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LUSTRATION

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des victimes servait surtout aux libations. Cependant, pour certaines purifications, on arrosait la main avec le sang d’un porc sacrifié. Cf. Athénée, vi, 78. À Athènes, avant l’assemblée du peuple, on aspergeait avec le sang d’un porc les bancs sur lesquels les citoyens devaient s’asseoir. Cf. Dôllinger, Paganisme et judaïsme, Bruxelles, 1858, trad. J. de P., t. i, p. 305. À Rome, on aspergeait du sang des victimes les personnes et les choses. Sous l’empire, les tauroboles et les crioboles devinrent à la mode. Celui qui voulait se purifier se plaçait dans une fosse recouverte d’un plancher percé de trous, sur lequel on immolait un bœuf ou un bélier en l’honneur de Cybèle, la mère des dieux. Le sang tout chaud inondait le personnage, le purifiait pour vingt ans et lui conciliait la faveur divine. D’autres fois, on recourait à cette aspersion sanglante pour assurer le bonheur d’autrui, particulièrement de l’empereur. Cf. Dôllinger, Paganisme et judaïsme, t. iii, p. 248-251.

3° Le sang de Jésus-Christ. — Les Apôtres comparent l’effusion du sang de Jésus-Christ aux lustrations de l’ancienne loi. C’est par ce sang que nous avons été purifiés et sanctifiés. Rom., iii, 25 ; v, 9 ; Eph., i, 7 ; Col., 1, 14, 20 ; I Joa., i, 7 ; Apoc., i, 5 ; v, 9. Par la grâce de l’Esprit-Saint et l’obéissance personnelle, on participe à l’aspersion de ce sang. I Pet., i, 2. Le grand-prêtre entrait chaque année dans le sanctuaire avec le sang des boucs et des taureaux ; Jésus-Christ est entré une fois pour toutes dans le sanctuaire nouveau avec son propre sang, infiniment supérieur en efficacité au sang des anciennes victimes et à la cendre de la vache rousse. C’est avec son sang qu’il a scellé la nouvelle alliance, bien mieux que Moïse n’avait scellé l’ancienne, en aspergeant le livre et le peuple avec le sang des victimes animales. Heb., ix, 11-25.

III. Lustrations d’huile. — Elles ont été peu fréquentes. Il n’est question d’aspersion d’huile que pour la dédicace-de l’autel des holocaustes, Lev., viii, 10, 11, et pour la purification du lépreux. Lev., xiv, 15, 16, 26, £7. À la consécration d’Aaron et de ses fils, Moïse fit sur eux des aspersions avec un mélange d’huile et de sang. Exod., xxix, 21 ; Lev., viii, 30. On arrosait aussi avec de l’huile les offrandes de farine ou de gâteaux. Lev, , ii, 4, 5, 7 ; vi, 15, 21 ; Num., vi, 15 ; vii, 13-79, etc. Voir Huile, t. iii, col. 775. Sur l’emploi de l’huile pour le sacre des rois, voir Onction.

IV. Symbolisme des lustrations. — 1° L’eau. — Le symbolisme de l’eau ressort de sa nature même. L’eau purifie les corps, d’autant plus efficacement qu’elle même n’est pas corrompue. Voilà pourquoi on exigeait ordinairement de l’eau vive, qui n’eût encore été souillée par aucun contact, Num., xix, 17, ou de l’eau en grande quantité. Les ablutions étaient d’autant plus répétées qu’on tenait à obtenir une pureté plus grande. Les lustrations d’eau symbolisaient donc la pureté intérieure réclamée pour le service de Dieu. Le Seigneur daigna même parfois se servir du symbole extérieur pour produire l’effet qu’il figurait, comme dans la guérison de Naaman, à la suite de sept bains dans le Jourdain, IV Reg., v, 10, 14, et dans le baptême chrétien. La valeur de ce symbole est indiquée par l’Église qui, dans la bénédiction solennelle des fonts le samedi saint, demande que ces eaux pures, « outre la purification naturelle qu’elles peuvent procurer en lavant les corps, soient également efficaces pour purifier les âmes. »

2° Le sang. — 1. D’après la Sainte Écriture, le sang est le néfès, la vie même. Lev., xvii, 10, 14 ; Deut., xii, 23. Cf. Frz. Delitzsch, System der biblischen Psychologie, Leipzig, 1861, p. 238-243. Le sang, principe ou condition essentielle de vie corporelle, symbolise par là même la vie morale et spirituelle rendue à celui qui a péché, par l’immolation de la victime qui lui a été substituée et par l’application de son sang. Cette application par la lustration était réputée nécessaire pour la rémission du

péché. Le sang mis à l’oreille et aux doigts de la main et du pied d’Aaron et de ses fils marque l’introduction en eux d’une vie nouvelle. Car il faut que le prêtre soit disposé à entendre la loi de Dieu, à mettre la main à son exécution, à marcher selon ses prescriptions. Cf. Saint Cyrille d’Alexandrie, De adorât., xi, t. lxviii, col. 760. Le même rite était pratiqué pour le lépreux guéri, afin de signifier le droit qu’on lui rendait de converser avec ses semblables et de renouer ses rapports avec eux. L’aspersion du peuple par Moïse, pour la confirmation de l’alliance, Exod., xxiv, 8, appliquait au peuple le sang de la victime et lui donnait part à la nouvelle vie religieuse. Les différents objets du sanctuaire ayant pour but de manifester la présence de Dieu, et les cornes de l’autel représentant ses perfections, voir Corne, t. ii, col. 1010, quand on faisait des lustrations de sang sur les cornes de l’autel, devant le Saint des saints ou sur le propitiatoire, on renouait ou on resserrait la vie religieuse d’Israël avec son Dieu, après qu’elle avait été compromise par le péché. — Quelquefois on mêlait l’eau avec le sang, Heb., îx, 19, peut-être pour empêcher ce dernier de se coaguler. Les deux symbolismes s’unissaient alors. « L’eau a dans les purifications le même rôle que le sang dans les sacrifices ; ils représentent l’expulsion du principe de péché, celle-ci du corps de l’homme, et celui-là de son âme vivante ». Bâhr, Symbolik, t. ii, p. 465. C’est pourquoi il est dit de Jésus-Chrit, qui a changé en réalité le symbolisme de l’Ancien Testament, qu’il est venu « par l’eau et le sang ». I Joa., v, 6. 3° L’huile. — 1. Elle symbolise l’esprit de Dieu. Cf.

I Reg., x, 1, 6 ; xvi, 13, 14 ; ls., lxi, 6 ; Act., x, 38 ;

II Cor., i, 21 ; I Joa., ii, 20, 27. La raison de ce symbolisme est que l’huile est une source de lumière et de vie, représentant ainsi l’Esprit de Dieu, principe de toute lumière et de toute vie. La lumière, c’est pour l’Israélite la loi de Dieu ; la vie, c’est la conformité de sa volonté avec cette loi. Ps. xxxvi (xxxv), 10 ; Prov., vi, 23. Cette conformité conduit à la sainteté. L’huile de sainteté, Ps. lxxxix (lxxxviii), 21, sert donc à consacrer le prêtrepour le service de l’esprit de sainteté. Ps. li(l), 13 ; ls., lxiii, 10, 11. Cf. Bâhr, Symbolik, t. ii, p. 171-174. La lustration d’huile signifie pareillement, pour le lépreux, le retour à la lumière et à la vie dans les conditions normales. —2. L’huile était mêlée au sang pourla consécration des prêtres. Le sang marquait la relation dans laquelle le prêtre allait être avec Dieu, tandis que l’huile indiquait sa consécration, par conséquent la dignité qui lui était conférée personnellement. Cf. Bâhr, Symbolik, t. H, p. 425.

4° La cendre. — Celle de la vache rousse entrait dans la composition de l’eau lustrale destinée à purifier du contact des morts. Le mélange de l’eau et de la cendre, , très propre à purifier physiquement certains objets, a : été regardé par les anciens comme un excellent moyen de purification.. Cf. Virgile, Eclog., viii, 101 ; Ovide, Fast., IV, 639, 725, 733, etc. Dans l’Inde, on s’en sert encore pour les purifications religieuses. Cf. Rosenmûller, Dos alte und das neue Morgenland, Leipzig, 1818, t. H, p. 200. La cendre de la vache rousse n’était pas une cendre quelconque ; elle provenait d’un animal immolé pour le péché, Num., xix, 9, 17, et de plus elle semblait concentrer en elle la vertu purificatrice du feu, puisque l’animal avait été complètement brûlé. Le symbolisme de la cendre renforçait donc celui de l’eau. IL fallait qu’il en fût ainsi, parce que la souillure provenant du contact d’un mort était regardée par les Hébreux comme la plus grave de toutes. Cf. Kelim, 1, 4.

5° L’aspersoir. — 1. On se servait ordinairement du doigt pour les lustrations de sang ou d’huile à faire aux cornes de l’autel, sur les oreilles, les mains et les pieds de certaines personnes. Lev, , iv, 6, 25, 30, 34 ; viii, 15 ; ix, 9 ; xiv, 17, 28, etc. C’est également avec le doigt seul qu’on faisait les aspersions de sang devant le sanctuaire