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LIVRE


œuvres littéraires. Toute la bibliothèque de saint Maxime de Césarée, contenant entre autres ouvrages les écrits d’Origène, était encore en papyrus. Comme cette matière se détériore facilement, deux prêtres de Césarée, Acacius et Euzbïus, la firent transcrire sur parchemin. Sur l’ordre de Constantin, Eusèbe fit préparer cinquante exemplaires des Livres Saints écrits sur parchemin pour les églises de Constantinople. À partir de ce moment, le papyrus ne servit plus guère pour }a transcription de la Bible ; et quand les Arabes, au vne siècle, envahirent l’Egypte, le papyrus ne fut plus employé que par la chancellerie pontificale. Les papes continuèrent à en faire usage pour leurs bulles jusqu’au xie siècle.

5° Papier. — Dès l’antiquité la plus reculée, les Chinois ont connu le papier de riz, et les Espagnols, lors de la conquête de l’Amérique, trouvèrent les Mexicains en possession d’un papier indigène, fait d’agave. On s’accorde assez généralement à regarder les Arabes comme les inventeurs du papier dont nous nous servons aujourd’hui, mais la question du temps et du lieu de l’invention n’a jamais été tirée au clair. Ce que l’observation microscopique permet d’affirmer aujourd’hui, c’est que le premier papier était fait de lin ou de chiffons et non de coton, comme on l’avait cru longtemps. Il ne faut donc pas se fier aux mentions de charta bombycina, gossypina, cuttunea, xylina, qu’on trouve fréquemment dans les anciens catalogues et répertoires bibliographiques. Wattenbach regarde comme très probable que toutes ces appellations dérivent par erreur de charta bambycina (fabriquée à Bambycé). Des Arabes, le papier passa en Espagne (Jativa, Valence, Tolède) et en Italie (Fabriano dans la marche à l’Ancône, Padoue, Trévise), puis en France et en Allemagne. Au Xe siècle il était commun, mais on ne s’en servait guère poui*^ la transcription des Livres Saints ; et, au milieu du xv « siècle, au moment de l’intention de l’imprimerie, il était loin d’avoir supplanté le parchemin. Son importance au point de vue de la critique biblique est donc assez restreinte. Il ne peut servir à déterminer l’époque des manuscrits ; il ne donne pas non plus d’indication précise sur leur origine. En eflet, il est difficile de distinguer la provenance du papier, car dès cette époque il était exporté au loin et les marques célèbres étaient souvent contrefaites.

III. Forme des livres anciens. — La lorme qu’affecte le livre chez les divers peuples dépend principalement de la matière employée pour écrire. Là où l’on se sert d’olles ou feuilles de palmier, d’écorces d’arbre, de planchettes de bois, on taille ces sortes de pages sur un même format et on les tient unies ensemble par une ficelle passée à chaque extrémité, de façon que le livre ressemble à un éventail ou à une jalousie. En Chine, où on emploie de longues bandes de papier de riz écrit d’un seul côté, on replie cette bande sur elle-même et on assujettit un des bords, l’autre bord restant libre. — Mais, au point de vue biblique, nous n’avons à nous occuper que du rouleau ou volume et du codex ou livre carré. Bien qu’il y ait quelques exceptions, on peut dire en général que le cuir et le papyrus prennent la forme de rouleau, tandis que le parchemin et le papier prennent la forme de codex.

I. rouleaux ou volumes (volumina). — 1° Rouleaux hébreux liturgiques. — Les anciens manuscrits hébreux, liturgiques et autres, avaient certainement la forme de rouleaux, presque exclusivement visitée jusqu’au rve siècle de notre ère. Le livre des prophéties de Jérémie que Joakim déchira à coups de canif et jeta dans un réchaud, après en avoir entendu lire trois ou quatre colonnes (delatôt), était un rouleau. Jer., xxxvi, 23. Rouleau aussi certainement était le livre présenté à Jésus dans la synagogue de Nazareth, livre qu’il déroula pour le lire (àvaimjfrxç ou àvoi’ïa ?) et qu’il enroula ensuite, la lecture achevée. Luc, iv, 17-20. Du reste les allusions bibliques suppo sent toujours cette forme. Cf. Is., xxxiv, 4 ; Job, xxxi, 35-36 ; I Mach., iii, 48, etc. Noter que ibd, « livre, ïet

nso rftia, « rouleau de livre, » sont deux expressions

synonymes. Les livres présentés par les Juifs au roi Ptolémée étaient des rouleaux, d’après le faux Aristée. Josèpho, Ant. jud., XII, ii, 10. Plus tard les manuscrits d’usage privé reçurent la forme de codex, mais le rouleau est resté jusqu’à nos jours la forme liturgique et c’est celle des livres destinés aux lectures publiques dans les synagogues. — Ces rouleaux ne contiennent absolument que le texte sacré, sans titres ni notes, sans voyelles ni accents. La transcription de ces manuscrits est soumise à des règles minutieuses qui sont surtout rigoureuses pour la Thora (Pentateuque), un peu moins pour les prophètes (nebi’îm) et beaucoup moins pour les cinq meghillôth (Esther, Lamentations, Cantique des Cantiques, Ecclésiaste, Ruth). L’écriture est disposée en colonnes parallèles, de dimensions à peu près égales, dans le sens de la largeur du rouleau. La colonne s’appelle délét, « porte, » dans l’Écriture, pas, même sens, dans le Talmud, ’ammûd, « colonne, » ou daf, « planche, » chez les rabbins du moyen âge. Il doit y avoir une marge inférieure et une marge supérieure d’une largeur déterminée, différente suivant les écoles ; entre les colonnes règne un espace blanc à peu près égal à la moitié d’une marge. Entre les divers livres de l’Écriture, y compris les cinq livres de la Thora, on laisse en blanc un espace de quatre ligues. Cet espace blanc est seulement de trois lignes entre les douze petits prophètes. Comme les peaux dont l’assemblage forme le rouleau ne sont pas toujours pareilles, la largeur des colonnes varie un peu d’une peau à l’autre ; il y en a d’ordinaire trois ou quatre par peau. — Les rouleaux liturgiques ne sont’jamais écrits que d’un seul côté, le côté intérieur. Du reste les volumes opisthographes, ou écrits des deux côtés, même pour l’usage privé, paraissent avoir été aussi rares chez les Hébreux que chez les Grecs et chez les Latins. Celui qu’aperçut Ezéchiel, ii, 10, et l’auteur de l’Apocalypse, v, 1 (j3[6Xtov Y£YP a t t l i ^ 0V &j(d9sv xai owicŒv), est une exception expressément signalée. Chaque extrémité s’enroulait autour d’une tige appelée communément « arbre de vie ». — Quelques-uns do ces livres liturgiques, conservés dans nos bibliothèques, sont énormes. Le rouleau coté cod. hebr. 1 à la Casanatense de Rome a 34 m 50 x 0° 69 et contient 207 colonnes ; le rnan. hébreu 56 de la Bibliothèque nationale de Paris mesure 48 m 90 x m 585 et compte 247 colonnes ; le manuscrit du Vatican hebr. 2 est formé de 73 peaux consues ensemble, a de 73 à 75 centimètres de largeur et le catalogue lui attribue 183 pieds 6 pouces de longueur. Il faut ces grandes dimensions pour que le rouleau renferme tout le Pentateuque et soit lisible à une certaine distance. Mais nous avons des raisons de croire que ces immenses exemplaires n’existaient pas autrefois. L’écriture était très menue et très serrée. Saint Jérôme se plaint qu’il ne peut plus la déchiffrer la nuit et qu’il a beaucoup de peine à la lire en plein jour. In Ezech., lib. VII, prolog., t. xxv, col. 199. Il mentionne expressément la petitesse des caractères : litterarum parvitas. Tous les textes^ du Talmud supposent que les Livres sacrés étaient maniables et portatifs et le Pentateuque étant toujours écrit sur un seul rouleau, de même que les Prophètes, il fallait que l’écriture en fût assez fine. Cela explique les innombrables confusions de lettres pareilles qui ont été commises par les copistes, comme en témoignent les passages parallèles et les versions.

2° Rouleaux ou volumes grecs et latins. — La forme nous en est bien connue par les descriptions des anciens, par les peintures et les sculptures contemporaines et par les exemplaires conservés. Aucun rouleau biblique, en grec ou en latin, n’est parvenu en entier jusqu’à nous ; mais les tombeaux égyptiens nous ont conservé des livres