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LÉVIRAT — LÉVIT1QUES (VILLES)

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c’était renoncer à un droit, se rendre incapable de mettre le pied sur un héritage, de même que jeter son soulier sur un pays, c’était s’en emparer. Ps. lx (lis), 10. La veuve crachait ensuite, pour signifier que le beau-frère, par son refus, devenait souverainement méprisable. "Voir t. ii, col. 1099. Il suit de là que le mariage avec la veuve s’imposait au yâbâm comme un devoir de haute convenance et presque de justice à l’égard de l’aîné ; s’il se refusait à le remplir, malgré les admonestations des anciens, il était disqualifié aux yeux de ses concitoyens.

3° Le cas de Ruth. — Le livre de Ruth, iv, 1-3, montre en action les formalités prescrites pour le refus ou l’acceptation du lévirat. Voir Booz, t. i, col. 1851. Booz était parent d’Élimélech, beau-père de Ruth, la Moabite veuve elle-même, qu’il désirait épouser. Il se rend donc à la porte de la ville, où arrive de son côté un autre parent plus rapproché de Ruth. Là, devant dix anciens, il propose à ce dernier le droit de préemption pour un champ que possédait leur « frère » commun, c’est-à-dire leur parent, et que Noémi, veuve d’Élimélech, voulait vendre. Le parent rapproché consent à acheter le champ, mais quand Booz lui fait observer qu’il devra aussi épouser Ruth, l’héritière, pour relever le nom de son mari défunt, Mahalon, fils d’Élimélech, il se désiste, par crainte des inconvénients qu’il croit voir à ce mariage. Lui-même alors ôte son soulier, en signe de désistement, et Booz conclut solennellement le contrat en présence des anciens. Il résulte de cet exemple que, si les frères avaient à épouser la veuve de leur aîné défunt, l’obligation était étendue, à défaut de frères, aux parents les plus proches. Mais alors l’obligation s’imposait sans doute moins impérieusement. De fait, ce n’est pas Ruth, mais Booz qui règle l’affaire avec le parent plus rapproché. L’acquisition du champ et le mariage avec Ruth semblent constituer pour ce dernier un droit plutôt qu’un devoir ; il y renonce volontairement et ôte lui-même son soulier, sans que la veuve le lui retire, comme le prescrivait la loi du Deutéronome, xxv, 9. D’ailleurs, dans le livre de Ruth, IV, 7, l’abandon du soulier est formellement indiqué comme le signe extérieur d’un contrat de vente ou d’échange passé devant les anciens ; ce signe n’est pas considéré comme caractéristique de la renonciation au lévirat. Cf. Sagittarius, De nudipedalibus veterum, 3, dans le Thésaurus d’Ugolini, t. xxix ; Rosenmûller, Das alte und das neue Morgenland, Leipzig, 1818, t. iii, p. 70. Josèphe, Ant. jud., V, ix, 4, complète le récit en disant que, sur l’invitation de Booz, Ruth retira le soulier de son parent et lui cracha au visage. L’historien se méprend visiblement en introduisant dans le récit des traits empruntés à la législation, mais non nécessairement applicables au cas de Ruth. — À part l’allusion des sadducéens dans l’Évangile, il n’est plus question du lévirat dans la Sainte Écriture. Néanmoins la loi en dut être fréquemment appliquée dans le cours des âges. On estime qu’elle intervient trois fois dans la série des ancêtres du Sauveur, et c’est ainsi qu’on explique les différences qui existent entre les deux listes généalogiques de saint Matthieu et de saint Luc. Voir Généalogie de Jésus-Christ, t. iii, col. 170, et Cornely, Introd. in lib. N. T., Paris, 1886, t. iii, p. 198-200.

4° À l’époque évangélique. — La loi du lévirat était toujours en vigueur à cette époque. Le commentaire de cette loi fait l’objet du traité Jebamoth de la Mischna. Voici ce que les docteurs juifs avaient réglé à ce sujet. Le yâbâm ne pouvait épouser la veuve que trois mois au moins après la mort du premier mari, afin qu’on pût au préalable constater qu’elle n’était pas enceinte. Le mariage était même alors précédé des fiançailles, en présence de deux témoins, et moyennant la tradition d’une pièce d’au moins un prutah, de la valeur du Xsictôv, Luc, xii, 59, c’est-à-dire d’à peu près un centime. Si le parent se refusait au mariage, la veuve procédait à son égard comme il est prescrit au Deutéro’nome, xxv, 5-10. Les juges avaient d’ailleurs donné au yâbâm une consultation préalable pour l’exhorter soit à accepter soit à refuser le mariage. On avait un soulier tout préparé, dans des conditions spéciales, pour le mettre au pied du retusant. La veuve devait être à jeun pour l’accomplissement de la formalité officielle ; on avait même réglé la quantité de salive qu’elle devait émettre, quantité suffisante pour qu’on pût l’apercevoir à terre. Les juges criaient ensuite par trois fois : hâlûs han-nâ’al, « dépouillé de son soulier, » à celui qui n’acceptait pas le mariage, et ils lui délivraient un certificat constatant le fait. Le yâbâm dépouillé de son soulier pouvait ensuite se marier comme il l’entendait ; la veuve abandonnée par lui recouvrait aussi sa liberté, sans pouvoir cependant épouser un prêtre. Si elle épousait un autre homme, avant la renonciation du yâbâm, elle était passible de la flagellation, ainsi que son mari, et celui-ci devait la renvoyer avec une lettre de divorce. Le grand-prêtre, d’après la loi, Lev., xxi, 13, 14, ne pouvait épouser qu’une vierge ; il était donc par là même exempté de l’obligation du lévirat. Le premier fils qui naissait du mariage contracté en vertu du lévirat, prenait le nom du défunt, lui succédait dans ses biens et continuait sa race. Il est à remarquer pourtant qu’Obed est traité comme fils de Booz, et non comme fils de Mahalon. Ruth, iv, 21, 22 ; Matth., i, 5. La cause en est probablement que Booz n’était pas frère, mais seulement cousin de Mahalon. Les docteurs décidaient encore que dans le cas où il se trouvait plusieurs veuves, un frère n’en avait qu’une à épouser, que l’obligation passait du plus âgé au puîné, que cette nouvelle union entraînait les mêmes empêchements matrimoniaux avec les parents de la veuve qu’une union normale, mais que l’obligation du lévirat n’existait qu’entre parents unis à un degré qui prohibait le mariage. Cf. Yebamoth, ii, 3, 8 ; rv, 5, 7, 10 ; x, 1, 3.

5° Cas où le défunt ne laissait que des filles. — Comme il a été dit plus haut, la loi suppose que le défunt n’a pas laissé de fils, bên. Il suivrait de là en rigueur que, s’il ne laissait que des filles, le lévirat s’imposait. Pourtant les filles pouvaient être héritières, Num., xxxvi, 1-12, et le lévirat eût été d’une application bien - difficile si les frères puînés se trouvaient déjà mariés au moment de la mort d’un aîné ne laissant que des filles, ou s’il y avait trop grande disproportion d’âge entre eux et la veuve. Il est clair que le frère déjà marié était exempt du lévirat, autrement la loi eût prescrit la bigamie, au lieu de la tolérer simplement. D’après Josèphe, Ant. jud., V, ix, 4, le parent de Ruth refuse le mariage parce qu’il a déjà femme et enfants. Il est à croire que, dans le texte de la loi, le mot bên est à prendre dans le sens large. C’est ce que font les Septante : mzipyjx, « descendance ; » la Vulgate : absque liberis, « sans enfants, » et Josèphe", Ant. jud., IV, viii, 23 : a-cexvot, « sans enfant. » Dans l’exemple cité par les sadducéens, le défunt laisse la veuve [ati ëx wv <nrépfi.ce, « sans descendance, » Matth., xxii, 25 ; Marc., xii, 20, atexvoç, « sans entant. » * Luc, xx, 29. D’après l’interprétation juive, la loi du lévirat ne s’appliquait donc pas si, à défaut de fils, le défunt laissait une ou plusieurs filles. — Cf. Benary, De Hebrseorum leviratu, Berlin, 1835 ; Redslob, Die Leviratseke bei den Hebrâern, Leipzig, 1836 ; Iken, Antiquitates

hebraicee, Brème, 1741, p. 504-507.

H. Lesêtre.
    1. LÉVITES##

LÉVITES, voir Lévi 2, col. 203.

    1. LÉVITIQUE##

LÉVITIQUE, troisième livre du Pentatcuque. Voir

Pentateuque.

    1. LÉVITIQUES##

LÉVITIQUES (VILLES), villes assignées aux prêtres et aux lévites comme lieu d’habitation dans les différentes tribus d’Israël. Num., xxxv, 1-8 ; Jos., xxi ; I Par., VL, 54-81. Voir Lévi (Tribu de), col. 207.