontant à une époque plus ou moins lointaine. Il faut en dire autant du keri et da chethîb, qui n’est que la constatation de leçons adoptées par les anciens docteurs. Enfin la notation des voyelles, qui constitue la partie la plus importante de leur œuvre, reposait naturellement sur la prononciation traditionnelle de l’hébreu, comme on peut s’en rendre compte en comparant leur texte à points-voyelles avec la reproduction de ce texte en lettres grecques, qui se trouve dans les Hexaples d’Origène, et çà et là dans les transcriptions des Pères. Ce qu’on doit aux massorètes, c’est donc surtout la consignation par. écrit de remarques qui avaient été faites antérieurement sur la lettre du texte sacré, et auxquelles ils ont dû parfois ajouter les leurs.

III. L’œuvre massorétique.

1° Sa disposition graphique.

Avant l’invention de l’imprimerie, les annotations massorétiques ne pouvaient pas trouver place en marge des, manuscrits bibliques. Elles étaient consignées sur des feuillets détachés, qui s’enrichissaient continuellement d’additions et finirent bientôt par réclamer plus de place que le texte lui-même. Plus tard, pour faciliter la diffusion de l’œuvre massorétique, les rabbins en écrivirent les remarques les plus importantes sur les feuillets mêmes des Bibles manuscrites. Ces annotations occupaient les marges du texte et l’espace laissé libre en haut et en bas du feuillet. Mais de cette disposition résultait une très grande confusion. On peut voir, dans la Revue biblique, 1902, p. 551, la reproduction d’un feuillet massorétique tiré d’un manuscrit du IXe siècle, qui est conservé au British Muséum. La première Bible massorétique fut imprimée à Venise par Bomberg, avec la collaboration du juif Jacob Ben Chayim, sous le titre de Biblia magna Rabbinica, 1525. Ce qu’on y a conservé de la compilation massorétique a été disposé dan » un ordre adopté depuis dans les publications postérieures. On distingue en conséquence la massore en deux parties, l’une textuelle et l’autise finale. Cette dernière est disposée par ordre alphabétique à la fin de chaque livre. Elle se compose de remarques qui, à raison de leur étendue, n’auraient pu trouver place dans les marges du texte. La