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    1. MARIE##

MARIE, MËRE DE DIEU

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douta pas que Jésus n’eût le pouvoir et l’intention d’être secourable.

2° Jésus lui dit : « Femme, qu’y a-t-il à moi et à toi ? Mon heure n’est pas encore venue. » Le Sauveur aurait pu dire : « ma mère, » comme Salomon, III Reg., ii, 20, et Jérémie, xv, 10. Il se sert toujours de l’appellation « femme » quand il s’adresse à des femmes, même à sa mère. Matth., xv, 28 ; Luc., xiii, 12 ; Joa., iv, 21 ; viii, 10. Il interpelle sous ce nom Marie-Madeleine après sa résurrection. Joa., xx, 15. À la croix, il dit encore à sa mère : « femme, * bien qu’il y ait là d’autres femmes avec elle. Joa., six, 26. Chez lés classiques, cette appellation est usitée comme fort honorable. Cf. Iliad., iii, 204 ; Xénophon, Cyroped., v, 1, 6 ; Dion Cassius, Hist., li, 12, etc. L’usage qu’en fait Notre-Seigneur et les circonstances dans lesquelles il l’emploie ordinairement montrent que ce terme n’avait de son temps rien que de respectueux. Les mots : « qu’y a-t-il à moi et à toi ? »-ci é(iol xat <roi, reproduisent un hébraïsme, mah lî vâlâk, assez fréquent dans la Sainte Écriture. Jud., xi, 12 ; II Reg., xvi, 10 ; xix, 23 ; III Reg., xvii, 18 ; IV Reg., iii, 13 ; ix, 18 ; II Par., xxxv, 21, etc. Cette expression se retrouve équivalemment dans d’autres passages du Nouveau Testament. Matth., vm, 29 ; Marc, i, 24 ; Luc, iv, * 34 ; viii, 28 ; Matth, , xxvii, 19. Comme tous les idiotismes, elle ne peut se traduire littéralement. Elle signifie, selon les circonstances : « ne vous occupez pas de ce qui me regarde, ne vous inquiétez pas de ce que je dois faire, laissez-moi faire, » ou « qu’est-ce que cela nous fait, à moi et à vous ? ce n’est pas notre affaire ». Le sens de l’expression peut aller de l’opposition la plus formelle à l’acquiescement le plus courtois, suivant la nature des interlocuteurs, des sentiments qui les animent et des circonstances dans lesquelles ils parlent. Sur les lèvres de Notre-Seigneur, l’expression pourrait se traduire par : « Que ne me laissez-vous faire ? i> L’expression qui suit, « mon heure n’est pas encore venue, » peut aussi s’entendre de plusieurs -manières. Elle pourrait signifier simplement : « Le moment n’est pas encore venu, » attendez donc un peu. Mais cette explication suppose que la demande de Marie iut formulée avant que le vin manquât réellement, ce qui n’est pas conforme au texte qui précède. De plus, si tel était le vrai sens, le Sauveur aurait dit, ce semble : « L’heure n’est pas encore venue, » et non pas « mon heure ». Cette expression « mon heure », ou s l’heure », indique toujours dans saint Jean, non pas la minute précise, mais le jour ou l’époque qui doivent voir se produire quelque grand événement messianique, la révélation de la mission du Sauveur, Joa., iv, 21, 23 ; v, 25, 28, sa passion et sa glorification. Joa., vii, 30 ; viii, 20 ; xii, 23 ; xiii, 1 ; xvii, l. Même quand il s’agit de la femme qui va enfanter, « spn heure » indique moins un moment précis que l’ensemble d’heures ou de jours pendant lesquels celle-ci doit souffrir avant sa délivrance. Joa., xvi, 21. Quand donc Notre-Seigneur dit aux noces de Cana : « Mon heure n’est pas encore venue, » il ne veut nullement déclarer qu’il n’interviendra que dans tant de minutes, à tel moment du repas. Son heure, c’est l’époque fixée par le Père pour la première manifestation de sa mission messianique par le moyen d’un miracle. Il suivrait de là que Jésus-Christ aurait devancé cette heure fixée par son Père, pour obéir à la prière de sa mère, prière nécessairement prévue par le Père, qui disposa les événements en conséquence. Saint Irénée, Cont. hxres., III, xvi, 7, t. vii, col. 926, comprend ainsi le texte quand il dit qu’à Cana le Sauveur « repoussa la hâte intempestive de Marie », c’est-à-dire sa demande faite à une heure prématurée, alors qu’elle ignorait l’heure marquée par Dieu. On obtient une exégèse bien plus satisfaisante de ce passage en donnant aux mots : ofotw fy.u r, cJpa iioy, la forme interrogative. C’est ce qu’ont fait Tatien, d’après la version arabe du Diatessaron, Rome, 1888, et saint Grégoire de Nysse, t. xuv,

col. 1308. Dans les textes grecs du Nouveau Testament, l’omission des particules interrogalives est relativement fréquente. Matth., vi, 25 ; viii, 29 ; xii, 10 ; Marc, vii, 18 ; Luc., xiii, 2 ; xx, 4 ; Joa., vi, 14 ; vii, 23 ; xiii, 6 ; xvi, 31 ; xviii, 37 ; xix, 10, etc. Cf. Beelen, Grammat. grœciiat. N. T., Louvain, 1857, p. 508-511 ; Viteau, Étude sur le grec du N. T., Paris, 1896, p. 23-26. La réponse de Notre-Seigneur devrait donc se traduire : « Femme, n’ayez aucune inquiétude, mon heure n’est-elle donc pas venue ? » L’heure de se manifester par un miracle était en effet arrivée, puisque Notre-Seigneur venait d’inaugurer son ministère public par son baptême, ejfrque Jean-Baptiste l’avait présenté comme l’Agneau de Dieu et le Messie. Joa., i, 29-51. C’est même pour « manifester sa gloire » qu’if avait voulu venir à Cana avec ses disciples. Joa., Il, 11. Cf. Ollivier, Les amitiés de Jésus, Paris, 1895, p. 23, 24 ; Bourlier, Les paroles de Jésus à Cana, dans la Revue biblique, 1897, p. 405-422, et surtout Knabenbauer, Evang. sec, Joan., Paris, 1898, p. 118-122.

3° Ce que Marie demandait n’était pas d’une nécessité absolue. Sa requête est une preuve de sa sollicitude vis-à vis de ceux qu’elle aimait, et la manière dont elle fut exaucée montre à la fois le crédit dont elle jouissait auprès de son divin Fils et la bonté du Sauveur disposé à faire des miracles pour procurer même le superflu aux protégés de sa mère, quaDd la gloire de Dieu y est intéressée. Joa., ii, 1-11.

II. AU COURS DE LA PRÉDICATION ÉVANGÉHQVE. —

1° Bien que les évangélistes n’en disent rien, il est fort probable que la Vierge Marie faisait partie de ces pieuses femmes qui accompagnèrent Notre-Seigneur et ses disciples dans leurs courses apostoliques, au moins à partir de la seconde année. Luc, viii, 1-3. Toutefois sa présence ou son souvenir ne sont mentionnés qu’en de rares circonstances.

2° Un jour que le divin Maître conversait longuement avec des pharisiens, dans l’intérieur d’une maison, sa mère et ses frères arrivèrent pour lui parler, et s’efforcèrent en vain de pénétrer jusqu’à lui, tant la foule était grande. La présence de Marie indique immédiatement que cette démarche était commandée par un motif honorable et respectueux. Quelqu’un de l’assistance, s’apercevant de leurs efforts, dit à Jésus : « Voici votre mère et vos frères qui sont dehors et vous demandent. » Le Sauveur, promenant alors ses regards autour de lui et étendant les mains vers ses disciples, répondit : « Ma mère et mes frères sont ceux qui font la volonté du Père, qui écoutent la parole de Dieu et la pratiquent. » Matth., xii, 46-50 ; Marc, iii, 31-35 ; Luc, viii, 19-21. Notre-Seigneur met ainsi au-dessus de la parenté naturelle le lien qui unit à Dieu l’âme obéissante et fidèle. Cette déclaration ne pouvait en rien déshonorer sa mère, qui, aux prérogatives de sa maternité, joignait éminemment celles de sa docilité parfaite à toutes les volontés du Père céleste.

3° Il faut expliquer de même l’autre parole que prononce le Sauveur en réponse à cette femme qui s’est écriée dans la foule : « Bienheureux le sein qui vous a porté et les mamelles auxquelles vous vous êtes allaité ! » Jésus réplique : « Oui, mais (|ievo0v) heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et la gardent ! » Luc, xi, 2728. Ce n’est pas là mettre la Sainte Vierge au second plan, mais tout au contraire faire un éloge délicat de son mérite et inviter toutes les âmes à se procurer le même bonheur qu’elle. Elisabeth a déjà constaté ce bonheur en Marie. Luc, i, 45. Cf. S. Augustin, De virgin., 3, t. xl, col. 398. Un auteur qui écrivait tout au plus au commencement du Ve siècle, et dont les œuvres sont mises à la suite de celles de saint Justin, Qusest. et respons. ad orthod., i, q. 136, t. vi, col. 1389, après avoir remarqué que jamais Notre-Seigneur n’adressa de reproche à sa mère, ajoute : « Dieu n’avait pas choisi une femme quelconque pour qu’elle devint la mère du Christ, mais celle qui dépassait toutes les autres en vertu. Aussi