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LAME D’OR — LAMENTATIONS

Cil (Cin), 15, et quelquefois celui de fleurs formant couronne ou guirlande. III Reg., vi, 18, 29, 32, 35 (Vulgate : eminentes, protninentes) ; Is., xxviii, 1. La lame d’or est appelée sîs, « teuille, » moins à cause de sa forme, que de sa faible épaisseur et de la place qu’elle occupait sur la tête du grand-prêtre, auquel elle servait comme de diadème ou de couronne. Sur cette lame d’or pur étaient gravés, comme sur un cachet, par conséquent en creux, les deux mots : qodéê laYehôvâh, à"fîa<ru.a xupfou, sanctum Domino, , « sainteté à Jéhovah, » ou « consacré de Jéhovah », comme traduisent les Septante. Cette lame était attachée sur le devant de la tiare par des cordons couleur d’hyacinthe. Quand le grand-prêtre se présentait devant Jéhovah, chargé des iniquités d’Israël, Jéhovah, à la vue de cette lame d’or, se montrait propice. Exod., xxviii, 36-38 ; xxxix, 29-30. Ailleurs, la lame d’or est appelée nèzér hag-qôdéS, « diadème de sainteté, » x’o iclîaXov xà « y(a<in « , lamina sancta, Exod., xxix, 6, et sis hazzàhdb nèzér haq~qodés, to Tté-raXov ta ^pù^oOv to xaOrçyiaa^évov aytov, lamina aurea cùnsecrata in sànctificatione. Lev., viii, 9. Dans ce dernier passage, le diadème, nèzér, est clairement identifié avec la lame, sis. Il y a une évidente allusion à la lame d’or du grand-prêtre dans ce verset du Psaume cxxxi (cxxxii), 18, où Dieu dit du Messie futur : 'alâî yâsîs nizerô, « sur lui brillera » ou « fleurira son diadème », l% y aùtov èSavGJjirsîTÔ ôtylaonû (iou, super ipsutn efflorebit sanctificatio mea. Le fils de Sirach parle avec admiration de la lame d’or : « La couronne d’or qui était sur sa mitre portait l’empreinte du cachet de la sainteté, ornement d’honneur, ouvrage de puissance, délices des yeux, parure magnifique ; il n’y en a pas eu de semblable et il n’y en aura jamais. » Eccli., xlv, 14, 15. Cf. Sap., xviii, 24. — 2° Josèphe, Ant. jud., III, vii, 7, donne du diadème d’or une description très détaillée. Il était composé de trois rangs et orné de fleurs d’or dont la forme rappelait celle des fleurs de la jusquiame. Il entourait toute la partie postérieure de la tête, tandis que le front était recouvert par la lame d’or, « qui porte gravé en caractères sacrés le nom de Dieu. » LTÎistorien juif dit ailleurs, Bell, jud., V, v, 7, que, sur la tiare, le grand-prêtre avait « une autre couronne d’or, sur laquelle étaient gravées les lettres sacrées, à savoir les quatre consonnes ». Il désigne sous ce nom le tetràgrammaton, mais sans vouloir prétendre, sans doute, que de son temps il n’y eût plus sur la lame d’or que le nom de Jéhovah. Il atteste d’ailleurs que la lame d’or, gravée par l’ordre de Moïse, fut conservée jusqu'à l'époque où il vivait lui-même. Ant. jud., VIII, m, 8. Ce qu’il dit du diadème, qui entourait la partie postérieure de la tête et se reliait à la lame d’or, correspond vraisemblablement à une réalité qu’il avait eue sous les yeux. Si cette addition a été vraiment faite par Jes grands-prêtres de la dernière époque, elle ne s’appuie sur aucune prescription de la Loi. Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 177, pense que cette couronne d’or fut probablement adoptée par les grands-prêtres de la race royale des Machabées. Les docteurs juifs disent que la lame d’or n’avait que deux doigts de largeur et qu’elle allait d’une tempe à l’autre. Cf. Gem. Succa, 5, 1 ; Joma, 39, 1 ; 41, 3 ; Jer. Megilla, 71, 4 ; Braun, De vestitu sacerdot. hebrmor., Leyde, 1680, p. 630-644 ; Reland, Antiquitates sacrée, Utrecht, 1741, p. 78 ; Bè'hr, Symbolik desmosaischen Cultus, Heidelberg, 1839, t. ii, p. 112-115. — 3° La signification mystérieuse de la lame d’or est indiquée par le texte sacré. Exod., xxviii, 38 : « Aaron portera l’iniquité des choses saintes qu’auront sanctifiées les enfants d’Israël dans tous les dons de leurs sanctifications, » c’est-à-dire les fautes que les enfants d’Israël auront commises dans l’exercice du culte de Jéhovah, fautes qui pourraient empêcher leu’rs prières d'être exaucées. Pour bien marquer qu’il ne s’agit ici que des manquements liturgiques, le texte sacré répète trois fois

le mot qui exprime la sainteté. Dieu se montre miséricordieux en apercevant sur le front d' Aaron la marque de cette sainteté qu’il exige dans son culte. Cette marque sur le front est un signe auquel Dieu reconnaît ceui qui lui appartiennent. Ezech., ix, 4 ; voir Front, t. ii, col. 2410. Comme le mot siè signifie également « ce qui brille, ce qui est éclatant », la lame d’or est faite pour briller aux yeux de Dieu, comme pour frapper les regards des hommes. Les mots qodéS la-Yehovâh peuvent être interprétés de différentes manières : « la sainteté convient à Jéhovah, » il ne veut devant lui que ceux qui sont saints ; ou : « la sainteté appartient à Jéhovah, » lui seul est saint ; ou : « sainteté pour Jéhovah, » c’est-à-dire consacré à Jéhovah, en pariant du grand-prêtre ; ou : « la sainteté vient de Jéhovah, » c’est lui qui sanctifie ses adorateurs. Le sens le plus probable est : « sainteté pour Jéhovah, » ces mots signifiant que la sainteté est exigée dans les rapports de l’homme avec Jéhovah, et que celui-là en est le médiateur qui porte ces deux mots écrits sur le front. Cf. Bâhr, Symbolik, t. ii, p. 142-146.

H. Lesêtre.

LAMENTATIONS. — I. Nom et but du livre. — Les Lamentations portent dans le texte hébreu le nom de 'Êkâh, qui signifie « comment » ; c’est le mot par lequel elles commencent. Lam., i, l ; ii, l ; iv, 1. L’usage de désigner un livre par le premier mot n’est pas propre aux Lamentations ; on sait que quatre livres du Pentateuque, la Genèse, l’Exode, le Lévitique, le Deutéronome, sont désignés en hébreu par le premier mot de chacun d’eux. Le mot 'êkâh paraît avoir été un terme consacré pour le début d’une élégie. Cf. II Reg., i, 19, 25, 27 (forme abrégée : 'ék). En s’appuyant sur le contenu du livre, les rabbins, cf. tr. Baba Bathra, 14 b, ont donné aux Lamentations le nom de Qinôf, « Lamentations. » Ce mot se trouve dans d’autres passages de la Bible ; cf. II Reg., i, 17 ; II Par., xxxv, 25 ; Jer., vii, 29 ; ix, 10, 20 (hébreu, 9, 19) ; Ezech., ii, 9 ; xix, 1, 14 ; xxvi, 17 ; xxvii, 2, 32 ; xxviii, 11 (hébreu, 12) ; xxxii, 2, 16 ; Am., v, 1 ; viii, 10. — Les Septante adoptèrent le mot grec équivalent à celui des rabbins, ©pî|vo[. Cette même dénomination a été adoptée par la Vulgate latine : Threni, id est, Lamentationes Jereniise prophetœ. La Peschito porte un titre analogue : 'Ûlyto', « hurlements » (ululatus). — D’après un vieil usage on composait des élégies sur la mort de personnes aimées. Cf. II Reg., i, 18 b -27 (élégie de David sur la mort de Saül et de Jonathas). Cette coutume fut étendue aux malheurs publics. Cf. Jer., vii, 29 ; ix, 2, 19 ; Ezech., xix, 1 ; xxvi, 17 ; xxvii, 2 ; Am., v, 1. Ce fut à l’occasion de la ruine de Jérusalem et du temple que Jérémie fit entendre ses Lamentations, bien que saint Jérôme, In Zach., xii, 11, t. xxv, col. 1515, suppose qu’elles lurent composées à l’occasion de la mort de Josias, dont il est fait mention dans II Par., xxxv, 25.

IL Division et analyse du livre. — Toutes les Lamentations ont pour objet la ruine de Jérusalem par les Chaldéens. Le livre contient cinq élégies ou lamentations selon le nombre des chapitres. — 1° La première décrit la désolation de Jérusalem ; la ville est déserte et solitaire ; elle est comme une veuve, i, 1 ; abandonnée de ses amis et assaillie par ses ennemis, elle a perdu toute sa splendeur passée, et gémit dans la tristesse et la misère, ꝟ. 2-11 ; dans une touchante prosopopée, la ville elle-même décrit sa triste situation et se lamente sur les malheurs que ses péchés lui ont attirés, t- 12-22. — 2° Le second poème décrit la ruine du royaume de Juda, et en particulier de la ville de Jérusalem ; le prophète commence par tracer un saisissant tableau de la colère et du jugement de Dieu, ii, 1-12 ; la désolation de Jérusalem dépasse tout ce qu’on peut imaginer, ꝟ. 13 ; les prophètes ont fermé les yeux sur ses égarements, les passants et ses ennemis en ont fait l’objef de leurs railleries, ꝟ. 1416 ; c’est Dieu qui est l’auteur de tous ces malheurs, c’est donc vers lui que la ville doit se tourner pour implorer