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LUC (ÉVANGILE DE SAINT)

p. ii, appendix, p. 66, 67, le tiennent pour une interpolation d’origine occidentale adoptée dans des testes éclectiques, et pour un fragment de ces traditions écrites ou orales, qui circulèrent quelque temps en certains pays et que les scribes du ne siècle sauvèrent de l’oubli. Nous étudierons successivement : 1° les témoignages pour ou contre l’authenticité de ces versets ; 2° les causes qui ont fait suspecter l’authenticité de ce passage.

I. TÉMOIGNAGES POUR OU CONTRE L’AUTHENTICITÉ.

— 1° Les manuscrits. — Les uns omettent ces versets, les autres les contiennent. Cette diversité a été signalée par plusieurs Pères. Saint Hilaire de Poitiers, De Trinit. , iv, 1, t. x, col. 375, tout en les commentant, déclare qu’ils manquaient et in grxcis et in latinis codicibus complurimis. Saint Jérôme, Dial. adv. Pelag., ii, 16, t. xxiii, col. 552, dit qu’ils se lisent seulement in quibusdam exemplaribus tant grsecis guam latinis. Saint Épiphane, Ancorat., 31, t. xliii, col. 73, semble dire que ces versets manquent dans certains manuscrits grecs. Du lait que plusieurs Pères grecs et latins ne les comment pas (voir plus loin), on peut conclure qu’ils ne les lisaient pas dans leurs manuscrits. En réalité, les manuscrits grecs qui sont parvenus jusqu’à nous se rangent en deux catégories : les uns omettent ces versets ou les marquent de signes de doute et d’hésitation ; les autres les reproduisent. Les onciauxABBT a les omettent. Mais À a conservé à la marge la section eusébienne avr( ou 283°, se rapportant au canon i ou 10. Voir t. ii, cpl. 2052. Or cette section, en cet endroit, ne peut convenir qu’à Luc, xxii, 43, 44. L’original sur lequel ce manuscrit a été copié contenait donc ces versets, et le copiste ne les a probablement pas transcrits parce qu’ils étaient raturés comme ils l’ont été dans N (voir plus loin). L’hypothèse suivant laquelle le copiste aurait emprunté les sections eusébiennes à un autre manuscrit est moins vraisemblable » ft a (correcteur du Sinaiticus, du IVe siècle) pointillé ce passage et le met entre crochets ; mais N b (autre correcteur, du vi » siècle) cherche à faire disparaître ces traces de doute. Seuls les cursiꝟ. 124, du XIIe siècle, 561 et 579, du xiii, omettent ce passage. 13 n’a de première main que les mots wq>87] 8é, Luc, xxii, 43 ; la suite, qui avait été omise, a été suppléée en marge, il y a aussi la section eusébienne <nty. Dans T, û, 123, 344, 440, 512, tout le passage est marqué d’obèles. ESVAII, 24, 36, 161, 166, 274, 408, ont auprès du texte un astérisque, qui, en plusieurs cas, est vraisemblablement une indication liturgique. Le cursif 34 contient une scholie, qui signale l’absence de ce passage dans un certain nombre d’exemplaires. Les cursiꝟ. 69, 124, 346, 348 (et peut-être les autres qui sont apparentés à ce groupe célèbre, dit groupe Ferrar) reproduisent Luc, Xxii, 43, 44, et les premiers mots du), . 45, après Matth., Xxvi, 39 (346 les a, en outre, à leur place naturelle). Ferrar et Abbott, À collation of four important manuscripts of the Gospels, Dublin, 1877, p. 92 ; J.-P.-P. Martin, Quatre manuscrits importants du N. T., Amiens, 1886, pi 44-45. Une troisième main a ajouté ce passage dans C à la marge en face du même endroit de saint Matthieu. C’est une particularité liturgique qu’on retrouve dans presque tous les ëvangéliaîres grecs. En effet, tandis que le mardi du tyrophage on omettait dans la leçon les versets 43 et 44, à la messe du jeudi-saint on lisait une leçon formée de Matth., xxvi, 2-20 ; Joa., xiii, 3-17 ; Matth., xxvi, 21-xxvii, 2 ; mais dans ce dernier fragment on insérait Luc, xxii, 43, 44 et les premiers mots de 45, modifiés de façon à leur donner dans le contexte un sens, entre les versets 39 et 40 de Malth., xxvi. Cependant l’évangéliaire 8 a le passage contesté dans la leçon du mardi du tyrophage. Les synaxaires présentent les mêmes particularités. Les manuscrits à texte continu, qui ont été adaptés à l’usage liturgique, ont, en face de Matth., xxvi, 39, et de Luc, xxii, 42, des rubriques, des notes ou des sigles qui signalent cette transposition liturgique. On

en peut conclure que l’insertion de Luc, xxil, 42-45, dans Matth., xxvi, 39, est due dans les manuscrits du groupe Ferrar à l’influence de la liturgie. Sauf ces rares exceptions, le passage de saint Luc existe dans l’immense majorité des manuscrits, dans les onciaux nDFGHKLMQRUXATs, dans ESVTAIIÛ de première main et dans les cursifs.

2° Les versions. — Anastase le Sinaïte (vers 700), Vise dux, xxii, t. lxxxix, col. 289, faisait ressortir l’importance du témoignage des versions bibliques en faveur de l’authenticité de l’épisode de la sueur de sang. Ceux qui n’ont pas cette section, disait-il, sont convaincus d’erreur, puisqu’on la trouve dans toutes les versions et dans la plupart des Évangiles grecs. Seul de tous les manuscrits latins, le Brixianus, f, omet ces deux versets. Aussi les éditeurs Wordsworth et White, Novum-Testamentuni D. N. J. C. latine, Oxford, 1893, t. i, fasc. 3, p. 462-463, les ont-ils maintenus dans leur édition critique de la Vulgate. Ce passage se trouve dans toutes les versions syriaques, Peschito, Curetonienne, charkléenne et hiérosolymitainë, ainsi que dans le Aià ztaa&purj de Tatien. Il manque cependant dans le manuscrit sinaïtique, publié en 1895 par M mM Lewis et Gibson. Cf. C. Holzhey, Der neuentdeckte Codex syrus sinaiticus, Munich, 1896, p. 72 ; A. Bonus, Collatio codicis Lewisiani cum codice Curetoniano, Oxford, 1896, p. 72. Les versions coptes, à l’exception de plusieurs manuscrits de la version bohaïrique, voir t. ii, col. 948, le possèdent ainsi que les traductions éthiopienne, arménienne et arabe. Les lectionnaires syriens, coptes et arméniens (pas tout cependant pour ces derniers) le contiennent aussi.

3° Les Pères. — La plupart des Pères ont lii, cité ou commenté ce passage. Le témoignage des Pères grecs est spécialement important. Saint Justin, Dial. cum Tryphone, 103, t. vi, col. 717, 720, a lu dans les Mémoires écrits par les apôtres et leurs disciples l’épisode de la sueur de sang. S’il ne nomme pas saint Luc, c’est qu’il ne désigne jamais les Évangiles, qu’il cite comme Mémoires des apôtres, par le nom de leurs auteurs. En parlant des Mémoires des Apôtres et de leurs disciples, il fait allusion au troisième Évangile. Saint Irénée, Cont. hier., III, xxii, 2, t. vii, col. 957, signale la sueur de sang au milieu de détails évangéliques qui prouvent la réalité de la chair du Sauveur. Saint Hippolyte, Cont. Noet., 18, t. x, col. 828, fait de même. Cf. un autre texte du même érivain, cité par Anastase le Sinaïte, Vise dux, c. xxiii, t. lxxxix, col. 301. Saint Denys d’Alexandrie, Interp. Luc, t. x, col. 1594, commente ces versets d’une façon singulière. Eusèbe les connaît et en forme une section spéciale, la 283e de saint Luc, qu’il place dans le canon Xe avec les passages propres à un seul Évangile. Arius, cité par saint Épiphane, Adv. hser., hasr. lxix, 19, 59, t. xui, col. 232, 300, concluait de ce passage que Jésus n’était pas Dieu. Didyme, De Trinit., 1. III, c. xxi, t. xxxix, col. 900, 913, réfute les hérétiques qui en abusaient. Saint Athanase, In Ps. lxviii, 17, t. xxvii, col. 309, le cite. Saint Cyrille d’Alexandrie, In Ps. lxviii, 1, t. lxix, col. 1161, fait de même. Il est dès lors étonnant qu’on ne trouve pas d’explication dans son commentaire sur Luc, t. lxxii, col. 924. Se servent encore de ces versets le pseudo-Césaire de Nazianze, Dialog., i, inter. 23, 29, t. xxxviii, col. 881, 884, 888 ; saint Épiphane, qui réfute Arius, Adv. hser., lxix, 59, t. xlii, col. 300, et explique le texte, Ancorat., 37, t. xliii, col. 84 ; saint Chrysostotne, In Matth., homil. lxxxiii, t. lviii, col. 746 ; In Ps. cix, 8, t. lv, col. 277 ; In Joa., homil. lxiii, t. us, col. 350 (ici, il attribue le passage à saint Matthieu) ; Théodore de Mopsueste, Fragmenta dogmatica, t. lxvi, col. 984, 995 ; Théodore., In Ps. xv, 7, t. lxxx, col. 961 ; Demonsï. per syllog., t. lxxxiii, col. 325 ; le Pseudo-Denys l’Aréopagite, De ceelest. hicrarch. , iv, 4, t. iii, col. 18) ; et saint Maxime le Con-