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MARC (ÉVANGILE DE SAINT)


leur guérison, i, 43 ; v, 43 ; vii, 36 ; viii, 26 ; enfin la recommandation réitérée aux disciples de respecter le secret messianique qui leur était révélé à eux, viii, 30 ; IX, 8. On peut dire dans ce sens que saint Marc a écrit une thèse ; mais il n’y a pas de raison de soupçonner avec M. Hude, Das Messiasgeheinmiss in den Evangelien, Gœttingue, 1901, que cette conception de l’histoire évangélique est une construction théologique artificielle et n’a rien d’historique. En effet, la croyance messianique a précédé la résurrection. Jésus a été condamné à mort, parce qu’il se déclarait le Messie, Marc, xiv, 61-64 ; xv, 2 ; il s’était rendu tout exprès à Jérusalem pour se déclarer le Messie ; il avait révélé à ses disciples sa messianité et la confession de saint Pierre, ym, 29, est un fait historique. Si Jésus, dès le début de son ministère, n’a pas permis de révéler au peuple sa nature et sa mission messianiques, c’était vraisemblablement afin de ne pas favoriser les idées du peuple au sujet d’un Messie politique, et saint Marc a mis en évidence cette situation historique. Cf. Eose, Évangile selon S. Marc, Pai i=, 1904, p. xv-xxviii.

On a constaté, en outre, que dans le second Évangile les Apôtres tiennent une place à part auprès de Jésus, parce qu’ils doivent être les prédicateurs et les propagateurs de la nouvelle doctrine dans le monde entier. Marc raconte leur vocation, leur formation tant par la réalisation des miracles en leur présence que par des enseignements particuliers sur le royaume des cieux, leur élection spéciale, leur première mission dans la Galilée avec la communication du pouvoir de guérir, préludant à leur mission définitive de prédicateurs de la bonne nouvelle dans le monde entier avec la puissance des signes pour la conversion des nations païennes. Les apôtres devaient être les continuateurs de l’œuvre qui avait été commencée par leur Maître et dont l’Evangile de Marc exposait les heureux commencements, i, 1. Ainsi saint Marc fait ressortir leur préparation à être des témoins oculaires et des prédicateurs autorisés de la vie et de la doctrine de Jésus. Son intention était de faire valoir ainsi devant ses lecteurs païens la catéchèse apostolique qu’il reproduisait dans son ouvrage.

VIII. Sources. — De ce qui précède il ressort manifestement que les Pères de l’Église ont tenu l’Évangile de Marc comme la reproduction des instructions de saint Pierre à Rome et dans les Églises de 1 ? gentilité. Toutefois, saint Augustin, De consensu Evangel., i, ii, 4, t. xxxiv, col. 1044, comparant entre eux les récits évangéliques et constatant les rapports étroits dé ressemblance qui existent entre le second Évangile et le premier, a exprimé le résultat de ses études personnelles dans ce jugement souvent répété, que Marc n’a fait qu’abréger et résumer saint Matthieu. Dans les temps modernes, la dépendance de Marc relativement à saint Matthieu a été diversement appréciée. Tandis que beaucoup de critiques la maintenaient dans le rapport des textes actuels, voir t. ii, col. 2088-2089, d’autres, reconnaissant le caractère original et indépendant de Marc, dans son plan, son but, le genre de sa narration et son style, ont admis la priorité de Marc et la dépendance de Matthieu par rapport à lui, ibid., col. 20902091, 2097. D’autres encore, pour expliquer cette originalité incontestable et en même temps des ressem-, blances indéniables et même des coïncidences verbales avec le texte de saint Matthieu, ont supposé que le second évangéliste se serait servi, non pas du texte grec de saint Matthieu, mais du texte araméen de cet Évangile.

Tous cependant ne regardent plus le second Évangile comme une œuvre de première main et l’Évangile primitif. Ils ont constaté qu’il n’était pas d’une seule venue et que sa rédaction manquait d’homogénéité. Ils ont signalé en lui des sutures, des combinaisons et des superpositions de récits. Cf. A. Loisy, L’Évangile et l’Égiise, 2e édit., Bellevue, 1903, p. 6-8 ; Id., Le second

Évangile, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, Paris, 1903, t. viii, p. 513-527. Ils en ont conclu qu’il a existé dans un état primitif, qu’on appelle le Proto-Marc, voir t. ii, col. 2096-2097, ou au moins, depuis que l’hypothèse du Proto-Marc est en baisse, ibid., col. 2098, qu’il a reçu quelques additions postérieures, Jùlicher, Einleitung, p. 256-258, ou encore qu’il a eu des sources écrites, autres que saint Matthieu. Wrede, Z)as Messiasgeheimniss in den Evangelien, zugleich ein Beitrag zum Verstândnis des Markusevangeliums, Gœttingue, 1901 ; J. Weiss, Dos àlteste Evangelium, Gœttingue, 1903. Si cette dernière hypothèse n’a en soi rien d’impossible, puisque saint Marc, en dehors de ses souvenirs personnels de la catéchèse de saint Pierre, aurait pu utiliser des sources, orales ou écrites, elle ne s’impose pas néanmoins. Il Faut même la repousser en tant qu’elle tend à nier l’unité de composition ou à diminuer la valeur historique du second Évangile, et il vaut mieux, avec les Pères et les écrivains ecclésiastiques, tenir l’œuvre de Marc comme la transcription de la tradition orale et spécialement de l’enseignement catéchétique de l’apôtre saint Pierre. Ce sentiment est trop bien établi pour qu’on puisse le rejeter. En tout cas, il ne semble pas qu’il y ait des raisons suffisantes qui obligent à admettre plusieurs rédactions successives de l’Évangile de saint Marc.

IX. Stvle. — La vivacité et le pittoresque sont les deux caractères principaux du style de saint Marc. Les récits sont très circonstanciés et la multiplicité des détails rend vivantes les scènes décrites. L’auteur aime aussi à exprimer les impressions des acteurs et à peindre leurs sentiments. Son style est vif, précis, net, ferme, parfois dur et un peu négligé. Le narrateur se laisse aller à conter avec simplicité et abandon ce qu’il sait des paroles et des actes de Jésus. Aussi est-il prolixe en quelques endroits et ne craint-il pas les répétitions. Il emploie fréquemment le présent historique, quelquefois le langage direct, ses transitions sont brusques et il entraîne rapidement son lecteur. Il redouble les négations, accumule les adverbes, ce qui donne de la vigueur à sa diction. Il a, d’autre part, une prédilection pour les diminutifs, tels que xXoiâpiov, Suyôrpiov, xopâdtov, xuvûtpiov, icïiSî’ov, etc. Il ne paraît pas très familiarisé avec la langue grecque, et ses phrases présentent un grand nombre d’irrégularités grammaticales et de négligences de style. Elles sont, d’ailleurs, peu enchaînées, reliées presque exclusivement par x « l (employé au moins trente fois de cette manière, iii, 1-26, tandis que Se n’est mis qu’une fois et yàp deux fois). Cette absence de liaisons donne de la monotonie à la narration qui est ordinairement anecdotique. Si la couleur, la vie, le caractère descriptif, ce qu’on a appelé « la touche graphique » du récit de saint Marc révèlent l’impression d’un témoin de la vie de Jésus, l’unité du style montre que le second Évangile est l’œuvre d’une seule main.

X. Langue. — Il n’y a aucun doute que le grec ne soit la langue originale de saint Marc. Parce qu’il a écrit son Évangile pour les Romains, quelques savants ont pensé qu’il l’avait rédigé en latin. Les souscriptions de la version syriaque, la Peschito, et de quelques manuscrits grecs récents, par exemple les cursiꝟ. 9, 10, 160, 161, etc., disent sans doute que le second Évangile a été écrit à Rome dans la langue de Rome. Mais leur autorité est nulle, et peut-être même faut-il les entendre du grec, qui était alors la langue généralement parlée à Rome. Quant au prétendu autographe latin de saint Marc, qui se trouvait à Venise, on sait depuis longtemps qu’il n’est qu’un manuscrit de la Vulgàte dont une autre partie existe à Friuli ou à Prague. Si, comme nous l’avons dit plus haut, saint Marc se sert de mots latins grécisés, il les a empruntés à ses contemporains parlant grec. Voir t. ii, col. 321. Ce sont, d’ailleurs, pour la plupart, des termes