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MASPHA DE BENJAMIN

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la mosquée des Turcs, sous laquelle sourd une fontaine riche d’eau fraische, grand soûlas pour les pèlerins… Cette place est à présent nommée des Turcs Elbir. » Le pieux pèlerin ou voyage de Jérusalem, 1. III, c. ii, Bruxelles, 1666, p. 547-648. La localité ainsi désignée est l’actuelle el-Biréh, située à 14 kilomètres au nord de Jérusalem, sur la route de la ville sainte à Naplouse, à 3 kilomètres en deçà de Beitin (Béthel) et où l’on voit deux grandes piscines antiques. Surius ne dit pas sur quoi est fondée sa localisation ; mais les identifications personnelles et savantes étaient trop rares en son temps, pour ne pas y voir l’expression d’une ancienne tradition. Bien que n’en ayant pas alors de preuve positive, j’avais cru pouvoir, en 1894, en formuler cependant la conjecture : le nom de Machmas, présenté dans la description de Burchard (1283) et après lui dans une multitude d’autres, comme le nom antique et biblique i’el-Birêh, m’avait paru ou l'écho faussé d’une [vieille tradition ou une lecture erronée d’un copiste. Cette conjecture me paraît aujourd’hui un fait presque certain. Parmi les copies de la carte de la Terre Sainte de Marin Sanuto (1306) il en est une conservée à la bibliothèque de Florence et publiée par Rôhricht, dans la Revue de la Société allemande de Palestine, t. xxi, Leipzig, 1898, carte 6, où on lit, entre Jérusalem et Letana (pour Lebana) : Masphath vel Bira. D’autres copies, il est vrai, ont Magmas Maginas et Machmas. Rôhricht se demande, ibid., p. 105, s’il ne faudrait pas lire Magedo. Je ne le pense pas, car Sanut lui-mêpie, dans son texte et sur ses cartes, indique Mageddo à Sububa, au côté occidental de la plaine d’Esdrelon. Maginas, qui ne répond à aucun nom biblique ou historique, est une erreur évidente. Machmas dont le nom est constamment demeuré attaché à un village situé à 7 kilomètres et demi à l’est-sud-est d’el-Birêh n’a pas pu être confondu avec cette dernière localité. Le nom de Maspha paraît donc le seul qu’ont pu nommer la tradition et les anciens cartographes comme le nom autique de Bira ou el-Bîréh. Il suffit du reste de voir le nom de Masphath écrit avec les caractères en usage au xiiie et au XIVe siècle pour comprendre combien il était facile à un scribe peu au courant de la géographie biblique, de prendre ce nom pour un autre. On peut se demander en outre si l’auteur du plan de Jérusalem cité plus haut, où l'église de Masphat est représentée à l’ouest de Mons Gaudii ou Saint-Samuel, n’aurait pas eu l’intention de désigner lui aussi el-Biréh. Ces plans et ces cartes non seulement n’ont pas la prétention d’une stricte précision, mais souvent ils indiquent les' localités dans des situations plus ou moins fausses, là où une place reste libre, pourvu qu’elle ne soit_ pas trop éloignée de la place réelle que devraient occuper ces localités. Cette supposition est d’autant plus plausible pour Masphat et sa route, qu’ils se trouvent symétriquement en face de Bethléhem et de sa route, lesquels sont dans la réalité au sud de Jérusalem comme el-Biréh et le chemin y conduisant sont au nord. Quoi qu’il en soit, l’affirmation de Surius peut être défendue encore par des raisons non sans valeur. El-Biréh, t. i, fig. 493, col. 1623, situé en face de Jérusalem, au point le plus élevé de la région après Néby-Samuel, domine tout le pays et a pujrès bien porter le nom de Maspha ; il se trouve sur la route de Samarie, Sichem et Silo à Jérusalem où le récit de Jérémie, xii, 6, semble placer Maspha ; il est au nord de Rama (er-Râm) et non loin de Béthel, comme semblent indiquer Maspha, III Reg., XV, 22 ; II Par., xvi, 7, et Jud., xix-xxi ; enfin de tous les endroits choisis dans l’ancien territoire de Benjamin pour y localiser Maspha, el-Biréh est le seul se trouvant dans des conditions hydrographiques permettant la tenue des immenses réunions mentionnées dans l’histoire de Maspha. Voir L. Heidet, Maspha et les villes de Benjamin, Gabaa, Gabaon et Béroth, dans la Revue biblique, t. iii, 1894,

p. 321-356, 450 ; t. iv, 1895, p. 97 ; Revue d’Orient, 2e année, 1898, p. 295-300 ; A. M. Luncz, Jérusalem, revue hébraïque trimestrielle, t. vi, 1902, p. 53-56 ; La Palestine, guide historique et pratique, Paris, 1904, p. 317-321. Quelques-uns, pour confirmer cette opinion, ont fait remarquer qu’une source jaillissant à moins d’un kilomètre, à l’ouest-nord-ouest d’el-Biréh, porte le nom de 'Aïn-Misbah, ce nom, qui, suivant eux, ne serait pas différent de celui de « fontaine de Mispah », c’est-à-dire « de Maspha », confirmerait la tradition dont nous avons parlé. — La grande difficulté opposée à l’assertion de Surius, c’est le nom à'el-Biréh, qui suivant un grand nombre, ne serait pas différent de Béroth. Si cette Identification était établie d’une manière péremptoire, il faudrait nécessairement rejeter l’assertion de Surius, considérer l’indication de la carte de Marin Sanut comme une erreur incontestable et chercher Maspha ailleurs, dans une situation répondant toutefois aux données bibliques, comme l’ont fait l’abbé Raboisson et le lieutenant-colonel Conder. Pour eux, indéniables sont les données bibliques indiquant Maspha au nord de Rama, non loin de la frontière d'Éphraïm, sur la route de Sichem à Jérusalem, et ces conditions ils les trouvent précisément réalisées par le tell en-Nasbeh, encore appelé simplement Téll-Nasbéh. Cette colline, dont le sommet est couvert de ruines, se ramifie, au sud, 'à la montagne A’el-Biréh dont elle est distante de 2 kilomètres seulement, et commande le chemin de Jérusalem à Naplouse qui passe, à sa base, par un étroit défilé. L’abbé Raboisson a vu descendre, en mars 1897, le lendemain d’un jour de pluies torrentielles, ce qu’il aurait pu voir alors partout ailleurs, des ruisseaux nombreux tombant en cascade. En réalité, au pied du tell, au sud-est, est un puits étroit et profond, au fond duquel sourd un mince filet d’eau, appelé par les uns 'aïn 'Atâra, et par les autres 'aïn Djedy, la « source du chevreau », qui fréquemment tarit en été. Plus au sud se voient les restes d’une ancienne piscine de peu d'étendue. Le principal argument avancé en faveur du tell est fondé sur le nom de Nasbéh, simple modification, d’après ces auteurs, du nom de Maspha. Le P. Hugues Vincent trouve l’homophonie parfaite et absolument concluante dans la question. Raboisson, Les Mizpéh, in-8°, Paris, 1897 ; Conder, dans Palestine Exploration Fund, Quarteriy Statement, 1898, p. 169, 251 ; H. Vincent, dans la Revue biblique, 1898 r p. 630 ; 1899, p. 315-316 ; 1901, p. 151 ; 1902, p. 458. Pour les paysans de la contrée, Nasbeh comme Misbah, dont l’homophonie est cependant plus parfaite et plus concluante, sont des noms purement arabes, d’origine récente, dont la similitude avec Maspha est purement fortuite. Aïn Misbah, la « fontaine où l’on se baigne », de sabah, « nager, » vulgairement « se baigner », est ainsi désignée d’un petit bassin circulaire où sont recueillies les eaux de la source. Tell en-Nasbéh, « la colline de la Borne, s ainsi nommé d’une stèle ou d’un monceau de grandes pierres établi là pour marquer la limite du territoire d’el-Bîréh, était encore appelé, vers 1850, 'Atâra' ; une petite ruine, d’origine relativement moderne, que l’on voit au sud d& la colline, a conservé, ce nom dans celui de khirbet' Atâra', ainsi que la source. D’ailleurs la langue des paysans judéens, différente de celle des massorètes, n’a jamais eu de propension à la transformation de s en P et en B. Toutefois, s’il fallait renoncer à localiser Maspha à el-Bîréh et si Tell en-Nasbéh n'était pas une des. anciennes 'Ataroth, c’est à ce lieu qu’il faudrait tout d’abord rapporter les indications bibliques énumérées à propos de l’assertion de Surius.

4° Opinions diverses des modernes. — Les explorateurs du xix » siècle ont identifié Maspha de Benjamin avec plusieurs autres localités, sans s’accorder dans le choix. Pour le rabbin Schwarz (1833-1865), Maspha est identique à Rama ou Ramalhaïm-Sophim, ville de Sa-