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LOI MOSAÏQUE


certains détails minutieux, Exod., xxi, 6 ; xxiii, 19 ; xxxiv, 26 ; Lev., xix, 9, 19, 23-25 ; Deut., xiv, 21, etc., qui lui étaient probablement inspirés par des coutumes antérieures ; enfin, il ne fit pas une législation complète et capable de suffire absolument à toutes les époques de l’histoire d’Israël. Sa loi put recevoir, au cours des âges, quelques explications et quelques compléments nécessaires, comme nous le voyons, par exemple, par les règlements nouveaux que fit David dans le service du sanctuaire. I Par., xxm-xxvi. Mais ce qu’affirment certains commentateurs modernes sur l’origine post-mosaïque d’un nombre plus ou moins considérable de lois du Pentateuque n’est nullement démontré. Pelt, Histoire de l’Ancien Testament, Paris, 1897, t. i, p. 274-307.

IV. Caractères de la législation mosaïque. — 1° Institution de la théocratie. — La loi mosaïque est essentiellement une loi théocratique ; elle place le peuple hébreu sous le gouvernement direct de Dieu. Le législateur agit au nom de Dieu et demeure en rapport étroit avec Dieu pour l’accomplissement de son œuvre. Dieu fonde une nation qu’il dirigera lui-même dans un sens déterminé. C’est sa volonté qui inspire toutes les lois, tant civiles que religieuses, qui les sanctionne et les maintient en vigueur. À proprement parler, le peuple n’a pas d’autre chef que Dieu ni d’autre règle que sa loi. Les chefs qu’il aura à sa tête dans le pays de Chanaan ne viendront guère que pour le défendre contre ses ennemis et veiller à l’observation de la loi. Plus tard, les rois n’auront pas d’autre rôle, et les prophètes se tiendront auprès d’eux pour leur rappeler que l’unique maître de la nation, c’est Dieu. C’est ce qui fait dire à Josèphe, Cont. Apion., ii, 16 : « Notre législateur a donné à notre république la forme de théocratie. En attribuant ainsi à la divinité la souveraine autorité, il est surtout parvenu à tourner vers elle tous les yeux et tous les esprits, comme vers la source et la cause de tous les biens qui surviennent à tout le genre humain, ou qu’obtiennent les particuliers par leurs vœux et leurs prières dans leurs crises difficiles. Il devint ainsi impossible d’écarterla pensée de celui auquel n’échappent ni les actes ni les pensées mêmes des hommes… De plus, notre législateur voulut que les actes fussent en harmonie avec l’équité de ses lois, et, non content d’amener à sa manière de voir ses contemporains, il fixa inébranlablement dans l’esprit de ses enfants et de leurs descendants la foi à la divinité. » Cf. Zschokke, Historia sacra antiq. Testant., Vienne, 1888, p. 97-103.

2° Séparation du peuple hébreu. — Tout en laissant aux Hébreux les usages qui étaient traditionnels parmi les peuples sémitiques, la loi mosaïque avait pour but de iaire d’eux une nation à part. Dieu se plaît à appeler les Hébreux « mon peuple ». Exod., iii, 7 ; v, 1, etc. Il leur dit : « Si vous gardez mon alliance, vous m’appartiendrez entre tous les peuples, car toute la terre est à moi. Vous serez pour moi un royaume de prêtres et une nation sainte. » Exod., xix, 5, 6. Pour que le peuple hébreu gardât ce caractère durant tout le cours de son histoire et restât fidèle dépositaire des vérités religieuses que Dieu voulait lui confier, il était nécessaire que sa législation le séparât nettement des nations idolâtres qui l’entouraient. De là les préceptes si formels sur la sainteté, sur la fuite de l’idolâtrie, considérée comme le crime capital contre Dieu, sur le culte si minutieusement réglé, sur la pureté légale, devant conduire à l’idée de pureté morale et saisissant l’Israélite dans presque tous les actes de sa vie, etc. Pour que l’influence tuneste des nations idolâtres ne s’exerçât pas sur son peuple, Dieu défend toute alliance avec elles. Exod., xxm, 32 ; xxxiv, 12-16. Enfin, pour s’attacher les Hébreux par le lien qui leur était le plus sensible, il leur promet les bénédictions terrestres s’ils sont fidèles à sa loi et les menace des plus graves châtiments temporels s’ils n’obéissent pas. Exod., xxvi, 3-46. La législation mosaïque

réussit si bien à feire des Israélites un peuple à part que, même dispersés à travers les autres nations du monde, ils continuent à rester Juifs, bien que nominalement citoyens de patries diverses. L’Église ne fait gue constater ce fait lorsque, dans une de ses oraisons du vendredi-saint, elle qualifie de « peuple » l’ensemble des Israélites. Voir Impureté légale, t. iii, col. 861.

3° Douceur relative de la loi mosaïque. — Comparée aux autres lois anciennes, la loi mosaïque est remarquable par l’esprit qui l’anime. Elle est bienveillante pour tous, autant du moins que le comportait la rudesse des mœurs de l’époque. Dans la famille, la polygamie et la répudiation sont tolérées. Il eût été impossible de ramener le mariage à ses lois primitives sans imposer aux Hébreux un joug qu’ils eussent été incapables de porter. Mais la polygamie n’est permise que dans les formes légales et à l’exclusion de tout caprice. Deut., xxii, 28, 29. Le divorce est également soumis à des règles qui sauvegardent la liberté de la femme. Voir Divorce, t. ii, col. 1449. L’esclavage continue à subsister. C’était une nécessité des temps. La loi mosaïque en atténue considérablement la rigueur. Voir Esclave, t. ii, col. 1921-1926. L’autorité paternelle, base de la société, est sévèrement protégée. La peine de mort frappe l’enfant coupable du crime caractérisé d’outrages ou de coups vis-à-vis de ses parents. Exod., xxi, 15, 17. La rébellion opiniâtre de l’enfant est déférée au tribunal des anciens, qui décident de l’application de la peine de mort, et présentent ainsi une garantie contre l’emportement des parents. Deut., xxi, 18-21. On sait que, chez d’autres peuples et dans le vieux droit romain, le pouvoir de vie et de mort d’un père sur ses enfants était absolu et sans contrôle. Le châtiment mérité par un membre de la famille ne doit pas être étendu à un autre membre. Deut., xxiv, 16. Dieu s’était réservé ce droit. Exod., xxxiv, 7. La férocité des mœurs antiques englobait d’ordinaire tous les membres d’une famille dans la peine méritée par un seul. L’homicide était poursuivi et châtié par le « vengeur du sang » qui, chez les peuples orientaux même contemporains, est chargé de mettre à mort le meurtrier soit volontaire, soit par imprudence. Moïse est obligé de consacrer cette coutume, qui a des résultats avantageux et qui d’ailleurs s’imposait aux anciens Hébreux. Voir Goêl, t. iii, col. 261-264. Il en atténue du moins la rigueur en ménageant au meurtrier involontaire des villes de refuge dans lesquelles il devient inviolable. Num., xxxv, 22, 23 ; Deut., xix, 4-6. Il réclame toujours deux témoins pour la condamnation d’un coupable. Deut., xvii, 6 ; xix, 15. Le voleur est condamné à la restitution du double ou du quintuple ; quand il procède par effraction, si on le tue pendant qu’il fait nuit, on n’est pas coupable, mais si on le tue de jour, on est considéré comme homicide. Exod., xxii, 1-4. La peine est ainsi toujours proportionnée au délit, sans qu’il soit permis à personne d’aller au delà. Les lois concernant l’année sabbatique et l’année jubilaire sont dictées par une haute bienveillance. Voir Jubilaire (Année), t. iii, col. 1751, 1752 ; Sabbatique (Année). Enfin bon nombre de prescriptions, minimes en elles-mêmes, ont pour but d’adoucir la dureté naturelle du peuple hébreu. Telles sont les lois qui permettent le glanage et le grappillage, voir t. iii, col. 248, 308, qui autorisent à manger des raisins ou des épis dans la vigne ou le champ du prochain, Deut., xxiii, 24, 25 ; qui défendent de faire cuire le chevreau dans la graisse de sa mère, Exod., xxiii, 19 ; xxxiv, 26 ; Deut., xiv, 21, de prendre en même temps la mère et les petits oiseaux, Deut., xxii, 6, de faire labourer ensemble le bœuf et l’âne, Lev., xix, 19, de museler le bœuf qui foule le grain, Deut., xxv, 4, etc. D’autres lois prescrivent la charité en faveur des pauvres, voir Aumône, t. i, col. 1245-1249, des étrangers, voir Étrangers, t. ii, col. 2040, etc. « Si nous séparons des coutumes antiques,