Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/425

Cette page n’a pas encore été corrigée
815
816
MARIE-MADELEINE


sans quelque hésitation. Serin, xil in Cant., 6, t. clxxxiii, col. 342, 422, 527, 831. L’opinion de saint Grégoire fit néanmoins autorité dans l’Église ; au moyen âge, on admit en général l’identité des trois Marie. L’hymne de saint Odon de Cluny, en l’honneur de sainte Marie-Madeleine, ne fait qu’une même personne de la pécheresse, de la sœur de Lazare et de la Madeleine de la résurrection. L’hymne de Godescalc ne fait aucune allusion à la sœur de Lazare et de Marthe. Cf. U. Chevallie », Poésie liturgique traditionnelle, Tournai, 1894, p. 200-201. La même remarque s’applique à l’hymne Collaudemus, du XIVe ou XV siècle, cf. Daniel, Thésaurus hymnologicus, Halle, 1841, p. 311, à la prière de Fr. Pétrarque à sainte Marie-Madeleine, cf. F. Clément, Carminae poetis christ, excerpta, Paris, 1867, p. 551, et aux hymnes actuelles du Bréviaire romain. — 2. Les auteurs modernes ont été également divisés sur la question, J. Bollandus, Acta Sanctoruni, julii t. v, p. 187, admit l’identité des trois personnages. Lefèvre d’Étaples, De Maria Magdalena, Paris, 1516, 1518 ; De tribus et unica Magdalena, Paris, 1519, soutint avec éclat la thèse de la distinction des trois Marie. Il fut combattu par l’évêque de Rochester, John Fisher, De unica Magdalena libri très, Paris, 1519, et par le théologien français Noël Beda, Scholastica declaralio sententise et ritus Ecclesise de unica Magdalena, Paris, 1519. En 1521, la faculté de théologie de la Sorbonne prescrivit d’enseigner la thèse contraire à celle de Lefèvre d’Étaples. Cf. Duplessis d’Argentré, Collect. judicior. de novis error., Paris, 1728, t. iii, 1, p. VI. Néanmoins Bossuet, Sur les trois Magdeleine, édit. Migne, Paris, 1856, t. v, col. 1647, croit plus conforme à la lettre de l’Évangile de distinguer trois personnages. Plusieurs anciens bréviaires français fêtaient aussi trois Marie distinctes. Aujourd’hui l’office de l’Église, au 22 juillet, fait appel au triple souvenir évangélique de la pécheresse, de la sœur de Lazare et de la fervente amie de Jésus ressuscité. Sans constituer un argument proprement dit, cette identification liturgique indique au moins qu’il n’existe aucune raison démonstrative contre l’unité des trois Marie. Parmi les auteurs plus récents, Sepp, La vie de N.-S. J.-C, trad. C. Sainte-Foi, Paris, 1861, t. i, p. 464 ; Lecanu, Histoire de N.-S. J.-C, Paris, 1863, p. 225, et Pauvert, Vie de N.-S. J.-C, Paris, 1867, t. i, p. 261, font deux personnes de la pécheresse et de Marie-Madeleine ; l’identité des deux est admise par Faillon, Monuments inédits sur l’apostolat de sainte Marie-Madeleine en Provence, 2 in-4°, Paris, 1865, t. i, p. 1-283 ; Lacordaire, Sainte Marie-Madeleine, Paris, 1872, p. 93-100 ; Curci, Lezionisopra i quattro Evangeli, Florence, 1874, t. ii, p. 418 ; Fouard, La vie de N.-S. J.-C, Paris, 1880, t. i, p. 381 ; Bougaud, Le christianisme et les temps présents, Paris, 1877, t. ii, p. 261 ; Fillion, Évang. selon S. Luc, Paris, 1882, p. 166, 167 ; Didon, Jésus-Christ, Paris, 1891, t. i, p. 352 ; Ollivier, Les amitiés de Jésus, Paris, 1895, p. 214-245 ; Coleridge, La vie de notre vie, t. xvir, trad. Petit, Paris, 1896, p. 430-435 ; Chevallier, Récits évangéliques, Paris, 1891 r p. 218-220 ; Le Camus, Laviede N.-S. J.-C, Paris, 1901, t. ii, p. 324 ; Il santo Vangelo di N. S. G. C, Rome, 1902, p. 90, 188. Cf. Acta sanctorum, 22 juillet.

2° Exposé des arguments. — 1. Ceux qui admettent la distinction des trois Marie font valoir les raisons suivantes : Saint Luc, vii, 37, parle d’une femme qui était connue dans la ville comme pécheresse ; or, la sœur de Marthe paraît avoir été dans une situation qui ne permet guère de supposer qu’elle ait pu mériter une qualification si déshonorante. — Le même Évangéliste, après avoir ainsi nommé la pécheresse, mentionne immédiatement après, parmi les pieuses femmes qui suivaient Jésus, « Marie, qui est appelée Madeleine, et de qui sept démons étaient sortis. » Luc, viii, 2. Comme il n’établit aucune relation entre les deux personnages,

nommés si près l’un de l’autre avec des qualifications différentes, c’est donc qu’ils sont distincts. — Notre-Seigneur ne semble pas avoir connu la pécheresse avant le repas chez le pharisien, Luc, vii, 37-39, tandis que la sœur de Lazare appartenait à une famille amie dont le Sauveur fréquentait volontiers la demeure à Béthanie. Joa., xi, 32 ; xii, 3. — Marie-Madeleine était vraisemblablement originaire de Galilée, puisque son nom se tire de la ville de Magdala, tandis que la sœur de Marthe, selon toute probabilité, était de Béthanie, en Judée. — Il est vrai que saint Jean, xi, 2, dit que Marie, sœur de Lazare, est celle qui oignit le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses cheveux ; mais ce verset est une parenthèse qui sert à mieux faire connaître Marie par une action qui n’était pas encore accomplie, mais qui appartenait à l’histoire du passé au moment où l’Évangéliste écrivait. Des noms différents désignent les trois femmes. Or, dit Bossuet à la fin de sa note sur les Trois Magdeleine, « il ne s’agit pas de prouver qu’il est impossible que les trois soient la même ; il faut prouver que l’Évangile force à n’en croire qu’une, ou du moins que ce soit son sens le plus naturel. » — 2. Ceux qui n’admettent que deux Marie acceptent l’identification de Marie-Madeleine et de Marie, sœur de Marthe, mais distinguent d’avec elle la pécheresse, comme semble le faire saint Luc, vii, 37 ; viii, 2. — 3. Les partisans de l’identité des trois Marie établissent ainsi leur thèse : Saint Jean, xi, 2, en présentant Marie, sœur de Marthe, comme celle qui avait précédemment oint le Sauveur, ne peut que se référer au récit de saint Luc, vii, 36-50, le seul qui ait parlé avant lui d’une onction faite au Sauveur par une femme. Or cette femme était la pécheresse. Marie, sœur de Marthe, que l’Évangile présente comme une contemplative, Luc, x, 38-42, une femme pleine de foi en Notre-Seigneur, Joa., xi, 32, 33, et animée à son égard de la plus affectueuse vénération, Matth., xxvi, 7 ; Marc, xiv, 3 ; Joa., xii, 2, n’était donc autre que l’ancienne pécheresse convertie. — Cette première identification entraîne naturellement celle de Marie, sœur de Marthe, avec Marie-Madeleine. Partout où elle apparaît dans l’Évangile, à la suite de Jésus, au Calvaire, à la résurrection, Marie-Madeleine est l’âme « qui aime beaucoup », Luc, vii, 47, qui s’attache à Notre-Seigneur comme à « la meilleure part », Luc, x, 42, qui montre le caractère généreui, décidé, profondément dévoué, propre à l’héroïne du festin dé Béthanie. Joa., Xii, 3. II fallait être averti pour ne faire de la pécheresse et de Marie, sœur de Marthe, qu’une même personne ; mais, de prime abord, il semble tout naturel d’identifier Marie-Madeleine d’une part avec la pécheresse, d’autre part avec la sœur de Marthe. Sans doute, sa possession par sept démons, Marc, xvi, 9 ; Luc, viii, 2, ne la désigne pas nécessairement comme pécheresse scandaleuse ; mais elle n’empêche pas non plus cette dernière qualification d’avoir été possible, elle la rend même probable.

— Le verset de saint Jean, xi, 2, ne peut se rapporter à l’onction qui se fera à Béthanie même, dans quelques jours. L’Évangéliste parle d’un fait passé, T| àXstyasoc, quse unxit, « qui oignit ; » il parle de la même manière quand il s’agit d’actions déjà accomplies par les personnes qu’il nomme, vii, 50 ; xviii, 14 ; xxi, 20, tandis que, de Juda qui doit trahir, il dit : eneXXev irapaSiSôvoct, erat traditurus, vi, 72. Or la seule femme qui antérieurement se soit signalée par l’acte que rappelle saint Jean, c’est la pécheresse dont saint Luc, vil, 36-50, a raconté le trait sans la nommer. Cf. S. Augustin, De consen. Evangel., ii, 79, 154, t. xxxiv, col. 1155. Les textes présentent toutefois de graves dificultés, qui rendent l’identification quelque peu difficile à expliquer. Ainsi, comme le font remarquer les partisans de la distinction, saint Luc, vii, 36-50, après avoir raconté l’épisode de la pécheresse, passe aussitôt au récit des courses apostoliques du Sauveur et dit qu’il était accompagné de femmes, entre