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LAMENTATIONS

son secours, ꝟ. 17-19 ; supplication de la ville à Dieu, ꝟ. 20-22. — 3° Le troisième poème roule spécialement sur les malheurs personnels du prophète ; tableau de ses souffrances et de ses misères, iii, 1-18 ; le souvenir des miséricordes de Dieu tait renaître l’espoir dans son cœur, ꝟ. 19-39 ; le prophète reconnaît les justes jugements de Dieu, qui a voulu punir les péchés du peuple, ꝟ. 40-54 ; il s’adresse à Dieu et invoque son secours, espérant qu’il le vengera de ses ennemis, ꝟ. 55-66. — 4° La quatrième élégie montre que la cause de ces malheurs, ce sont les péchés du peuple ; les habitants de Sion sont tombés dans la misère parce que leur péché était plus grand que celui de Sodome, iv, 1-11 ; Jérusalem a été livrée à ses ennemis parce que ses prophètes et ses prêtres ont versé le sang des justes, ꝟ. 12-16 ; et aussi parce que le peuple, trompé par ses chefs, a mis sa confiance dans le vain secours des hommes, ꝟ. 17-20 ; toutefois Dieu punira les ennemis de Sion et mettra fin à ses malheurs, t. 21-22. — 5° La cinquième élégie est une ardente prière du prophète ; c’est pourquoi elle porte dans la Vulgate le titre de : « Prière de Jérémie le prophète. » Le prophète énumère tous les maux que souffre le peuple juit depuis la prise de Jérusalem, y, 1-18 ; il supplie Dieu d’y mettre fin et de rétablir le peuple dans son ancienne splendeur, ꝟ. 19-21, il termine pourtant par une pensée de découragement, y. 22.

III. Unité d’auteur. — L’unité du livre a été contestée ou niée par un certain nombre de critiques. Thenius soutint que les chapitres II et IV sont de Jérémie, mais que les chapitres i, iii, v appartiennent à des auteurs différents. Dans Kurzgef. exegetisch. Handbuch zum alten Testament, xvi, Leipzig, 1855, p. 117. — Pour Kuenen, Einleitung in die Bâcher des A. Test., Fribourg-en-Brisgau, 1887-1894, § 147.9, les chapitres ii, iii, v sont, sous le rapport de la poésie, bien supérieurs aux chapitres i, iv ; il en conclut que ce n’est pas le même auteur qui parle dans tout le livre. Budde, dans Zeitschrift fur die Alttest. Wissenschaft, 1882, p. 45, pense que le chapitre v n’est que le couronnement des chapitres i, II, IV et n’attribue à un auteur différent que le chapitre m. Stade, Geschichte des Volkes Israël, Berlin, 1888-1889, t. i, p. 701, est du même avis. Lbhr, dans Zeitschrift fur die Alttest. Wissenschaft, 1894, p. 31, attribue les chapitres II, iv à un auteur écrivant vers l’an 570 avant J.-C, les chapitres i, v à un second auteur écrivant vers l’an 530 avant J.-C, et le chapitre m à un troisième auteur écrivant à la même époque ou peu de temps après. Cf. Driver, Introduction, p. 464-465. — L’unité d’auteur est prouvée :

1° Par l’unité de plan. — « Cette analyse succincte fait voir clairement que ces poèmes sont écrits d’après un plan très clairement conçu et exécuté avec une véritable science. L’idée se développe avec unité, et il est impossile de partager l’opinion de Thenius et de ceux qui, après lui, veulent voir dans cette œuvre les traces de mains différentes. Il n’y a qu’un seul auteur à pouvoir concevoir ce plan et à l’exécuter avec tant de vigueur et d'émotion. » Trochon, Jérémie, in-8°, Paris, 1878, p. 340.

2° Par le vocabulaire. — On trouve des-expressions communes à différents poèmes ou chapitres ; les principales sont : 'ônï, « affliction, » i, 3, 7, 9 ; iii, 1, 19 ; mô'êd, « solennité, » i, 4, 15 ; ii, 6, 7, 22 ; Sàmam, « dévaster, » i, 4, 13, 16 ; iii, 11 ; yâgâh, « affliger, » i, 4, 5, 12 ; iii, 32, 33 ; sûr, « ennemi, » i, 5, 7, 10 ; IV, 12 ; màrûd, « pleur, » i, 7 ; iii, 19 ; mahâmudîm, « désirs, » « choses désirables, i> i, 7, 10, 11 ; ii, 4 ; nibat, « regarder, » i, 11, 12 ; iii, 63 ; iv, 16, v, 1 ; dâvdh, « languissant, » i, 13 ; v, 17 ; 'âdôn, « Seigneur » (seul, sans apposition), i, 14, 15 ; ii, 1, 2, 5, 7, 18, 19, 20 b ; iii, 31, 36, 37, 38 ; mê'ay hômarmârû, « mes entrailles sont troublées, » i, 20 ; ii, 11 ; 'âlal, « faire, » i, 22 ; ii, 20 ; iii, 51 ; lô' hdmal, « il n’a pas épargné, » ii, 2, 17, 21 ; iii, 43 ; zànah, « rejeter, » ii, 7 ; iii, 17, 31 ; gillàh 'al, « . dé voiler » (l’iniquité, le péché), ii, 14 ; iv, 22 ; Se pour 'âsér, a qui, » ii, 15, 16 ; iv, 9 ; v, 18 ; pdsahpi 'al, « ouvrir la bouche sur, » ii, 16 ; iii, 46 ; fùgdh, « cessation, i n, 18 ; iii, 49 ; ro’S kôlbûsôf, « tête [= coin] de toutes les rues, » ii, 19 ; iv, 1 ; negînâh, s modulation, » « chant, » m, 14 ; v, 14. Driver, Introduction, p. 463, 464.

IV. Authenticité du livre. — Les premières attaques contre l’authenticité des Lamentations commencèrent en 1712. Herman von der Hardt, dans un programme publié â Helmstadt, attribua les Lamentations à Daniel, à ses trois compagnons Sidrach, Misach et Abdénago et au roi Joakim ; chacun aurait écrit un des cinq chapitres. Enl819, un auteur anonyme attaqua aussi l’authenticité des Lamentations dans la Theologische Quartalschrift de Tubingue, p. 69. J. Ch. W. Augusti, Einleitung in’s Alte Testament, Leipzig, 1806, 1827, p. 227, Conz et Kalkar, dans Knabenbauer, p. 367, marchèrent dans la même voie. Ewald, Poetische Bûcher des Alten Bundes, 2e édit., 1854, t. i, 2e partie, p. 326 ; Geschichte Israël, 3e édit., 1864, t. IV, p. 25-26, attribua les Lamentations à un des disciples de Jérémie. Bunsen, Gott in der Geschichte, 1857-1858, t. i, p. 426 ; Nâgelsbach, dans le Bibelwerk de Lange, 1868, et Nœldeke, Histoire littéraire de l’Ancien Testament, trad. Derembourg et Soury, Paris, 1873, p. 209, soutinrent la même thèse. Enfin Schrader, Vatke, Reuss et Wellhausen se sont ralliés à la même opinion. Cf. Trochon, Jérémie, p. 334-335 ; Knabenbauer, In Danielem, in-8°, Paris, 1891, p. 367, 368.

I. preuves de l’authenticité. — 1° Externes. — La tradition, sous ses formes multiples, est unanime â attribuer les Lamentations au prophète Jérémie : — 1. La croyance des Hébreux nous est attestée par les mots placés en tête du livre dans les Septante et la Vulgate : « Lorsque Israël eut été mené en captivité et que Jérusalem fut demeurée déserte, le prophète Jérémie, fondant en larmes, s’assit et fit ces Lamentations sur Jérusalem, soupirant dans l’amertume de son cœur et disant avec de grands cris. » Ce titre manque, il est vrai, dans le texte hébreu, mais il exprime une croyance générale ; quelques auteurs pensent même que ce passage a été traduit de l’hébreu, qu’il se trouvait originairement dans quelque manuscrit hébreu, et qu’il a disparu dans la suite ; de plus, à l’origine, les Lamentations étaient unies au livre de Jérémie dans le texte grec. Cf. Knabenbauer, In Daniel., p. 368, 369. — 2. Le Targum de Jonathan fait précéder les Lamentations de ces mots : « Jérémie prophète et grand-prêtre a dit. » —

3. Le Talmud, Baba Bathra, 15% dit : « Jérémie a écrit son livre, le livre des Rois et les Lamentations. » —

4. L’historien Josèphe dit aussi, Ant. jud., X, v, 1 : « Jérémie le prophète composa une élégie (un chant de lamentations), (iiXo ; 8pï)Vï]Ttxciv, sur lui (Josias) ; » il faut reconnaître cependant qu’il n’y a là qu’une vague allusion. — 5. La tradition chrétienne nous est attestée par les Pères. Origène, dans Eusèbe, H. E., vi, 25, t. xx, col. 580, 581, où il parle d’après la tradition juive : « Comme les Hébreux nous l’ont transmis ; » In Ps. I, t. xii, col. 1085, 1086 ; S. Épiphane, Hier., viii, 6, t. xli, col. 213 ; S. Jérôme, Prologus galeatus ; In Zach., 511, 11, t. xxv, col. 1515.

/ 2° Internes. —1. Citations de l’Ancien Testament. On sait que Jérémie dans ses prophéties se plaît à citer le Lévitique et le Deutéronome ; on constate cette même tendance dans les Lamentations ; cf. Lam., i, 3 ; et Deut., xxvin, 65 ; Lam., i, 5, et Deut., xxviii, 44 ; Lam., i, 7, et Lev., xxvi, 34 ; Lam., i, 10, et Deut., xxiii, 3 ; Lam., i, 20, et Deut., xxxii, 25 ; Lam., ii, 8, et Deut., xxviii, 52 ; Lam., ii, 17, et Lev., xxvi, 14, 18, 24 ; Deut., xxviii, 15 ; Lam., ii, 20, et Lev., xxvi, 29 ; Deut., xxviii, 57 ; Lam., iv, 10, et Deut., xxviii, 53 ; Lam., iv, 11, et Deut., xxxii, 22 ; Lam., iv, 12, et Deut., xxviii, 52 ; Lam., iv, 16, et Deut., xxviii, 50 ; Lam., iv, 19, et Deut., xxviii, 49 ;