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MARIE


stilla maris, de mar, v( goutte, » Is., xl, 15, et yâm, « mer. » — « Étoile de la mer, » Stella maris. Cette explication, devenue si populaire, est présentée par saint Jérôme, De nomin. hebraic., de Exod., de Matth., t. xxiii, col. 789, 842. Un seul manuscrit, datant de la fin du IXe siècle et conservé à Bamberg, porte stilla maris au lieu de Stella maris. Saint Jérôme connaissait trop bien l’hébreu pour donner à mar le sens d' « étoile ». Dans Isaïe, XL, 15, il traduit parfaitement ce mot par stilla, « goutte. » Il a donc dû écrire primitivemeut dans son commentaire stilla maris, qui est devenu sous la plume des copistes Stella maris, par suite de la facilité avec laquelle on substituaite à i dans l’ancienne orthographe latine. Ainsi les paysans disaient vea pour via, vella pour villa, speca pour spica. Vairon, Ber. rustic, I, ii, 14 ; xlviii, 2. Quintilien, Inst. oral., i, iv, 17, constate aussi

, qu’on substituait Menerva, leber, magester, etc., à Minerva, liber, magister, etc. Aulu-Gelle, Noct. Attic, X, xxiv, 8, fait une remarque analogue. Bien d’autres exemples pourraient être fournis ; cf. Bardenhewer, Ber Name Maria, p, 69, 70. En voici un qui porte sur le mot ici en question. Dans son commentaire sur Job, xxxvi, 27 : Qui aufert stillas pluvite, saint Grégoire le Grand, Moral., xxvii, 8, t. lxxvi, col. 405, donne des explications

. qui supposent nécessairement dans le texte : steUas plu~ vise. Il lit de même stellse pluviarum au lieu de stillse pluviarum dans Jérémie, iii, 3, t, lxxv, col. 867. Cette manière de lire et de transcrire explique naturellement la substitution de Stella maris à stilla maris dans le texte de saint Jérôme, puis la consécration définitive de la première étymologie, dont le caractère poétique et sym . bolique était si bien fait pour fournir matière aux développements oratoires.

2° Nom. simple. — D’autres auteurs ont traité miryâm comme un nom simple, pouvant avoir les sens suivants : èXiti ; , « espérance, » d’après Philon, De somn., Il, 20, édit. Mangey, t. H, p. 677, sans qu’on voie de quelle racine hébraïque ce sens peut provenir, môraS, « espérance, » étant trop éloigné de miryâm ; — « amère, s de mar, qui a ce sens ; — « hauteur, » de mârôm, qui a ce sens ;

. — « rebelle, » de moréh, qui a ce sens ; — « maîtresse, » de l’arméen mârî, « maître ; » — « don, » en faisant dériver miryâm de rûm, comme ferùmdh, qui veut dire « présent » ; — « illuminatrice, » en rattachant miryâm à 'ôr, « briller, » ou à rd'âh, « voir, » d’où mar'éh, « faisant voir ; » — « myrrhe, » de rnôr, qui a ce sens. Ces étymologies, et d’autres analogues, ne sont guère satisfaisantes, parce que les dérivations proposées sont vagues, lointaines ou arbitraires.

3° Sens le plus probable. — Hiller, Onomasticutn sacrum, Tubingue, 1706, p. 173, a montré que dans miryâm, la terminaison dm, n’est qu’une forme finale sans signification précise. P. Schegg, Evang. nach Matthàus, Munich, 1856, p. 419, a fait dériver miryâm de la racine mara', « ; être gras, bien portant, » en assyrien marû,

. « gras, » en arabe marjâ, « gras, fort ; » d’où le mot mery',

. « bétail gras. » II Reg., vi, 13, etc. Avec les idées orientales sur la beauté, « bien portante » ou « bien nourrie » a le sens de « belle ». De son enquête sur les sens donnés au nom de « Marie », Bardenhewer, Der Name Maria, p. 154-155, tire plusieurs conclusions, dont les plus importantes sont celles-ci. Il n’y a point de raison pour ne pas s’en tenir à la ponctuation massorétique, Miryâm, bien que les versions supposent Maryàm. Ce mot conslitue un nom simple, auquel est ajoutée une finale. Il ne peut venir que de mârâh, « être rebelle, récalcitrante, » ou de mârâ, « être bien portante » et conséquemment « belle ». Le premier sens ne pouvait convenir pour former le nom d’une jeune fille ; c’est donc le second qui est le plus probable.

4° Nom égyptien — H ne serait pas impossible cependant que le nom de « Marie » ait une origine égyptienne. Moïse, Aaron et leur sœur étaient nés en Egypte.

Le nom d’Aaron ne peut s’expliquer en hébreu. Voir Aaron, t. i, col. 2. Lé nom de Moïse, donné à l’enfant par la fille du pharaon, était nécessairement un nom égyptien, bien qu’une étymologie hébraïque lui soit attribuée. Exod., ii, 10. Voir Moïse. Il est donc au moins possible que le nom de leur sœur, Marie, ait eu une origine égyptienne. Il signifierait alors « chérie », de mery, meryt, qui veulent dire « chéri ». Ce sens conviendrait bien au nom d’une fille aînée. Cf. De Hummelauer, In Exod. et Levit., Paris, 1897, p. 161. Ce qui pourrait confirmer cette dernière hypothèse, c’est que, si le nom de « Marie » avait une origine hébraïque, on le rencontrerait plus fréquemment dans l’Ancien Testament, où il n’est porté que par la sœur de Moïse. Mais d’autre part on se demande alors pourquoi il a été choisi par les parents de la Sainte Vierge et par plusieurs autres dans le Nouveau Testament. — On ne peut donc rien affirmer de certain quant au sens et quant à l’origine de

ce nom.

H. Lesêtre.

1. MARIE, sœur de Moïse. — 1° Elle était fille d’Amram et de Jochabed. Exod., vi, 20 ; Num., xxvi, 59 ; I Par., vi, 3. Aaron, son frère, avait trois ans de plus que Moïse, Exod., vii, 7, et elle était l’aînée des deux frères, âgée au moins d’une dizaine d’années à la naissance de Moïse, comme le suppose le rôle qu’elle joua au bord du Nil pour sauver son petit frère. C’est en cette circonstance qu’elle apparaît pour la première fois. Jochabed, après avoir caché son jeune fils durant trois mois, vil qu’elle ne pouvait pas le dérober plus longtemps aux recherches et l’exposa sur le Nil, en laissant sa fille aux environs pour voir ce qui se passerait. La fille du pharaon aperçut la corbeille qui contenait l’enfant, la fit prendre et eut pitié du petit malheureux. Marie s’approcha alors et proposa à la princesse d’aller lui chercher une femme du peuple hébreu, pour nourrir l’enfant. La proposition fut acceptée et la jeune fille alla chercher sa propre mère, à laquelle la fille du pharaon confia Moïse. Exod., ii, 4-10. Le dévouement et l’ingéniosité de Marie, probablement conseillée par sa mère, contribuèrent ainsi à assurer le salut et la destinée de son frère. D’après Josèphe, Ant. jud., III, ii, 4 ; VI, 1, Marie aurait épousé Hur, qui soutint avec Aaron les bras de Moïse pendant la bataille contre les Amalécites, Exod., xvii, 10-13, et fut le grandpère de Béséléel. Voir Hur, t. ii, col. 780.

2° Marie était âgée d’environ quatre-vingt-dix ans au moment du passage de la mer Rouge. Exod., vii, 7. Quand Moïse et les enfants d’Israël eurent chanté le cantique de la délivrance, Marie devint prophétesse, neby'âh, c’està-dire saisie par l’esprit de Dieu. Elle prit en main le tambourin, et, suivie des femmes qui avaient aussi des instruments et commencèrent les danses de joie, elle répondit aux hommes d’Israël en reprenant les premiers mots du cantique, comme un refrain qu’ensuite les femmes ne se lassèrent pas de redire. Exod., xv, 20, 21 ; Mich., vi, 4. Plus tard, Marie fit allusion à l’inspiration que Dieu lui avait communiquée en ce jour. Num., xii, 2.

3° On était arrivé dans le désert, après le départ du Sinaï, à la station de Haséroth, quand Marie et Aaron se laissèrent aller à un mouvement de jalousie contre Moïse. Le prétexe mis en avant fut que Moïse avait pris pour femme une Éthiopienne, soit qu’on qualifiât ainsi Séphora, qui était Madianite, Exod., ii, 21, mais pouvait compter des Éthiopiensparmi sesancêtres, cf. De Huminelauer, In Num., Paris, 1899, p. 97, soit qu’après la mort de Séphora Moïse ait réellement épousé une Éthiopienne d’Arabie. Cf. Rosenmûller, In libr. Num., Leipzig, 1798, p. 214. Voir Moïse, Séphora. On se plaignait sans doute de l’influence que l'épouse de Moïse exerçait sur lui, alors que des femmes d’Israël eussent mérité, semblait-il, d’avoir plus de crédit auprès de lui qu’une étrangère. Aaron et Marie firent sonner haut le privilège qu’ils avaient eu, aussi bien que Moïse, de recevoir les comniu-