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LOI MOSAÏQUE


ciens sur le seul conseil de Jéthro. Exod., xviii, 13-24. D’une manière générale, toute la législation du Deutéronome est présentée comme rappelée directement par Moïse lui-même. C’est donc à lui qu’il faudrait rapporter les lois nouvelles contenues dans cette répétition, sur certaines dettes à ne pas exiger, Deut., xv, 2-11 ; le tribunal suprême, Deut., xvii, 8-13 ; la royauté, Deut., xvii, 14-20 ; la guerre, Deut., xx ; le meurtrier inconnu, Deut., xxi, 1-9 ; la captive prise pour épouse, Deut., xxi, 10-14 ; le fils premier-né, Deut., xxi, 15-17 ; le fils rebelle, Deut., xxi, 18-21 ; et bon nombre d’autres détails législatifs. Deut., xxi, 22 ; xxii, 5, 6, 8, 13-21 ; xxm ; 15, 17. 24 ; xxiv, 1-4, 5, 16 ; xxv, 1-12, 17-19. - 3. Même la clause qui accompagne si souvent les textes législatifs : « Moi, Jéhovah, » n’exclut pas la part personnelle de Moïse dans la rédaction de la plupart de ces textes. En principe et en fait, Moïse parle au nom de Jéhovab. Parle-t-il ainsi comme un simple agent de transmission, qui a reçu de Dieu tous les détails d’une réglementation et se contente de les reproduire à la lettre ? Ne légifèret-il pas plutôt, dans la plupart des cas, en homme qui a reçu de Dieu une délégation et une inspiration générales, et use de cette autorité et de cette assistance divine au mieux des intérêts qui lui sont confiés ? La clause « Moi, Jéhovah » n’oblige pas à s’en tenir à la première interprétation. Déjà, avant le Sinaï, le peuple venait à Moïse « pour consulter Dieu », Exod., xviii, 15, manière de parler qui ne signifie pas que Moïse allait demander à Dieu la solution de chaque cas proposé, mais qui indique seulement au nom de quelle autorité il rendait ses décisions. Jéthro lui conseilla alors de se contenter personnellement des affaires qui étaient du ressort divin, c’est-à-dire de celles que la sagesse humaine ne pouvait trancher par elle-même et auxquelles Dieu seul pouvait apporter une solution. Exod., xviii, 19, 20. Il dut en être de même pour la législation mosaïque, Dieu prescrivant directement à Moïse un certain nombre de points fondamentaux, et Moïse, de son côté, agissant à la lois avec l’assistance et l’approbation de Dieu, et aussi avec sa sagesse et son expérience personnelles. Il demeure d’ailleurs impossible de déterminer la part qui doit revenir à chacun des deux éléments divin et humain. L’essentiel est que Dieu a couvert toute cette législation de son autorité et ainsi l’a faite sienne, sans qu’elle cessât par là même d’être mosaïque.

4° Lois postérieures à Moïse. — 1. La loi mosaïque a reçu des additions et des retouches, d’après plusieurs commentateurs modernes. Cela est sans doute possible, mais on ne l’établit pas d’une manière certaine. On cite comme exemple de lois postérieures à Moïse les .règlements sur la fermeture des citernes, Exod., xxi, 33, sur les dégâts faits dans le champ et dans la vigne, Exod., xxii, 5, sur les prémices de la moisson et de la vendange, Exod., xxii, 29, sur l’année sabbatique ; Exod., xxm, 10, 11, et sur les prémices des Ivuits de la terre. Exod., xxiii, 19. Rien n’empêche que ces lois n’aient été promulguées par Moïse dans le désert. La terre de Chanaan lui était connue et les règles de l’agriculture lui étaient familières ; rien ne lui était donc plus facile que de prévoir les règles qu’on devrait y appliquer aux récoltes, etc. La nécessité de boucher l’ouverture des citernes n’était pas moins pratique au désert du Sinaï qu’en Palestine. — Quant aux retouches et au manque d’ordre logique dans la promulgation de certaines lois, faits sur lesquels on s’appuie pour voir dans l’Exode et les livres suivants du Pentateuque des additions d’une époque postérieure, elles s’expliquent par le récit lui-même et par la manière dont a été édictée la loi : elle a été faite non d’un seul jet, mais au jour le jour, selon les circonstances. De là des redites, des explications, des compléments qui ont été ajoutés lorsque l’occasion s’en est présentée pendant les quarante ans de séjour dans le désert. Il n’est pas toujours possible de déterminer d’une

manière certaine la date de tous les textes législatifs. Mais il ne faut pas se hâter de décider que tel ou tel article n’est pas du premier législateur, en supposant à tort que celui-ci a créé sa législation tout d’une pièce et qu’en conséquence les additions et les retouches ne peuvent être de lui. On se demandait naguère comment Moïse avait pu suffire à la rédaction de sa législation, au milieu des occupations si multipliées que la conduite de son peuple dut lui imposer pendant les quarante ans du désert. La découverte du code babylonien montre que la tâche s’est souvent bornée pour lui à rédiger ou à modifier une législation déjà en vigueur à l’état coutumier. Moïse a donc eu tout le loisir nécessaire non seulement pour régler le présent, mais encore pour pourvoir, dans une assez large mesure, aux nécessités de l’avenir. — 2. On a cru pouvoir signaler des contradictions dans le code mosaïque et l’on prétend à tort établir par là soit la différence des auteurs, soit la différence des temps qui ont inspiré les articles que l’on compare. Ainsi il est marqué que l’esclave hébreu doit être libéré l’année sabbatique. Exod., xxi, 3 ; Deut., xv, 12. Ailleurs, Lev., xxv, 40, sa libération est assignée à l’année jubilaire. Il y a là évidemment deux cycles différents dont les eflets s’ajoutent, au lieu de s’exclure, en sorte que l’esclave peut être libéré, soit l’année sabbatique, soit l’année jubilaire. Le rachat des premiers-nés des animaux impurs fait l’objet de trois articles, Exod., xiii, 13 ; xxxiv, 20 ; Num., xviii, 15, 16 ; Lev., xxvii, 27, qui diffèrent un peu entre eux, parce que les circonstances ne sont pas les mêmes et que les détails de la loi vont en se précisant. Le service des lévites commence tantôt à trente ans, Num., IV, 3, tantôt à vingt-cinq. Num., viii, 24. C’est parce que, dans le premier cas, il s’agit des lévites qui doivent porter les ustensiles du temple dans les marches au désert, tandis que le second se rapporte au service ordinaire et moins pénible du culte divin. Il en est de même des autres passages, en petit nombre, dans lesquels on a cru reconnaître des dispositions législatives inconciliables entre elles. Cf. Vigouroux, -Les Livres Saints et la critique rationaliste, Paris, 5e édit., 1902, t. iv, p. 419-427 ; Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 137-142. Il ne faudrait pas non plus voir une difficulté dans ce fait que certaines lois sont formulées dans le Pentateuque, et qu’ensuite il n’en est plus fait mention dans la suite de l’histoire Israélite. Ce silence prouve simplement que l’application de cette loi n’a donné lieu à aucun incident saillant. Ainsi la loi du lévirat, Deut., xxv, 5-10, mentionnée au livre de Ruth, iv, 1-3, ne serait jamais rappelée dans la Sainte Écriture, sans un problème posé à Notre-Seigneur par les sadducéens. Matth., xxii, 23-27. Pourtant cette loi n’a jamais cessé d’être en vigueur. Voir Lévirat, col. 213.

— 3. Voici donc ce qu’on peut conclure au sujet des origines de la loi mosaïque : Par l’ordre et avec l’inspiration de Dieu, Moïse a codifié un ensemble de lois religieuses et civiles, destinées à un peuple déjà ancien par la race, mais encore en formation au point de vue national. Le code mosaïque n’est pas sorti tout d’une pièce, ni des révélations du Sinaï, ni du génie de Moïse. Le législateur a tenu compte des coutumes ancestrales qui avaient déjà force Je loi chez les Hébreux et qui étaient en vigueur chez les peuples sémitiques, particulièrement chez les Chaldéens, auxquels les Hébreux se rattachaient directement par leur origine. Moïse ne modifia ces coutumes que dans les cas où l’exigeaient la mission providentielle assignée à Israël et la religion qui lui était imposée. Dieu intervint pour révéler à Moïse les grandes lignes de cette religion et l’assister dans le règlement des détails. Lui-même couvrit le législateur de son autorité suprême et lui enjoignit de parler et de commander en son nom. Moïse rédigea ses différentes lois à mesure que se présentait l’occasion de les pratiquer ; il les compléta, quand le besoin s’en fit sentir ; il y inséra même