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MARC (ÉVANGILE DE SAINT)


sente en elle-même des caractères d’authenticité. — i. Arguments défavorables. — En passant du verset 8 au verset 9, on éprouve l’impression d’une solution de continuité. Le verset 9 commence un récit différent et indépendant du précédent. Le narrateur indique de nouveau le jour et l’heure où se passe l’événement. Cf. p. 9 et 2. Le récit débute sans que le sujet de la phrase soit exprimé, bien que Jésus ne soit pas intervenu directement dans les versets antécédents. Marie-Madeleine qui avait déjà été nommée, Marc, xv, 40, 47 ; xvi, 1, est introduite comme une personne inconnue par cette Temarque, tirée de Luc, viii, 2 : wap’^ « èx6£6^xei Imà. Jai(tdvta. De plus, le récit dans son ensemble ne -cadre pas avec le précédent. Les saintes femmes étaient demeurées sous l’impression de la peur qui leur fermait la bouche, ꝟ. 8, et la suite ne nous apprend pas comment elles ont recouvré la parole et rapporté aux Apôtres le message de l’ange. Au lieu de cela, on raconte une apparition de Jésus à Marie-Madeleine seule, et .Marie annonce aux Apôtres que Jésus est vivant. L’apparition aux Apôtres, qui devait avoir lieu en Galilée, xiv, 28 ; xvi, 7, est racontée, xvi, 14, sans aucun rapport avec la Galilée. On remarque encore dans le récit des divergences de style qui trahissent une main différente. On n’y trouve pas d’abord les expressions favorites de saint Marc : eùôûç ou eûoéwç, niXiv et les composés de itop£iJo|jioi, tandis que ce verbe est employé à.la forme simple, p. 10, 12, 15, Marc préfère : lmtù> ôvôtiau à êv tû ôvôixoiTi, xsïpac èttiTiôévat tivi à x E ?P a î JîtiTiOévat Inl riva. D’autre part^ il y a des expressions qui ne sont pas de la langue de Marc. Celui-ci a dit : ri) pcâ xwv <T « 6ëâ-Toiv, xvi, 2, forme hébraïque employant le nombre cardinal pour le nombre ordinal ; il y a : Tcpcitu) aaéëdtTou, t. 9, forme grecque plus littéraire. Le titre de Kûpioç, donné à Jésus, ꝟ. 19, n’est jamais employé par Marc Enfin, le genre littéraire de ce morceau diffère de celui du second Évangile. En celui-ci, le récit est toujours voriginal ; à partir du ꝟ. 9, la narration semble n’être qu’une compilation de passages empruntés aux autres Évangiles, les versets 9-Il sont extraits de Joa., xx, 1-10 (avec un emprunt à Luc, viii, 2) ; 12 et 13 résument brièvement Luc, xxiv, 13-35 ; 14 répond à Luc, xxiv, 36-40. et à Joa., xx, 19-20 ; 15 résume les discours, Luc, xxiv, 47-49 ; Joa., xx, 21-23 ; Matth., xxviii, 19-20 ; 16 ressemble à Matth., xxviii, 19 ; Luc, xxiv, 49 ; Joa., m, 5, 18 ; 17 et 18 amplifient Luc, x, 18, 19 ; enfin, 19 et 20 sont un sommaire des finales de Matthieu et de Luc et du début des Actes. En outre, il n’y a pas dans ces résumés les petits détails que multiplie saint Marc Il est certain que ces observations sont fondées et que sous le rapport du contenu et du style la finale de Marc diffère un peu du reste de l’Évangile. On a expliqué ces différences de diverses manières, notamment par une interruption dans la composition et une reprise pour compléter l’Évangile. Sans avoir recours à cette hypothèse, il suffit de remarquer que les différences signalées se rencontrent dans d’autres passages des Évangiles, dont on ne suspecte pas pour cela l’authenticité. Les particularités de style notamment ne prouvent rien. En « ffet, E-ôô-uc ne se rencontre plus à partir de xv, 1, et -itàXiv à partir de xv, 13. Saint Marc, dans le même contexte, emploie tantôt ctc ! toi ovdtiaxi, ix, 37, 39, tantôt iv t<5 ôvd(jjXTt, ix, 38, 41 ; imxiflÉvat, tantôt avec le datif, v, 23 ; vi, 5 ; vii, 32 ; viii, 23, tantôt avec lui, viii, 25 ; x, 46. On ne peut pas faire état des expressions particulières, car la section, xv, 44-xvi, 8, qui précède immédiatement, en contient un plus grand nombre : ce qui % n’est pas étonnant, l’écrivain employant des mots nouveaux pour exposer un sujet spécial. À supposer que la narration finale soit une compilation de faite empruntés aux autres évangélistes, il faut convenir qu’elle forme un récit bien lié et habilement gradué. Trois fois, la résurrection de Jésus est annoncée aux disciples et trois

fois ils n’y croient pas ; le Seigneur finalement leur apparaît et leur reproche leur incrédulité, avant de leur confier la mission d’évangéliser le monde entier. Enfin, ce récit complet et un n’est pas extrait d’un écrit indépendant, d’une relation secondaire provenant de la seconde génération chrétienne, car il présente, pour le fond et la forme littéraire, les caractères propres de l’Évangile de saint Marc.

2. Arguments favorables. — Cet Évangile, nous le dirons plus loin, a pour but de prouver la filiation divine de Jésus par l’histoire de la vie publique, qui commence par la prédication de Jean-Baptiste, le précurseur, et qui finit par l’ordre donné aux açôtres, continuateurs de l’œuvre du Maître, de prêcher l’Evangile, et par l’exécution de cet ordre, xvi, 15, 20. Saint Marc insiste sur les miracles comme preuves, de la divinité de Jésus ; la finale énumère les miracles dont Jésus accorde le pouvoir aux Apôtres comme signe de leur mission, XVI, 1618, et elle ajoute d’un mot leur réalisation, 20. Les expulsions des démons sont rapportées par saint Marc comme les principaux miracles du Sauveur ; elles sont mentionnées dans la finale, xvi, 9, 17, et elles sont lé premier des signes qui accompagneront la prédication des Apôtres. Saint Marc fait ressortir la faiblesse des Apôtres, leur manque de courage, de foi et d’intelligence au cours de la vie publique, afin de montrer la vigueur de leur conviction finale et la puissance de la grâce qui en a fait d’autres hommes. Or la finale signale trois fois l’incrédulité des Apôtres, xvi, 11, 13, 14 ; elle y rattache néanmoins leur mission et elle indique comment ils l’ont remplie avec la grâce de Dieu, xvi, 15, 20. Saint Marc enfin se distingue des autres évangélistes par le nombre et l’importance des traits particuliers que contiennent ses récits. Voir plus loin. Or la finale, même lorsqu’elle rapporte des points qui se retrouvent ailleurs ; contient des détails propres que les autres évangélistes ne donnent pas. Ainsi saint Jean, xx, 1-18, raconte l’apparition de Jésus à Madeleine ; c’est dans la finale seule qu’il est dit que cette apparition fut la première de toutes, xvi, 9. L’incrédulité des apôtres, Marc, xvi, 13, n’est pas mentionnée, Luc, xxiv, 35 ; le reproche que leur en fait Jésus, xvi, 14, ne l’est pas, Matth., xxviii, 18. Les promesses faites aux fidèles et aux Apôtres, Marc, xvi, 16-18, sont, dans leur teneur, spéciales et n’ont de parallèle complet en aucun autre Évangile. Le titre de Kûpioc est donné, Marc, xvi, 19, au Christ ressuscité exclusivement et pour la première fois dans le second Évangile, parce qu’il lui convenait alors spécialement, La mention que Jésus est assis à la droite de Dieu, xvi, 19 ; la prédication de l’Évangile par les Apôtres et l’accomplissement des promesses du Maître, xvi, 20, ne se retrouvent dans aucun autre Évangile. Ainsi donc toutes les idées mères et les principaux traits caractéristiques de l’Évangile de saint Marc sont réunis, dans la finale contestée, aussi nettement, sinon plus que dans n’importe quelle autre section d’une douzaine de versets de tout le second Évangile. Nous en concluons que c’est Marc lui-même qui a terminé son récit par l’épilogue normal qui en forme maintenant la conclusion.

L’authenticité de la finale canonique de Marc admise, il reste à expliquer son omission dans quelques manuscrits et le silence de certains Pères à ce sujet. De soi, la mutilation de l’Évangile canonique s’explique mieux que l’addition générale d’une finale non canonique. Pour la justifier, faut-il recourir à l’hypothèse déjà indiquée précédemment, d’une interruption de Marc dans la rédaction de son Évangile ? Cette hypothèse a été exposée par Belser, Einleitung in dos N. T., p. 95103. Il pense que saint Marc, ayant rédigé son Évangile à Rome en 44, ne put l’achever et dut l’interrompre brusquement à cause de la persécution contre les chrétiens. Des copies de cette première rédaction furent prises à l’insu de l’auteur, et transcrites plus tard, elles