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LIVRE


Luxeuil et Corbie, Saint-Gall, etc. — Ce luxe s’explique non seulement par la vénération envers les Livres Saints, mais aussi par le fait que plusieurs de ces exemplaires fastueux étaient destinés à de grands personnages. Ainsi VA miatinus devait être offert au Saint-Siège. On conserve au Vatican une Bible hébraïque (Urbin. hebr. 1) qui serait d’un usage fort incommode, à cause de ses dimensions gigantesques — 58 1/2 centimètres de haut, 40 de large, 28 1/2 d’épaisseur, reliure comprise — mais qui est une merveille pour la richesse des matériaux et la beauté de l’exécution. Elle comprend 979 feuillets de fort vëlin et renferme, outre le texte, le targum et les massores. C’est un présent des juifs au pape.

V. ÉCRINS ET ARMOIRES À SERRER LES LIVRES. — Les

livres sacrés des Juifs devaient être enfermés dans une gaine de cuir ou de parchemin, ou enveloppés dans une étoffe de soie, de lin ou de laine. Cette enveloppe appelée mitpahat (voile ou manteau, 1s., iii, 22 ; Ruth, m, 15) participait à la sainteté du livre et devait être enterrée, elle aussi, quand elle devenait hors d’usage. C’était une profanation que de toucher une Thora « nue », c’est-à-dire dépouillée de son enveloppe. Le Talmud est plein de prescriptions relatives à ce point. Voir Blau, Studien, p. 173-177. — L’armoire où la Loi était conservée dans les synagogues s’appelait’drôn, « arche, » ou plus souvent fêbâh, x caisse, boite. » Saint Jérôme y fait souvent allusion. Chez les Grecs et les Romains les rouleaux de luxe, spécialement les livres de poésies, étaient aussi enfermés dans un étui de parchemin, d’étoffe ou de cuir. Mais en général on se passait de cette précaution ; les rouleaux d’Herculanum et ceux qu’on « trouvés dans les tombeaux d’Egypte n’avaient pas cette enveloppe ; on se contenait de les lier avec un cordon pour les maintenir plies. Quand un ouvrage avait plusieurs tomes, on les enveloppait ensemble dans une feuille de parchemin ou simplement dans nno espèce de papyrus d’emballage appelé par Pline charla emporetica. Si le nombre des tomes était considérable ou s’il s’agissait d’un ouvrage précieux, on se servait d’une boite, capsa, scrînium, pandectes, bibliotheca, où chaque livre avait son casier distinct. On sait qu’à partir de saint Jérôme, le mot bibliotheca, et à partir de Cassiodore, le mot pandectes, sont très fréquemment employés pour désigner l’ensemble du Livre par excellence, la Bible. Le codex contenant tous les livres sacrés s’appelait corpus, en grec <j(â|ioc. Tous ces termes se trouvent réunis dans la Bible de Charles le Chauve. On lit dans le Codex Vallicellianus à la fin de l’Apocalypse :

Nomine Pandectem proprio vocitare mémento Hoc Corpus sacrum, lector, in ore tuo,

Quod nunc a multis constat Bibliotheca dicta Nomine non proprio, ut lingua pelasga docet.

VI. Bibliographie. — Th. Birt, Dos antike Buchwesen, Berlin, 1882 (reste malgré des lacunes et quelques idées systématiques l’ouvrage fondamental sur la matière) ; Ém. Egger, Histoire du livre, Paris, 1880 ; H. Géraud, Essai sur les livres dans l’antiquité, partie, chez les Romains, Paris, 1840 ; V. Schultze, Rolle und Codex, ein archaol. Beitrag zur Geschichte des N. T., Gùtersloh, 1895 ; W. Wattenbach, Bas Schriftwesen im Mittelalter, 3 8 édit., Leipzig, 1896 ; K. Dziatzko, Untersuchungen ûber ausgewâhlte I’apitel des antïken Buchwesen, Leipzig, 1900 ; K. Dziatzko, dans Real-Encyclop. der classischen Alterthumswissenschaft de Pauly-Wissowa, art. Buch, t. iii, col. 939-971 ; Buchhandel, ibid., col. 973, 985 ; Bibliotheken, ibid., col. 405-424 ; Steinschneider, Vorles. ûber die Kunde hebrâischer Randschriften, Leipzig, 1897 ; Steglich, Schrift und Bùcherwesen der Hebràer, Leipzig, 1876 ; L. Blau, Studien zum althebr. Buchwesen, Strasbourg, 1902 ; G. Lafaye, dans le Dict. des antig. grecques et romaines de Daremberg et Saglio, art. Liber, t. iii, p. 1177-1288. F. Prat.

2. LIVRE (subdivision, partie d’ouvrage). — I. Deux innovations des Alexandrins. — 1° Division d’un ouvrage en livres. — Les anciens ne connaissaient pas la division d’un ouvrage en plusieurs livres, d’un poème en plusieurs chants d’étendue à peu près égalé. L’Iliade et l’Odyssée comprenaient bien un certain nombre de rhapsodies qu’on pouvait réciter séparément, mais ces rhapsodies ne répondaient pas du tout à nos chants actuels et nous apprenons d’un scholiaste qu’on les écrivait à la file sans autre marque de séparation que le signe appelé coronis. Ni Hérodote ni Thucydide ne divisèrent leur histoire en livres. Le scholiaste de ce dernier le note expressément et, à défaut d’autre témoignage, l’examen de l’œuvre d’Hérodote le démontre assez. Nous pouvons dire la même chose de Xénophon, de Platon, de Théophraste, en un mot de tous les auteurs qui ont précédé l’ère d’Alexandre. Quand fut fondée, à Alexandrie, la grande bibliothèque du Bruchéion, avec ses écoles annexes de grammairiens et de critiques, on dut vite éprouver la vérité du mot de Callimaque : « Un gros livre est un gros embarras. » Qu’on se figure l’Iliade d’Homère ou les Muses d’Hérodote écrites sur un même rouleau de papyrus. Que de peine et de temps perdu pour retrouver un passage ou vérifier une citation ! On divisa donc chacun des deux poèmes d’Homère en vingt-quatre chants destinés à être écrits sur autant de petits rouleaux et désignés par la série des lettres de l’alphabet grec. Hérodote fut partagé en neuf livres qui prirent le nom des neuf Muses. Le même principe fut ensuite appliqué aux autres ouvrages. Nous ignorons quel fut l’auteur de cette innovation ; mais il doit avoir vécu sous les premiers Ptolémées, car, à partir de ce moment, tous les écrivains sectionnèrent eux-mêmes leurs ouvrages de longue haleine en livres de longueur uniforme. — Les rouleaux vendus dans le commerce ne variaient qu’entre certaines limites, ce qui imposait aux auteurs l’obligation de ne pas dépasser une certaine étendue. Pour les ouvrages purement littéraires, cette obligation devenait quelquefois gênante, mais elle l’était surtout pour les écrits où toute division logique paraissait arbitraire : traités de lexicographie, recueils de lois, commentaires etc. Saint Jérôme se plaint maintes fois d’être obligé de couper ses livres contrairement au sens, pour ne pas dépasser le modus voluminis, la grandeur normale des rouleaux de commerce. In Ezech., lib. IV, 1 ; lib. VII, 1 ; lib. IX, 1 ; lib. X, 1, t. xxv, col. 107, 199, 265, 295, etc. — Ce morcellement d’un ouvrage en un grand nombre de livres avait deux autres inconvénients : 1° quand l’étiquette portant le titre venait à tomber on ne savait plus à quel livre on avait affaire ; 2° un ou plusieurs rouleaux s’égaraient facilement et alors on avait un ouvrage dépareillé. La plupart des ouvrages de l’antiquité nous sont ainsi parvenus incomplets et les livres qni restent ne se suivent pas. Pour obvier au premier inconvénient, plusieurs auteurs, entre autres Diodore de Sicile et saint Jérôme, avaient pris l’habitude de placer au début de chacun de leurs livres une petite préface indiquant son numéro d’ordre : Ne librorum numerus confundatur et per longa temporum spatia divisorum inter se voluminum ordo vitietur, prsefatiunculas singulis libris prmposui, ut ex fronte tituli statim lector agnoscat quotus sibi liber legendus. S. Jérôme, In Ezech., lib. V, 1, t. xxv, col. 139. On remédiait au second inconvénient en serrant les livres dans un même écrin, où ils étaient disposés comme des flacons dans une boite de pharmacie. Mais l’expérience n’a que trop prouvé que le remède était inefficace.

2° Unité de mesure. Stichométrie. — Dans les ouvrages de poésie, la longueur de la ligne était naturellement celle duvers et l’étendue d’un poème était proportionnelle au nombre des lignes. Vlliàde ayant 15693 vers et l’Odyssée 12118, les chants ont en moyenne 654 et 504 vers respectivement. Le chant le plus long a, dans