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MARA


1. MARA (hébreu : Màrâ’; Septante : TTixpi). Quand Noémi revint du pays de Moab à Bethléhem sa patrie, elle dit aux femmes de la ville qui la reconnaissaient et l’appelaient par son nom : « Ne m’appelez pas Noémi (la belle ou l’agréable), appelez-moi Mara (l’amère), parce que le Tôut-Puissant m’a remplie d’amertume (hêniar). » Ruth, I, 20. Elle faisait par là allusion à la mort de son mari Elimélech et de ses deux fils, Mahalon et Chélion, qu’elle avait perdus dans le pays de Moab, où ils étaient tous allés se réfugier pendant une famine. Voir Noémi.

2. MARA (hébreu : Marak, Exod., xv, 23 ; Num., xxxiii, 8 ; xxxiii, 9 ; avec hé local, Marafah, Exod., xv, 23 ; Septante : Méppa Ilixpia, Exod.. xv, 23 ; et Ilixptai, Num., xxxiir, 8 ; xxxiii, 9), première station des Israélites dans le désert, après le passage de la mer Rouge. Exod., xv, 23-26 ; Num., xxxiii, 8-9. Le nom de Marah, donné à cette localité, Exod., xv, 23, par anticipation, dérive de la racine mârâr, a être amer. » Les Israélites appelèrent cette première station après le passage de la mer Rouge Marah, parce que les eaux qu’ils y trouvèrent étaient maryim, « amères. » « Après que Moïse eut fait sortir les Israélites de la mer Rouge, ils entrèrent, dit l’Exode, xv, 22-23, au désert de Sur (voir Sur) ; et ayant marché trois jours, dans la solitude, ils ne trouvaient point d’eau. Ils arrivèrent à Mara ; et ils ne pouvaient boire des eaux de Mara parce qu’elles étaient amères. C’est pourquoi on lui donna un nom qui lui était propre, en l’appelant Mara, c’est-à-dire amertume. »

I. Identification. — Où était situé Marah ? Les pèlerins anciens ne se sont pas préoccupés de l’identifier. Cf. S. Jérôme, De situ et nominibus toc. hebraic, t. xxiii, col. 909. — Sainte Silvie, dans les fragments de

— Fontaines d’Ayoun-Mouça.

D’après une photographie.

son pèlerinage au Sinaï(vers l’an 385) publié par GamurrinijjSfattK e documenti di storiae diritto, an. ix, Rome, 1^88, n’en parle pas, non plus qu’Antonin de Plaisance (vers l’an 570), Itinéraire, dans les Acta sanct., maii X. H (1680), p. xv, n. xli. Dans les siècles suivants, on a identifié Marah avec Ayoun-Mouça, « les fontaines de Moïse, » à douze milles environ de Suez, à l’est de la mer Rouge. C’est une petite oasis où l’on rencontre quelques sources d’eau limpide ; ïnais’légèrement saumâtre, avec des bouquets de palmiers ; . CJ’.’àdrichomius, Descriptio

deserti Pharan, Cologne, 1660, n. 39 59 ; P. Belon, Observations de plusieurs singularités, II, 57, Paris, 1588, p. 275 ; Fr. Quaresmius, Elucidatio Terrée Sanctie, Venise, 1881, t. ii, p. 732. On peut bien admettre, selon la tradition locale, que les Israélites, en allant de la mer Rouge à Marah, se soient reposés à Ayoun-Mouça (fig. 211) selon la coutume des pèlerins qui vont de l’Egypte au Sinaï, mais on ne peut identifier les fontaines de Moïse avec Marah, parce qu’elles ne sont pas à trois jours de distance de la mer Rouge. Un voyageur du xv siècle, Surianus, Trattato di Terra Sanctae deW Oriente, édité par le P. G. Golubovich, des Frères Mineurs, Milan, 1900, p. 175, distingie avec raison « les fontaines de Moïse » de Marah. Un grand nombre d’explorateurs modernes depuis Burckhardt, Travels in Syria, 1822, p. 472, identifient Marah avec Aïn-Haouarah (fig. 212), presque à 20 kilomètres de Ayoun-Mouça, vers le sud, sur la voie traditionnelle de Suez au Sinaï. Cf. Schubert, Reise in den Morgenland, 1839, t. ii, p. 274 ; Robinson, Biblical Researches, 1841, t. i, p. 97 ; Grant, Egypt and Sinai, p. 197 ; Wellsted, Travels in Arabia, 1838, t. H, p. 39-40 ; Lottin de Laval, Voyage dans la péninsule arabique du Sinaï, in-4°, Paris, 1855-1859, p. 214 ; Tischendort, Reise in den Orient, in-8°, Leipzig, 1846, 1. 1, p. 188 ; Ebers, Durch Gosen zum Sinai, p. 116 ; Bartlett, Front Egypt to Palestine, p. 198 ; Crelier, L’Eocode, Paris, 1895 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. ir, p. 451. — Voici leurs arguments : — 1° Quoique l’étymologie de Marah soit plus d’accord avec Ouadi-Mereira, « la vallée de l’eau amère, * à 46 kilomètres d’Ayoun-Mouça, cf. H. S. Palmer, Sinai, in-12, Londres, p. 190, cependant on peut bien appliquer aussi la signification de ce mot à Aïn-Haouarah, « la fontaine de la destruction ou de la ruine. » — 2° En admettant, selon l’opinion traditionnelle et assez commune encore aujourd’hui, que le passage miraculeux de la mer Rouge ait eu lieu dans les environs de Suez, la distance d’Aïn-Haouarah concorde exactement avec les trois jours de chemin indiqués par le texte biblique.

— 3° Les Israélites, dans ces trois jours, « marchèrent dans le désert et ils ne trouvèrent point d’eau. » Exod., xv, 22. « Cette notice laconique, observe H. S. Palmer, Sinai, p. 189-190, met parfaitement en relief le caractère principal de cette contrée à l’époque actuelle. Une plaine morte et stérile, couverte seulement de quelques herbes et de quelques arbustes misérables, des cailloux noircis et rayés par le sable, une monotonie désolante, l’absence totale d’eau, à part celle que fournissent une demidouzaine de crevasses remplies d’eau saumâtre, sur une superficie de 1 400 kilomètres carrés, tout cela ne produit que trop vivement dans l’esprit du voyageur l’impression d’un désert sans eau. » — 4° En outre, la physionomie de la contrée, la qualité des eaux et la position d’Aïn-Haouarah favorisent cette opinion. « La fontaine, dit Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. ii, p. 452, est au centre d’une petite éminence, établie sur un dépôt calcaire : elle a environ l^SO de circonférence et 60 centimètres de profondeur. La qualité de l’eau varie un peu, selon les saisons, mais elle est toujours mauvaise et amère. Au témoignage de Burckhardt, les hommes ne peuvent la boire et les chameaux eux-mêmes ne s’y désaltèrent que lorsqu’ils souffrent beaucoup de la soif. Randall la compare à une solution légère de sel de Glauber, Bartlett ou sel d’Epsom. » On a objecté, contre cette identification, la petite quantité d’eau qu’on trouve à Aïn-Haouarah, et qui est insuffisante pour désaltérer une multitude comme celle des Israélites et leurs troupeaux. Cette objection, dans l’état actuel d’Aïn-Haouarah, pourrait peut-être créer quelque difficulté ; mais en ce temps-là la fontaine d’Aïn-Haouarah pouvait être plus abondante’.

Quoique l’identification de Marah avec Aïn-Haouarah soit aujourd’hui la plus commune, il y a cependant des