Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/160

Cette page n’a pas encore été corrigée
299
300
LITTERAL (SENS) — LITURGIE


immédiat et prochain ? Et pourquoi ce sens ne sera-t-il pas appelé littéral, s’il est iondé sur la lettre même ? » Cette admission d’un double sens littéral a pour but’de donner à certaines prophéties une valeur dogmatique plus indiscutable. Mais, dans les oracles à double objet, il est toujours possible de restreindre le sens littéral tantôt à l’objet prochain, en réservant le sens spirituel pour l’objet éloigné, tantôt à ce dernier, quand par leur ampleur, les traits de la prophéties deviennent inapplicables au premier, D’ailleurs ce n’est pas seulement le sens littéral qui « est fondé sur la lettre même », c’est aussi le sens spirituel, comme l’enseigne expressément saint Thomas dont nous avous reproduit plus haut la formule. — 3° On est d’accord aujourd’hui pour admettre qu’il n’y a pas de double sens littéral dans la Sainte Écriture. De même, en effet, qu’un homme qui parle ou qui écrit pour énoncer sa pensée ne donne qu’un sens littéral à sa parole, ainsi le Saint-Esprit, en se servant du langage humain selon les règles propres à ce langage, ne peut-il vouloir exprimer littéralement qu’une seule idée avec les mêmes mots. La pluralité des sens littéraux n’apparaît donc pas comme une conséquence de la sagesse divine, ni comme une prérogative des textes sacrés. EJle ne ferait au contraire qu’engendrer contusion et ne servirait qu’à égarer celui qui, en possession du vrai et légitime sens littéral perdrait sa peine et son temps à en chercher d’autres. L "autorité de saint Augustin, seul de son avis parmi les Pères, n’a déterminé aucun courant traditionnel en faveur de l’idée qu’il préconise, et celle de saint Thomas, assez peu afflrmatif sur la question, a contre elle le témoignage très catégorique des anciens scolastiques, Alexandre de Halès, saint Bonaventure, Albert le Grand, etc., sur l’unité du sens littéral. Cf. Patrizi, De interpret. Biblior., Rome, 1876, p. 35-38. Le double sens littéral constituant une dérogation importante aux règles ordinaires du langage humain, il faudrait de graves et nombreuses autorités pour en justifier l’existence ; or, on le voit, ces autorités font défaut. — 4° On ne peut tirer de la pratique des auteurs sacrés eux-mêmes une preuve en faveur de l’existence du double sens littéral. Ce qu’on présente quelquefois comme un second sens littéral, n’est qu’un sens conséquent compris dans le premier et en découlant naturellement. Ainsi le texte d’Isaïe, Lin, 4 : « Il a porté nos souffrances et s’est chargé de nos douleurs, » qui s’applique au mal de l’ordre moral, au péché, est cité par saint Matthieu, viii, 17, à propos des guérisons opérées par Notre-Seigneur, parce que la maladie est une conséquence directe du péché. Le texte du Psaume ii, 7 : « Tu es mon Fils, aujourd’hui je t’engendre, » est cité dans le sens littéral, Heb., i, 5, et ailleurs dans le sens conséquent du souverain sacerdoce reçu du Père, Heb., v, 5, ou de la résurrection. Act., xiH, 33. Les paroles de Daniel, ix, 27, sur l’abomination de ]a désolation dans le lieu saint sont appliquées par Notre-Seigneur à la période qui précédera la ruine de Jérusalem. Matth., xxiv, 15. C’est là leur sens littéral. En disant qu’Antiochus établit sur l’autel de Dieu une idole, abomination de la désolation, l’auteur du premier livre des Machabées, I, 57, se réfère simplement à d’autres passages de Daniel, xi, 31 ; xii, 11, dans lesquels la même expression est employée à propos des persécutions dont le peuple d’Israël sera l’objet de la part des princes idolâtres. Voir Abomination de la désolation, t. i, col. 70. Quand le Sauveur dit aux Juifs : « Détruisez ce temple, >> Joa., ii, 19-21, ceux-ci croient qu’il s’agit du temple de Jérusalem, tandis que Jésus parle de son corps. Il n’y a pas là de double sens littéral, bien que la phrase soit à dessein énigmatique. « Ce temple » ne désigne pas nécessairement le temple de Jérusalem, et, dans la pensée du Sauveur, alors obscure pour tous les auditeurs, « ce temple » est son corps et pas autre chose. Enta, les paroles de Caïphe : « Il est

avantageux qu’un homme menfe pour le peuple, » Joa., xi, 50, sont vraies et n’ont qu’un seul sens littéral, celui qu’énoncent les mots. Saint Jean remarque que Caïphe ne les proféra pas de lui-même, mais que, en sa qualité de pontife, il prophétisa que Jésus mourrait pour son peuple. La mort rédemptrice du Sauveur est donc le sens littéral inspiré par l’Esprit-Saint ; mais Caïphe ne se rend pas compte de toute la portée de sa sentence et, par ignorance et malice, ne voit dans la mort du Sauveur qu’un moyen de se concilier la faveur des Romains, tandis qu’elle est destinée à concilier à l’humanité la faveur de Dieu. — 5° Parfois les Pères ont assigné à certains textes des sens assez divers. Ainsi dans les mots in principio qui commencent la Genèse, ils voient soit l’indication de temps assez différents, soit l’affirmation du rôle du Verbe dans la création. Les paroles d’Isaïe, lui, 8 : « Qui racontera sa génération ? » sont appliquées par eux soit à la génération éternelle, soit à la génération temporelle, soit à l’une ou à l’autre ou même ni à l’une ni à l’autre. Ces divergences n’impliquent nullement la pluralité des sens littéraux ; elles montrent seulement que tous les Pères n’ont pas toujours fixé avec précision le vrai sens littéral de certains passages. Souvent, du reste, les sens multiples qu’ils assignent ne sont que des sens conséquents ou implicitement et nécessairement compris dans le sens littéral. Ainsi les paroles de Notre-Seigneur : « Sur cette pierre je bâtirai mon Église, » Matth., xyi, 18, indiqueraient comme pierre fondamentale de l’Église soit le Christ, soit Pierre, soit la foi de Pierre, soit même la profession publique de cette foi. Cf. Knabenbauer, Evang. sec. Malth., Paris, 1893, t. ii, p. 54-60. Il n’y a pas là quatre sens littéraux présentés comme possibles, mais seulement quatre conditions constitutives du rôle de Pierre : l’Apôtre n’est la pierre fondamentale de l’Église qu’autant qu’il est uni à Jésus-Christ, fondement essentiel de l’édifice, et qu’il reconnaît, par une foi intime et explicite, qu’il n’agit que par la puissance du divin Maître. — Il n’y a donc pas de raison pour admettre que, dans les Saintes Écritures, Dieu ait voulu contrevenir aux lois ordinaires du langage, en exprimant par les mêmes mots plusieurs idées à entendre au sens littéral. — Sur la recherche du sens littéral, voir Herméneutique, t. iii, col. 612-627.

— Cf. Reithmayr, Lehrbuch des biblisehen Hertneneutik, Kempten, 1874, p. 36 ; Ch. Beelen, Dissert, theolog. qua sententiam… multiplicem interdum litteralem nullo fundamento niti, Louvain, 1845 ; Vigouroux, Manuel biblique, 11e édit., t. i, p. 274 ; Gilly, Précis d’introduction à l’Ecrit. Sainte, Nîmes, 1868, t. ii, p.11-33 ; Cornely, Introductio generalis, Paris, 1885, t. i, p. 513529 ; Trochon, / « frai. sréwé » ’ate, Paris, 1886, 1. 1, p. 506-513.

H. Lesêtre.
    1. LITURGIE##

LITURGIE (XsiToupyt’a ; Vulgate : officium, ministerium). Ce mot désigne, chez les Grecs, une charge, une lonction publique. Dans le langage biblique, le seul dont nous ayons â nous occuper ici, XeiTOup-f’a correspond au mot hébreu rrnsr, ’âbôdâh, qui se dit du ministère des prêtres remplissant leurs lonctions sacerdotales, Num., viii, 22 ; xvi, 9, etc., XsiToypY£ÏVTrjV XeeToup-pav, comme traduisent les Septante. Le ministère sacerdotal que remplit Zacharie dans le temple de Jérusalem est appelé par saint Luc, I, 23, XeiToupYia (Vulgate : offichcm). Saint Paul désigne sous le nom de t « <7xrJ7] ttiç Xsitoup-Yt’a « (Vulgate : vasa ministerii), Heb., îx, 21, tout ce qui sert aux prêtres pour l’oblation des sacrifices et, Heb., viii, 6, il applique au ministère sacerdotal du Christ l’expression de Xeiroupyïa (Vulgate : ministerium). Jésus-Christ, en tant que prêtre, est rûv àymv XeiTovp-Y <5ç, sanctorum minister. Heb., 7111, 2. Saint Paul se qualifie lui-même, Rom., xv, 16, Xenoufiyàv’Ir ( CToO XptutoO ei ; Ta e’Ovt), minister Christi Jesu in gentibus, comprenant sous ce terme ses fonctions sacerdotales et