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MACPÊLAH


nin, vint « au lien où reposent Abraham, Isaac et Jacob, Sara et aussi les ossements de Joseph, il y avait une basilique en forme de portique rectangulaire (quadriporticus). Au milieu était une cour découverte, divisée par une balustrade, en deux parties dont une était réservée aux chrétiens, l’autre aux juifs, qui venaient y pratiquer de nombreux encensements. Le jour d’après la Nativité du Seigneur, on célébrait la [fête de] la déposition de Jacob. La solennité, à laquelle on accourait en masse de toute la Judée, était célébrée par tous avec une grande dévotion ». Itinerarium, t. lxxii, col. 909. Ce pèlerin, ni aucun autre ne dit sous quel règne ni par qui fut exécutée la basilique intérieure ; on l’a attribuée plus tard à sainte Hélène, mais sans aucune raison. Antonin paraît être le premier à indiquer les ossements de Joseph à Macpêlah. On ignore la cause de cette assertion si souvent répétée depuis et consacrée depuis plusieurs siècles par un monument spécial. Divers auteurs ont prétendu, mais sans preuves, que les reliques du saint patriarche auraient été transférées à Hébron, vers cette époque ; quelques-uns y voient le sépulcre d’Abner ; d’autres croient qu’un personnage, du nom de Joseph, différent du fils de Jacob, aura voulu avoir son tombeau dans le voisinage de Macpêlah et a été l’occasion de cette confusion. Cf. Mudjir ed-Dln, Histoire de Jérusalem et d’Hébron, édit. du Caire, p. 56. Cette dernière hypothèse semble la plus vraisemblable. « Les ossements de Joseph sont ensevelis à part, dans une église spéciale, » est-il dit au Liber locorum sanctorum de Pierre Diacre, t. clxxiii, col. 1115.

3. Soixante-dix ans environ après ce pèlerinage d’Antonin, le sanctuaire d’Hébron était passé aux mains des Arabes musulmans devenus les maîtres de la Palestine (637). Ils avaient trouvé debout le monument de Macpêlah. Chosroès, il est vrai, quelques années auparavant (614), s’était jeté sur les églises des chrétiens pour les détruire, mais il avait respecté les monuments vénérés des Juifs qui se trouvaient en grand nombre dans son armée. Les Arabes ne modifièrent pas l’état général du sanctuaire. Trente ans plus tard (vers 670), « saint Arculfe étant venu dans la vallée où est le champ renfermant la double caverne achetée par Abraham, dit l’abbé Adamnan au livre de sa vie, le saint visita le lieu des sépulcres d’Arbé, c’est-à-dire des quatre patriarches, Abraham, Isaac, Jacob et Adam, le premier homme… L’endroit de ces sépulcres est entouré d’un mur peu élevé. Adam est séparé des trois autres, mais non loin, au nord du mur de pierre quadrangulaire… enseveli en terre et recouvert de terre. Les autres patriarches ont leurs tombes surmontées d’un monument ; Sara, Rébecca et Lia sont ensevelies aussi en terre avec des monuments plus humbles. » Adamnan, De locis sanctis, 1. II, c. ix, t. lxxxviii, col. 797-798. Ces monuments étaient vraisemblablement l’œuvre des musulmans, et El-Muqaddasi, géographe arabe du xe siècle, semble en effet les leur attribuer, tout en leur refusant l’honneur de la muraille : « À Habra’(Hébron), le bourg d’Abraham l’ami de Dieu, dit cet auteur, est une muraille très forte ; elle est l’œuvre des djinns, on le sait. Elle est construite avec de grandes pierres taillées. Au milieu de l’enceinte s’élève, bâti depuis le temps de l’islam, un dôme en pierre qui recouvre le tombeau d’Abraham. La tombe d’Isaac est plus avant, celle de Jacob est à l’extrémité opposée de l’enceinte. Les [tombeaux des] femmes sont vis-à-vis [de ceux] des prophètes. L’enceinte a été transformée en mosquée et on a construit autour des habitations pour les pèlerins. » Géographie, édit. Gœje, Leyde, 1877, p. 172 ; cf. El-Istakhry (951), édit. du même, 1870, p. 57 ; Ibn Hauqal (978), it., 1878, p. 113. De cette époque aussi est le petit mur crénelé dont a été rehaussée la grande enceinte. C’est du moins ce que paraît indiquer le musulman persan Nassir i-Khusrau (1047). « Le lieu saint, dit ce pèlerin, est environné

d’une enceinte rectangulaire de £0 coudées de longueur et 40 de largeur sur 20 de hauteur, dont la partie supérieure a 20 coudées. » La disposition et l’ornementation de la mosquée d’Abraham décrite par ce voyageur étaient à peu près telles que les décrivent dans le fyaram actuel les visiteurs contemporains. Cf. Sefer Nameh ou Journal de voyage, trad. Schefer, Paris, 1881, p. 53-58. La plupart des écrivains musulmans de toutes les époques attribuent également la muraille aux génies (djânn), mais comme exécuteurs des ordres de Salomon ; ies autres écrivains arabes l’attribuent simplement à ce prince. Cf. Ibn Batûtâh, Voyages, édit. Defrémery et Sanguinetti, Paris, 1879, t. i, p. 114-115 ; Mudjir ed-Dîn, Histoire, p. 55 ; Yaqout, Dictionnaire géographique, édit. Wûstenfeld, Leipzig, 1856, t. ii, p. 194, etc.

4. Pendant les Croisades, en 1099, avec les Francs vainqueurs, le christianisme rentre en possession de Macpêlah. De mosquée, le sanctuaire redevient une église qui sera célèbre sous le nom de Saint-Abraham. Un chapitre de chanoines y fut installé avec un prieur pour la garde du sanctuaire et le service divin. Cf. de Roziére, Cartulaire du Saint-Sépulcre, p. 120, 142, 171, etc. Plus tard (1167), l’église érigée en cathédrale est mise sous la direction d’un évêque du titre de Saint-Abraham ou d’Hébron. Guillaume de Tyr, Hist. transm., 1. XX, c. iii, t. CCI, col. 781. — Dès le principe, les pèlerins avaient afflué : l’Anglo-Saxon Sœvulf (1102). Peregrinatio, dans le Recueil de voyages et mémoires, t. IV, Paris, 1849, p. 844 ; l’higoumène russe Daniel (1106), Vie et pèlerinage, édit. Khitrowo, Genève, 1889, p. 46. Cf. Benjamin de Tudéle (1133), Itinéraire, édit. de Leyde, 1733, p. 48 ; Petachia de Ratisbonne (vers 1174). Voyages, édit. de Jérusalem, 5632 (1872), p. Il ; l’auteur anonyme du Tractalus de invenlione sanctorum patriarcharum Abraham, Isaac et Jacob (1119), voir Riant, Invention de la sépulture des patriarches Abraham, Isaac et Jacob à Hébron, le 25 juin 1119, dans les Archives le l’Orient latin, in-4°, Gênes, 1883, t. H, p. 411-421 ; Journal officiel, 30 janvier 1883, p. 528 ; Bolland., Acta sanctorum, S. Abraham, 9 oct., édit. Palmé, octobris t. IV, p. 683-691 ; Inventio ss. patriarchorum, d’après le codex de Douai, quicomplète la relation publiée par Riant, n. 851, fol. 93î r -103 v ; cf. Analecta boîlandiana, Bruxelles, 1901, t. xx, p. 464. Une multitude d’écrivains musulmans confirment ces récits pour le fait de l’invention, la date et le replacement des reliques dans la caverne, bien qu’ils diffèrent un peu pour les détails. Cf. Ibn el-Atir (1153), Chroniques, année 513 ; Ali de Hérat (1173), Les Lieux de pèlerinages, dans Riant, Archives ; el-Nodjoum, Extraits, dans le Recueil des Historiens des Croisades, Historiens orientaux, t. iii, p. 499 ; Yaqout, ! oc. cit., p. 458 ; Mudjir ed-Din, loc. cit., p. 45 ; Benjamin de Tudèle, Itinéraire, p. 48-49 ; Riant, Èxuvise sacrse Constantinopolitanse ; Archives, p. 213.

5. Après les Croisades, Saladin, vainqueur des Francs à la bataille de Hattin (15 juillet 1187) et en possession d’Ascalon (5 sep.), avant même de monter contre Jérusalem, n’eut rien de plus empressé que de faire occuper le sanctuaire d’Abraham en même temps que les localités principales du sud de la Palestine. Ibn el-Atir, Kamel et-Tevarikh, dans le Recueil des Historiens des Croisades, Historiens orientaux, t. i, p. 697. Il se contenta de prendre possession de l’église, en l’affectant au culte musulman. « À Ébron, il y a une très belle église, écrivait, après son voyage de 1217, trente ans après l’occupation du lieu par Saladin, le pèlerin Thietmar confirmant cette assertion ; elle est tenue en grande vénération par les Sarrasins, surtout à cause d’Abraham. » Peregrinatio, édit. Laurent, Hambourg, 1857, p. 29. — Pendant quelques années, les juifs et les chrétiens purent visiter Macpêlah sans être molestés. En 1210, le prince de la Captivité étant venu à Hébron muni de lettres de recommandation du kha-