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MAGIE


fluences irrésistibles sur les volontés ou les sentiments, et enfin le pouvoir exercé sur les éléments de ïa nature pour opérer des effets extraordinaires, transformations subites, guérisons instantanées, etc. Parfois ces résultats paraissent avantageux, parfois ils sont nuisibles, souvent même ils ne procurent le bien de l’un qu’au détriment d autrui. Les procédés employés dans la magie ont cette marque caractéristique qu’ils n’ont aucun rapport naturel avec l’effet attendu. Ces procédés consistent en paroles, en gestes, en actes, en emploi d’objets auxquels on attribue une vertu mystérieuse qui ne s’exerce d’ailleurs que dans des conditions données et auxquelles doit rigoureusement se soumettre l’opérateur. Il n’y a donc là que superstition pure. Quant aux résultats, si quelques-uns doivent s’expliquer naturellement, si d’autres ne sont qu’apparents et dus à l’imposture, la plupart ne peuvent être attribués qu’à l’intervention d’esprits que l’ensemble des opérations de la magie oblige à regarder comme des esprits mauvais, c’est-à-dire des démons. La magie, comme toutes les superstitions, est née naturellement de la déformation de la croyance religieuse. Aussi la rencontre-t-on chez tous les peuples de l’antiquité, sans qu’il soit nécessaire de lui chercher une origine unique. I. La magie chez les Égyptiens. — 1° Le Dieu Thot, dieu-lune d’Hermopolis, dans l’Egypte moyenne, était considéré comme l’inventeur ou le détenteur des formules magiques, auxquelles ne résistent ni les dieux ni les hommes. Il avait réglé et noté la voix juste, ma khrôou, avec laquelle les incantations doivent être proférées pour obtenir leur efficacité souveraine. On regardait les femmes comme particulièrement aptes à l’aire entendre cette voix juste, et à se mettre en communication avec les êtres invisibles. Aussi la reine devait-elle accompagner le pharaon et le protéger par des pratiques magiques, pendant qu’il sacrifiait. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, t. i, , p. 271-272. Les magiciens formés à l’école de Thot avaient à leur service toutes les divinités. Ils tiraient profit de leur pouvoir, en l’exerçant soit pour satisfaire leurs grossiers appétits, soit pour assouvir les rancunes de ceux qui les payaient. Ils étaient habiles à envoyer des songes qui terrifiaient ; la plupart des livres magiques égyptiens renferment des formules pour « envoyer des songes ». Ils effrayaient leur victime par des apparitions et des voix mystérieuses, la livraient à des spectres qui s’introduisaient en elle et la faisaient périr de consomption ; ils l’accablaient de maladies, excitaient la haine ou l’amour dans le cœur des autres, etc. Ils composaient des charmes avec quelques parcelles de la personne visée ou de ses vêtements. Ils pratiquaient l’envoûtement. À une poupée de cire habillée comme la victime, ils infligeaient toutes sortes de mauvais traitements que ressentait aussitôt cette dernière. Ramsès III eut à souffrir d’un envoûtement. On a trouvé les poupées de ciré et les philtres dont les magiciens avaient fait usage contre lui. On ne pouvait se défendre contre les pratiques magiques que par d’autres pratiques du même genre. Cf. Chabas, Le papyrus magique Harris, dans les Mélanges égyptologiques, IIIe série, t. ii, 1873, p. 242-278 ; Birch, Hgyptian magical text from a papyrus in the Brit. Mus., dans les Records of the Past, vi, 1876, p. 113126 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, G’édit., t. H, p. 58-63, 114-116 ; Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, t. i, p. 145, 212-214 ; E. A. W. Budge, Egyptian magie, in-16, Londres, 1899 ; A. Krman, Zaubersprûche fur Mutler und Kind, aus dem Papyrus 3027 des Berliner Muséums, in-4°, Berlin, 1901. Cf. aussi C. Wessely, Griechische Zauberpapyrus von Paris und London, dans les Denkschriften der Akademie der Wissenschaft, phil. hist. Kl, Vienne. 1888, p. 27-208 ; F. G. Kenyon, Greek Pa--pyri in the British Muséum, in-4°, Londres, 1893,

p. v-vi, 126-139. — 2° Les devins, hartummîm, et les sages, hàkâmïm, sont mentionnés par la Sainte Ecriture à l’occasion des songes du pharaon contemporain de Joseph. Gen., xli, .8. On suppose que ceux qui ont le pouvoir d’envoyer des songes ont aussi l’habileté nécessaire pour les interpréter. Voir Divination, t. ii, col. 1443, 1444 ; Songe. À l’époque des plaies d’Egypte, le pharaon appelle à son aide les hâkâmîm, « les sages, » ceux qui sont censés connaître les causes, et avec eux les mekassefîm, çaptiaxai, maleflci, « les magiciens » proprement dits, qui agissent au moyen des lehâtîm, çaptiaxiat, incantationes, des incantations, des pratiques magiques. Exod., vii, 11. Ces magiciens sont appelés (lartummîm, êitaotooi, « enchanteurs, » dans le même verset. Ils réussirent, comme Moïse et Aaron, à changer leurs verges en serpents et les eaux en sang et à faire pulluler les grenouilles. Exod., vii, 12, 22 ; viii, 3. Ils s’essayèrent en vain à produire des moustiques, Exod., viii, 18, ne tentèrent rien pour imiter la multiplication des mouches, Exod., viii, 24, et furent eux-mêmes cruellement atteints par la plaie des ulcères. Exod., ix, 11. Leurs premiers prestiges avaient été efficaces ; mais quand leur magie fut impuissante à produire des moustiques, prestige qui en soi n’offrait pas plus de difficultés que les précé lents, ils furent obligés de reconnaître le doigt de Dieu. Exod., viii, 19. Il suit de là que le pouvoir magique ne s’exerce pas d’une manière indépendante, mais que la volonté divine lui impose les restrictions et les limites qu’il lui plaît. Le livre de la Sagesse, xvii, 7, attribue les prestiges des enchanteurs égyptiens à la magie, tiayixT] tsx vï l> nia 91° a ars. Saint Paul, II Tim., iii, 8, a conservé le nom de deux des magiciens qui tinrent tête à Moïse, Jannès et Mambrès. Voir Jannès, t. iii, col. 1120.

II. La magie chez les Babyloniens. — 1° Les Babyloniens avaient aussi leur magie très ancienne. Astrologues, de vins et magiciens, ils savaient non seulement lire dans l’avenir et interpréter la pensée des dieux, mais encore forcer les démons à leur obéir, détourner le mal et procurer le bien par des purifications, des sacrifices et des enchantements, ûiodore de Sicile, II, 29. Cf. Fr. Lenormant, La magie chez les Chaldéens et les origines accadiennes, Paris, 1874 (traduit en anglais, avec des additions de l’auteur, 1877, et en allemand, 1878) ; La divination et la science des présages chez les Chaldéens, Paris, 1875 ; A. Laurent, La magie et la divination chez les Chaldéovssyriens, Paris, 1894 ; Tallquist, Die assyrische Beschwôrungsserie Maqlâ, Leipzig, 1895 ; L. W. King, Babylonian Magic and Sorcery, being « the prayers of the Lifting of the hand », the cuneiform Text and Translations, Londres, 1896 ; Kiesewetter, DerOccultismus der Altertums, , Akkader-Hebrâer, Leipiig, 1896 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 1896, t. iv, p. 290-293 ; Zimmern, Beitrâge zur Kenntniss der babylonischen Religion, I. Die Reschwbrungstafeln Surpu, il. Ritualtafeln (deux fascicules), dans YAssyriologische Bibliothek, Leipzig, t. xii, 1897, 1898, 1900 ; M. Jastrow, Religion of Babylonia and Assyria, Londres, 1898 ; R. C. Thomson, The Reports of the Magicians and Astrologers of Nineveh and Babylon in the British Muséum, 2 in-8°, dans Luzac, Semitic Séries, t. VI et vii, in-12, Londres, 1900 ; C. Fossey, La magie assyrienne, in-8°, Paris, 1903.

2° Les deux premières lois du code de Hammourabi, qui régnait à Babylone environ 2000 avant J.-C, concernent les magiciens ou sorciers. Elles sont ainsi conçues : « 1. Si quelqu’un a ensorcelé un homme en jetant l’anathème sur lui et sans l’avoir prouvé coupable, il est digne de mort. — 2. Si quelqu’un a jeté un maléfice sur un homme, sans l’avoir prouvé coupable, le maléficié se rendra au fleuve et s’y plongera. Si le fleuve le garde, sa maison passe à celui qui a jeté-le maléfice ; si le fleuve l’innocente et le laisse sain et sauf, son ennemi