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Joa., 1, 3. — 4. Enfin attributs divins et appellation divine décernés à cette personne. Joa., 1, 1, 18 ; Heb., 1, 8 (6 Θεός), 10-12 ; Col., 11, 9 ; Phil, rt, 5 (la forme de Dieu et l'égalité avec Dieu). La formule de Pau), Col., 1, 9 : Ἔν αὐτῶ κατοικεῖ πᾶν τὸ πλήρωμα θεότητος σωματικῶς ; € en lui habite toute la plénitude de la divinité corporelle- ment, » équivaut, pour l’expression théologique de l’in- carnation, à la formule de Jean, 1, 14 : Ὃ λόγος σὰρξ ἐγένετο, « le Logos s’est fait chair. »

III. PHILON ET SAINT JEAN. — 19 Le Logos de Philon. — ll est malaisé de ramener à l’unité la doctrine de Philon au sujet du Logos, amalgame d'éléments irréduc- tiblement opposés. — 1. Il y a d’abord l'élément scrip- turaire et celui de la théologie judaique contemporaine. Philon se souvient des personnifications bibliques de la Parole de Dieu, de l’Esprit de Dieu, de la Sagesse de Dieu, personnifications flottant entre Yhypostase réelle et la prosopopée poétique. Il tire de l'Écriture, Gen.,

27, sa théorie favorite du Logos image (εἰκών) ou ombre (σκία) directe de Dieu, laquelle sert de modèle (zapá- δειγμα) au monde et à lhomme. Leg. Alleg., In, édit. Mangey, t. 1, p. 106. C’est aussi sur un texte des Septante, Gen., xxxt, 12 : Ἐγώ εἰμι 6 Θεὸς ó ὀφθείς cot ἐν τόπῳ Θεοῦ, qu’il s’appuie pour désigner Dieu par ὁ Θεός avec l’article et le Logos par Θεός sans article, De som- λὲς, t. 1, p. 653. Les épithétes du Logos ἀΐδιος χαρακτὴρ Θεοῦ, De plantat., t. 1, p. 332, et ἀνθήλιος αὐγή, De som- "iis, t. 1, p. 655, paraissent empruntées au Livre de la Sagesse. — La théologie judaique est représentée surtout par les titres qui font du Logos le médiateur universel : ἀρχάγγελος, μεθόριος, « intermédiaire, » Ἱκέτης, « interces- seur, » ἑρμηνεύς, « interpréte, » ὕπαρχος, « lieutenant, » etc. — 2. L'élément philosophique vient principalement de Platon et d’Héraclite, peut-être aussi des stoiciens. Pla- ton fournit sa théorie des idées, exploitée surtout dans le De mundi opif., t. 1, p. 4-7 : le Logos est l’archétype χἀρχέτυπον παράδειγμα), l’idée intelligible (νοητὴ ἰδέα), d’idée des idées (ἰδέα τῶν ἰδεῶν), enfin le centre, le lieu et le monde des idées (ὁ ἐκ τῶν ἰδεῶν χόσμος). Par con- . séquent le λόγος de Philon correspond au νοῦς de Platon, appelé accidentellement λόγος dans le Timée : c’est l’en- tendement divin en acte ou, si l’on veut, l’acte de l’en- tendement divin, analogue au plan de l’architecte et à Tidéal de l’artiste. — Philon se référe expressément à Héraclite, dont il admire fort le génie, pour sa théorie du λόγος τομεύς. Quis verum divin. hæres, t. τ, p. 508. Quant aux stoiciens, s’il s’inspire largementde leursidées morales, nous ne trouvons chez lui aucune trace certaine de leur panthéisme cosmogonique. Cependant il em- prunte souvent leur langage, par exemple quand il fait du Logos le lien ou la loi du monde, De fuga, t. 1, p. 562 ; De plantatione, t. 1, p. 330-331 ; Quis rerum divin. hæres., t. 1, p. 499 (κόλλα καὶ δεσμός) ; De vita Mosis, 1, t. τι, p. 155 (τοῦ συνέχοντος καὶ συνοικοῦντος “τὰ πάντα, expressions techniques dans le système stoi- <ien du Logos), etc. Mais il corrige leur monisme pour maintenir la transcendance du Dieu personnel, confor- mément à l’orthodoxie juive. — 3. Il y a enfin l’apport per- sonnel de Philon. Entrainé par sa fureur d’allégorisme, il reconnaît des figures du Logos dans l'épée flam- boyante des anges qui gardaient l'Éden, De Cherubim, t. 1, p. 144, dans le grand-prétre juif, De profugis, t. 1, p. 662, dans la manne, Leg. Alleg., wi, t. 1, p. 190-192, dans la tourterelle offerte en sacrifice, Quis rerum divin. hares, t. 1, p. 505-506, etc. Une fois en possession de son allégorie, il la poursuit jusque dans ses moindres détails, par une suite de rapprochements aussi forcés que puérils ; l’imagination l'égare et il serait oiseux de chercher une doctrine suivie dans ces divagations. Il reconnait, par exemple, dans le Logos les qualités de la manne, légére, brillante, pareille à la graine de corian- dre, Qu’on lise en particulier l’application au Logos du mot Τί, traduction du nom hébreu de la manne, Leg.

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Alleg., II, t. 1, p. 122, ou les rapprochements avec les prescriptions relatives au grand-prêtre, qui est tenu ‘d’épouser une vierge, qui ne déchire pas ses habits en signe de deuil, etc. De profugis, t. 1, p. 669. — Le Logos de Philon est souvent qualifié de divin (θεῖος), il est méme quelquefois appelé Dieu (Θεός). Leg. Alleg., t. 1, p. 128 ; De somniis, t. 1. p. 659. D’après Eusébe, Præpar. Evang., vit, 13, t. xx, col. 545, il serait aussi désigné par ὁ δεύτερος Θεός, mais on ne sait pas si Eu- sèbe cite textuellement ou s’il interprète. Toujours est-il que cette expression ne paraît pas dans les Questiones et solutiones auxquelles Eusébe se référe et dont on possède le texte arménien, traduit en latin par Aucher. Il est vrai qu’elles commencent à Gen., 11, 4, de sorte que le début, d’où la citation d’Eusébe a pu être tirée, semble perdu. Nous avons exposé plus haut l’origine de cette théorie du Logos Θεός.

% Le Logos de Philon et le Logos de saint Jean. — 1. Ressemblances. — Elles ressortent de ce qui pré- cède. Des deux côtés le Logos est appelé Fils de Dieu et Dieu ; un róle lui est attribué dans la formation du monde ; il est médiateur entre Dieu et les hommes, il apporte aux hommes la révélation céleste. — 2° Diffé- rences. — A) Le Logos de Philon est une notion abstraite, vague et flottante, une idée constamment personnifiée, mais qui n’atteint pas la personnalité véritable. Jamais Philon n’a identifié son Logos avec le Messie et il aurait repoussé avec horreur la formule : ὃ Λόγος σὰρξ ἐγένετο. Le Logos de saint Jean est un être concret, le Fils de Dieu incarné, Jésus-Christ, gardant sa personnalité immuable à travers sa double existence préhistorique et historique. — B) Le Logos de Philon est démiurge, le Logos de Jean ést créateur. Le dernier produit la matiére elle-méme : tout a été fait par lui et rien n’a été fait sans lui. Le premier agit sur une matiére pré- existante, rebelle, mauvaise : instrument de Dieu, il l’assouplit et la faconne ; par lui l’univers est formé, ἐδημκουργεῖτο, De monarch., t. iii, 925, ou préparé, χατεσχευάσθη. De Cherub., t. 1, p. 162. Dans ce dernier texte, Philon expose, les quatre causes du monde : la cause efficiente (ὑφ᾽ οὗ), Dieu ; la cause matérielle (ἐξ ot), la matiére incréée ; la cause instrumentale (δι᾽ οὗ), le Logos divin ; la cause finale (δι᾽ ὅ), la bonté de Dieu. — C) Le Logos de Philon est fils de Dieu, mais au méme titre que le monde. Il n’est pas fils unique, il est fils aîné, (ὁ πρεσδύτερος υἱός, Quod Deus immwut. t. 1, p. 277), le monde étant le fils cadet (ὁ νεώτερος vióc), si bien que le temps, lequel est lui-même fils du monde, se trouve être ainsi le petit-fils (viwvéc) de Dieu. Dans le méme sens, il est appelé souvent πρεσδύτατος vióc ou πρωτό- yovoc. De confus. linguar., t. 1, p. 414. En saint Jean au contraire, le Verbe, identifié avec la personne de Jésus- Christ, est le Dieu monogéne (ὁ μονογενῆς Θεός) ou, d’après d’autres autorités, le Fils monogéne (ὁ μονογενὴς υἱός). Joa., 1, 18. Mais, dans tous les cas, sa filiation différe infiniment de la production du monde, qui n’est pas une filiation, et de la filiation participée et analo- gique des enfants de Dieu. — En résumé, les différences sont profondes et portent sur les points fondamentaux ; les ressemblances sont superficielles et s’expliquent par l’usage commun de l’Ancien Testament, y compris les Livres/deutérocanoniques. Nous croyons donc devoir conclure avec Cremer, Biblisch-theol. Wórterbuch der meulest. Gräcität, 95 édit., Gotha, 1902, p. 646 : « Il faut bien se garder d’interpréter le Logos de Jean par le Logos philonien ; d’autant plus que le Prologue s’inspire de concepts empruntés à l’Ancien Testament et entendus dans un sens qui n’est pas celui de Philon. »

IV. ORIGINE DE LA NOTION ET DU NOM DE Locos. — 1e Dans Philon. — On affirme souvent que Philon. emprunte sa théorie du Logos à la philosophie grecquc et que saint Jean, à son tour, tire sa doctrine du Logos des spéculations de Philon. Cette explication peut se