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MASPHA DE BENJAMIN

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Benjamin est la plus illustre de toutes les villes de ce nom et aussi celle dont la situation est le plus débattue.

I. Situation et identification. — 1° D’après Eusèbe et saint Jérôme. — La Bible ne fournit point de renseignements catégoriques. Eusèbe et saint Jérôme semblent ignorer son site et nomment seulement « Maspha, Mao-çct et Masfa de Benjamin », sans ajouter aucune indication. Onomastic, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 282, 283 ; De situ et nom. loc. heb., t. xxiii, col. 911. Au nom « , Massepha de la tribu de Juda », ils ajoutent : « c près de laquelle habitait Jephté, près de Cariathiarim où reposa jadis l’arche d’alliance, et où Samuel jugea le peuple et dont Jérémie fait mention. » Onom., p. 280, "289 ; t. xxiii, col. 911. Les deux auteurs confondent à la fois et à tort Maspha de Galaad résidence de Jephté (voir Maspha 2) et Maspha de Benjamin où ont eu lieu les derniers faits cités, avec Maspha de Juda (voir Maspha 4), « t celle-ci avec la Gabaa près de Cariathiarim où séjourna l’arche sainte. Cf. I Reg., vii, 1 ; II Reg., vi, 3, 4. Le motif de cette dernière confusion est, semblé-t-il, dans la brièveté des récits historiques de la Bible. Elle mentionne l’arche à son retour du pays des Philistins établie à Gabaa de Cariathiarim, puis Samuel convoquant le peuple « à Maspha devant le Seigneur » et immolant là des sacrifices ; longtemps après, David trouva encore l’arche à Gabaa, d’où il la retira pour la transporter à Jérusalem. Eusèbe paraît avoir conclu de ce récit, comme quinze siècles plus tard d’autres le concluront pour tous les lieux où l’on voit passer l’arche sainte, que .Maspha et Gabaa sont un seul et même endroit. L’illustre écrivain ecclésiastique semble avoir oublié que l’arche se transportait en divers lieux pour être rapportée à sa place ordinaire, et son traducteur a négligé de le corriger sur ce point. La Maspha où Samuel jugea le peuple ne peut pas être Maspha de Juda située dans la Séfélah sur la frontière des Philistins, n : aucune des vautres situées en Galaad aux extrémités de la terre d’Israël ; c’est Maspha, lieu de prières en Israël dès les jours anciens, où les Machabées viendront encore prier, I Mach., iii, 46, et qui est située dans la montagne où Juda avait établi son camp, cf. I Mach., iv, 5, 18, 19, en face ou en avant de Jérusalem, I Mach., iii, 46, au nord de la "ville sainte, III Reg., xv, 22, sur le chemin, ou non loin, semble-t-il, qui conduisait de Samarie, Sichem et Silo, à la maison de Dieu ou au Temple, cf. Jer., xli, 6, c’est-à-dire Maspha de Benjamin à laquelle seule conviennent « es diverses indications.

2° D’après les Francs. — Maspha n’est pas marquée sur la carte mosaïque de Madaba, mais le nom de Masphat se trouve sur un plan de Jérusalem du XIIe siècle. Ce lieu est désigné par une église accostée de deux tours, placée à la gauche, ou à l’ouest, du Mons Gaudii (Néby .Samuel) et au nord-ouest de Jérusalem. Le chemin qui y conduit est opposé au chemin de Bethléhem et désigné par l’inscription : vicus ad civitatem Masphat. Voir Zeitschrift des Deutschen Palàstina Vereins, t. xv, 1891, plan 1. J. Ziegler indique, également « Mispéh, à la montagne de Cariat-Jarim, près de Siloh » (Néby-Samuel). Palæstina, Strasbourg, 1532, ꝟ. 39. L’endroit désigné ne semble pas différent de l’actuel Qoubeibeh, où se trouvent les restes d’une église construite par les Croisés. Qoubeibeh est un tout petit village arabe, situé à 4 kilomètres et demi à l’occident de Néby-Samuel, à l’extrémité de la même montagne, à moins de six kilomètres au nord-nord-est de Qariat el-’Anab, la Cariathiarim de la Bible. Comme Eusèbe et saint Jérôme, les Francs du royaume de Jérusalem paraissent avoir identifié la Gabaa de Cariathiarim et même cette localité avec Maspha. Le dominicain Burchard, en 1283, indique en effet Cariathiarim entre Jérusalem et Lachis, sur la route de Lydda, à 4 lieues et demie de Jérusalem. « Lachis, ville des Gabaonites, est, selon lui, à peu près à l’occident (pêne ad occidentem) de Cariathiarim. »

Descriptio Terfse Sanctæ, 2e édit., Laurent, Leipzig, 1873, p. 77. La localité dont parle l’auteur de cette description ne peut être que Qoubeibeh, située à 12 kilomètres et demi au nord-ouest de Jérusalem (distance équivalente à celle déterminée par lui, dont les lieues valent environ 3 kilomètres), sur une ancienne voie allant de la ville sainte à Lydda par Beit-Likia et Gïmzou. Beit-Likia, située elle-même à 8 kilomètres à l’ouest de Qoubeibeh, inclinant un peu au nord, est certainement la a Lachis des Gabaonites » dont parle le moine du xiie siècle. On peut conjecturer de ces documents que Cariathiarim pour les Croisés est le village même de Qoubeibeh, et son église est Maspha près de Cariathiarim. Cette Maspha-Cariathiarim des Croisés est-elle la Maspha-Gabaa des Pères du ive siècle ? Les Francs du moyen âge paraissent du moins l’avoir cru. Avaient-ils des motifs pour cela ? Ils ne nous les font pas connaître, mais il faut observer que la Bible inscrit Maspha de Benjamin, Jos., xviii, 25, 26, entre Béroth et Caphara, et Qoubeibeh est située entre el-Biréh et el-Gtb d’une part, deux localités identifiées avec Béroth, et Kafira, certainement la Caphara biblique, d’autre part, distante de 3 kilomètres seulement à l’ouest de Qoubeibeh. Il n’est aucunement impossible qu’Eusèbe et saint Jérôme aient fait allusion à la même localité, en nommant « Maspha près de Cariathiarim », sans pour cela y annexer celle-ci. Dans ce cas, toutefois, ce n’est pas à la tribu de Juda, dont la limite ne semble pas pouvoir remonter si au nord, qu’il fallait rattacher la Maspha « où Samuel jugea le peuple et dont parle Jérémie », mais à la tribu de Benjamin. Quoi qu’il en soit, l’église de Masphat de la carte du XIIe siècle publiée par Rôhricht, figure sans doute l’église médiévale de Qoubeibeh dont il a été parlé ; c’est la même église à laquelle doit faire allusion Pierre Diacre, écrivain du [XIIIe siècle, s’il parle d’une œuvre contemporaine, « élevée à l’endroit appelé Cariathiarim où résida l’arche du Seigneur. » De locis sanctis, t. clxxiii, col. 1123. Dans l’église des Croisés de Qoubeibeh se voient enclavés dans la nef septentrionale, un pavement ancien et les dernières assises d’une construction antérieure, de 18 mètres de longueur et de 8 à 9 de largeur ; c’était sans doute l’emplacement tenu par les fondateurs de l’église pour l’aire sacrée « où avait reposé l’arche sainte » ou pour les restes de la maison d’Abinadab qui l’avait abritée. Cf. I Reg., vii, 1 et II Reg., VI, 3-4. Depuis le xvie siècle, il est vrai, quelques pèlerins ignorant les documents ont cru reconnaître dans l’église de Croisés a la maison de Cléophas transformée en église », dont parlent saint Jérôme et les anciens ; et dans Qoubeibeh l’Emmaûs de l’évangile ; mais bien que l’église ait été relevée naguère et consacrée sous ce vocable, c’est une erreur. Eusèbe, saint Jérôme et tous les anciens n’ont pas connu d’autre Emmaùs que celui appelé de leur temps Nicopolis, aujourd’hui’Amoâs ; s’ils ont jamais désigné (ce que nous n’osons pas formellement affirmer) le site de Qoubeibeh, c’est pour y montrer « Maspha près de Cariathiarim, où fut jadis l’arche du Seigneur, où Samuel jugea le peuple et dont fait mention Jérémie ». Quant aux Croisés, ils ont localisé Emmaùs à 60 stades de Jérusalem, à Qariath el-’Anab, et Qoubeibeh, selon toute apparence, fut pour eux la Masphat de Cariathiarim « où résida l’arche duSeigneur » et l’église y a été élevée pour honorer cet emplacement. Cf. t. i, EmmaCs 2, col. 1758-1762.

4° D’après Surius et quelques autres. — Un siècle après Ziegler, le récollet Bernardin Surius, résident du Saint-Sépulcre de 1644-1647, assigne une situation différente à Maspha : « Au sortir de la sainte Cité, dit cetauteur, je pris la route de Nazareth… Nous arrivâmes sur le soir à la ville de Masphath, située dix milles d’Italie de Hiérusalem, bastie sur une colline fort fertile ; elle estoit jadis belle et grande comme témoignent ses ruines antiques : en y entrant on passe au long de