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MARC (ÉVANGILE DE SAINT)


reste vrai néanmoins que l’opposition entre la date que saint Irénée indique pour la rédaction de TÉvangile de saint Matthieu et celle qu’il assigne à la composition du second Évangile favorise davantage la traduction d’è'Soêoç par mort. Quoiqu’il en soit de ce témoignage d’Irénée, on fixe généralement l’époque de la composition du second Évangile suivant l’opinion qu’on a sur la date de la venue de saint Pierre à Rome en 42 ou en 63 seulement.

V. Lieu. — Quant au lieu de la composition du second Évangile, il n’y a pas de désaccord sérieux. L’ancienne tradition a indiqué Rome. Si les témoignages du prêtre Jean et de Papias ne sont pas explicites, les autres que nous avons cités précédemment sont formels, et ce que nous dirons bientôt des destinataires du second Évangile confirmera cette tradition. Le vieil argument latin, mis en tête du second Évangile, dit de Marc que conversus ad fidem Christi evangelium in Italia scripsit. Wordsworth et White, Novum Testamentum D. N. J. C. latine, t. i, p. 171 ; Corssen, Monarchianische Prologue, dans Texte und Untersuchungen, Leipzig, 1896, t. xv, fasc. 1, p. 9. Seul, saint Chrysostome rompt l’unanimité de la tradition. Il rapporte un on-dit, suivant lequel Marc aurait composé son Évangile en Egypte. Hom., i, in Matth., n. 3, t. lvii, col. 17. Son affirmation n’est pas positive et ne peut contrebalancer une tradition plus ferme. Les souscriptions de quelques manuscrits grecs, qui disent que saint Marc a composé son Évangile en Egypte ou à Alexandrie, ont moins d’autorité encore. Elles n’expriment que le sentiment particulier des copistes, sentiment fondé sur îa tradition de "évangélisation de l’Egypte par saint Marc. Richard Simon, Histoire critique du texte du N. T., Rotterdam, 1689, p. 107, conciliait toutefois le sentiment de saint Chrysostome avec celui des autres Pères par l’hypothèse, aujourd’hui rajeunie, d’une double édition, l’une faite à Rome pour les chrétiens de cette ville, l’autre en Egypte pour la nouvelle Église que saint Marc y avait fondée. Les opinions de quelques critiques modernes, indiquant l’Asie Mineure ou la ville d’Antioche comme patrie du second Évangile, reposent sur des raisons insuffisantes.

VI. Destinataires. — 1° Données patris tiques. — Les Pères qui affirment que le second Évangile a été rédigé à Rome, ajoutent qu’il le fut à la prière des chrétiens de cette ville et en vue de fixer par écrit à leur usage la prédication de Pierre. Nous avons déjà cité les témoignages de Clément d’Alexandrie. À deux reprises, il parle des auditeurs romains de Pierre, qui sollicitent de Marc, le compagnon de l’apôtre, la rédaction des instructions qu’ils avaient entendues eux-mêmes, mais dont Marc se souvenait pour y avoir assisté souvent. Une troisième fois, il nomme parmi ces auditeurs des chevaliers césariens, c’est-à-dire des officiers attachés à la maison de l’empereur, cf. Phil., iv, 22, qui firent auprès de Marc des instances pressantes. Saint Jérôme, De vir. ill., 8, t. xxiii, col. 621, dit de Marc que, rogatus a fratribus, brève scripsit Evangelium. La préface latine de la Bible de Théodulfe, du IXe siècle, Bibliothèque nationale d*. Paris, Iat. 9380, reproduit les mêmes indications. Wordsworth et "White, Novum Testamentum D. N. J. C. latine, t. i, p. 173. — 2° Critères internes.

— Ils confirment les données traditionnelles. Ils indiquent d’abord que les lecteurs du second Évangile n’étaient ni de Palestine, ni de race juive. L’auteur montre bien que ses lecteurs ignorent la langue et les usages juifs. Il traduit en grec tous les mots araméens qu’il cite : Boocvtjpt-è ; , S I<tuv uîoî [}povTîjî, iii, 17 ; TaXiâà -/o’J|ju> 3 iffTiv |Ae9sp[171vev6fiEvov ™ xopâaiov, ao ïi-fco, ëretpe, v, 42 ; -/opë3v, S ènriv 8û>pov, vil, 11 ; èççrjOi, 5 ê<mv BiavoixSïjTt, vil, 34 ; ôulô ; Ti[ia : ou BapTtfiato ; , X, 46 ; àSëS à mivftf), XIV, 36 ; êx&>s> êXan, >a(jiâ <jaêa-/6° v£t, XV, 34. Il explique des pratiques spéciales aux Israélites, telles que les lustrations des mains avant de manger, des

coupes, des mesures et des vases avant de s’en servir, vu, 3 ; 4 ; les expressions : le premier jour des azymes, xiv, 12 ; la irapoKjzE’jTi, xv, 42 ; l’époque de la maturité des figues en Palestine, xi, 13 ; la situation du mont des Oliviers par rapport au Temple, xiii, 3. Ses lecteurs semblent même ignorer l’Ancien Testament. En effet, il ne nomme pas une seule fois la loi juive ; sauf deux exceptions, i, 2, 3 ; xv, 28, il ne fait aucune citation prophétique. D’autres indices montrent que ces lecteurs étaient latins et romains. L’auteur, employant la langue qu’ils comprennent, se sert, sans les expliquer, de mots latins grécisés et de tournures latines : Bijvâpiov, vi, 37 ; xevtupîoiv, xv, 39, 44, 45 ; xrjv<ro ; , xii, 14 ; Çéctttiç, vii, 4, . 8 ; Xeykôv, v, 9, 15 ; Ttpanwpiov, xv, 16 ; tf}MytXk61a, xv, 15 ; <jirexovXàT(op, VI, 27 ; par contre, il explique le termfr Xra-rà Suô en monnaie romaine, xoSpâv-n-jç, xii, 42. Il mentionne que Simon de Cyrène était le père d’Alexander et de Rufus, xv, 21. Ces deux personnages étaient donc connus des lecteurs. Or saint Paul, Rom., xvi, 13, salue un Romain du nom de Rufus, ainsi que sa mère, « qui est aussi la mienne, » ajoute-t-il. L’apôtre avait donc connu ailleurs, en Palestine peut-être, cette famille de chrétiens de Rome. On a remarqué enfin que Marc est le seul évangéliste à parler de la coutume romaine, d’après laquelle une femme peut répudier son mari, x, 12.

VII. But. — Les Pères, dont les témoignages ont été précédemment cités, déclarent que saint Marc se proposait uniquement, en composant son Évangile, de reproduire l’enseignement catéchétique de saint Pierre, annonçant aux païens la bonne nouvelle du Christ rédempteur. Le caractère du second Évangile répond parfaitement à cette donnée, et le but de son auteur n’est, en effet, directement, ni apologétique, ni polémique, mais simplement catéchétique et historique. Marc expose, par le récit de la vie publique, que Jésus, le prédicateur de la nouvelle doctrine, est le Messie, Fils de Dieu, qu’il a révélé à ses apôtres, par ses paroles et ses actes, sa filiation divine et qu’il leur a confié la mission de publier sa doctrine et de continuer son action puissante dans le monde entier. La foi me sianique s’affirme dès Jedébut de son récit. De quelque façon qu’on explique la liaison des premiers versets, saint Marc, dans le titre de son livre, i, 1, indique son bu ; qui est de raconter les débuts delà prédication messianique de Jésus-Christ, Fils de Dieu. Écrivant pour des païens convertis, il nedit pas, comme saint Matthieu aux ; Juifs, que Jésus est fils d’Abraham et de Da iT id, il le déclare à la fois Messieet Fils de Dieu. Aussi l’élément messianique domine-t-il dans son Évangile. Il ne le prouve pas, comme saint Matthieu, par la réalisation des prophéties, mais par l’exposé des nombreux miracles opérés par Jésus : guérison des malades (lépreux, aveugles, paralytiques, etc.), délivrance des possédés, résurrection des morts, domination sur les éléments (tempêtes apaisées, multiplication des pains). Toutes ces actions miraculeuses manifestent que Jésus est le Messie, Fils de Dieu. Les délivrances des possédés témoignent en particulier que Jésus est plus puissant que Satan, dont il est venu détruire la domination sur le monde, et qui proclame sa défaite par la bouche de ses victimes, i, 24. La transfiguration, les prédictions, les prodiges qui s’accomplissent au moment où Jésus meurt, les prédications à la foule et aux disciples, tout dans l’Évangile de saint Mare contribue à montrer que Jésus est le Christ, Fils de Dieu, et cette démonstration résulte du simple narré des faits. On a remarqué cependant que le second Évangéliste se préoccupait d’expliquer comment malgré toutes ces manifestations messianiques, le peuple juif était resté incrédule et n’avait pas reconnu en Jésus le Messie qu’il attendait. Pour résoudre ce problème, saint Marc a noté constamment au cours de son récit le silence que Jésus avait imposéaux démons, i, 25. 34 ; iii, 11, 12 ; les ordres donnés aux malades guéris de ne pas divulguée