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LÉVI (TRIBU DE)


issu de sa race, ceignit la tiare pontificale, qui resta dans la maison de Phinéès jusque vers la ruine de l’État juif. Au recensement qui fut fait dans les plaines de Mcab, et d’après le même système qu’au Sinaî, les Lévites étaient au nombre de 23000, avec une augmentation de 700. Num., xxvi, 57-62. Après la défaite des Madianites, ils reçurent leur part du butin. Num., xxxi, 30, 47. Cette première partie de leur histoire est ainsi marquée par leur vocation, leur consécration, leur zèle pour la gloire de Dieu, avec quelques défections, et l’accomplissement de leurs fonctions dans le désert.

2° De la conquête de Chanaan à David. — La tribu de Lévieutson rôle, dans la conquête de la Terre Promise, mais un rôle uniquement religieux. Les prêtres, portent l’arche d’alliance, se mirent à la tête du peuple pour traverser le Jourdain, et c’est au moment où leurs pieds touchèrent les eaux du fleuve que celles-ci se séparèrent pour livrer passage aux Israélites. Jos., Ht, 15-17. C’est aussi au son de leurs trompettes sacrées et devant l’arche qu’ils avaient promenée autour de Jéricho, que les murailles de la ville tombèrent. Jos., vi, 4, 9, 20. Dans la grandiose cérémonie qui eut lieu dans la vallée de Sichem, pour la prise solennelle de possession de la Terre Sainte, la tribu de Lévi se trouvait sur le Garizim pour les bénédictions. Deut., xxvii, 12. Les prêtres et l’arche sainte se tenaient au milieu des deux groupes de tribus, entre le Garizim et l’Hébal, et des membres de la famille lévitique, probablement des prêtres, prononcèrent les bénédictions et les malédictions. Deut., xxvii, 14 ; Jos., viii, 33. Au moment du partage du pays chananéen, la tribu de Lévi demanda, par l’intermédiaire de ses chefs, à être mise en possession des villes qui lui avaient été promises. Jos., xxi, 1, 3.

Une fois installée dans ces villes, quelle fut sa situation ? L’histoire fait à peine mention d’elle pendant la période des Juges, et les récits qu’elle nous donne sont plutôt de nature à dérouter nos idées. On connait les aventures du lévite Jonathan, qui loue ses services à un riche Éphraïmite, Michas, et se fait prêtre d’une idole dans un sanctuaire domestique, puis, quittant son maître, s’en va avec les Danites à Laïs, où il établit un sacerdoce idolâtrique. Jud., xvit, xviu. Ces aventures ont servi de prétexte aux théories dont nous parlions en commençant, relatives aux débuts de l’organisation du sacerdoce chez les Hébreux. La Bible nous dit que Jonathan était « un jeune homme de Bethléhem de Juda, de la famille (mispahat) de Juda ». Jud., xvil, 7. Donc, concluent certains critiques, il était de la tribu de Juda et lévite de profession, d’où il suit que la tribu de Lévi s’est conlituée artificiellement. Nous répondons simplement qu’il était de la tribu de Juda, mais non pas de la race de Juda, puisqu’il était « fils de Gersam, fils de Moïse », Jud., xviii, 30 ; il n’était pas originaire de Bethléhem, puisqu’il y était en étranger (gêr) ou en simple résidence. Jud., xvii, 7. Wellhausen, Prolegomena, p. 130, croit remarquer une énorme différence entre la position d’Héli et celle de Jonathan. Le premier représente un sacerdoce indépendant ; le second, lévite nomade, est pris à gages par le propriétaire d’un sanctuaire privé ; celui-ci nous offre sans doute le type de ce qui se pratiquait en règle générale, celui-là représente l’exception. Pourquoi ? « Un sacerdoce indépendant ne pouvait prendre pied qu’auprès d’un sanctuaire considérable et public ; celui de Silo semble avoir été seul de cette espèce ; les autres sanctuaires dont l’histoire fait mention étaient des propriétés privées. » Il est sur que le sanctuaire de Silo était le seul où put se pratiquer le culte officiel par le ministère ordinaire des prêtres. Il y avait d’autres endroits où l’on pouvait, où l’on devait même invoquer le nom de Jéhovah et répandre en son honneur, sur l’autel de terre ou de pierre hrute, le sang des animaux qu’on immolait, Exod., xx, 24, 25, mais les prêtres n’avaient pas à intervenir dans ces

actes du culte populaire. Le contact avec les populations chananéennes amena un certain affaiblissement de l’unité religieuse. Peu à peu les dieux étrangers prirent place à côté de Jéhovah, et, à côté de son sanctuaire, on vit s’élever les bâmôt, développement abusif des autels populaires. Les lévites, dispersés dans le pays, vinrent chercher là l’emploi de leurs prérogatives avec la considération qui s’y attachait, et en même temps les ressources que leur exclusion du partage du territoire et l’insuffisance des revenus de la maison de Jéhovah ne leur permettaient pas de se procurer autrement. Il ne s’agit donc point ici de règle générale et d’exception, mais plutôt de régulier et d’irrégulier. Les prêtres de Silo devaient réaliser aux yeux du peuple le type le plusélevé et le plus pur du sacerdoce israélite. Van Hoonacker, Le sacerdoce lévitique, p. 228, à qui nous empruntons ces pensées, conclut justement : « Il nous semble queles prêtres de Nob avaient plus de titres à se faire valoir devant Israël comme « types de la règle » que le lévite nomade Jonathan. » Aussi, tandis que les Danites emmènent Jonathan avec eux sans trop de façon, nous voyons les sicaires de Saûl, saisis de respect devant Achimélech et ses collègues, se refuser à exécuter les ordres du roi et à servir sa vengeance en les massacrant. I Reg., xxii, 17.

3° De David à la captivité. — Les livres des Paralipomènes sont les seuls documents où nous trouvions de nombreux détails sur la tribu de Lévi, pendant la période de la royauté. Les livres de Samuel et des Rois ont surtout pour objet d’exposer la suite des événements politiques qui marquèrent la vie de la nation, sans préoccupation des institutions liturgiques. Le côté religieux se résume pour eux dans la fidélité d’Israël envers Jéhovah ou sa défection, dans les prérogatives du Temple de Jérusalem. Les prêtres semblent plutôt appelés sur la scène par leurs relations avec tel héros ou tel fait historique. L’histoire d’Héli et de ses fils, qui jette pourtant un certain jour sur la vie intime du sanctuaire, sert d’introduction à celle de Samuel et par là à celle de Saûl. Les prêtres de Nob ne forment qu’un épisode dans le récit des rivalités entre Saül et David. Abiathar et Sadoc n’apparaissent que dans le rôle qu’ils remplissent prés de David et de Salomon. Joïada a pour mission de renverser Athalie et d’élever Joas sur le trône. On observe le même silence chez les prophètes. S’ils parlent assez souvent des cérémonies du culte, c’est pour protester contre les manilestations purement extérieures de la piété, qui ne sont rien sans la vertu et la fidélité aux lois de la justice. Ils considèrent plutôt le prêtre d’une manière abstraite, au point de vue de sa situation morale vis-à-vis du peuple. Les Paralipomènes, au contraire, s’appliquent à montrer en toute occasion le rôle glorieux du clergé. On peut voir, en particulier, la différence des deux récits concernant le transport de l’arche sainte à Jérusalem, sous David. II Reg., vi ; IPar., xv-xvi. Les mêmes documents nous révèlent, comme nous l’avons déjà dit, l’importance et le prestige que les lévites acquirentsous le premiertemple. Le lait s’explique par l’organisation nouvelle du service religieux, organisation qui associa ceux-ci d’une manière plus régulièreet plus intime aux prêtres proprement dits. Il s’explique encore par l’opposition que le schisme établit entre les droits légitimes et exclusifs de la famille lévitique tout entière et l’usurpation des ministres que Jéroboam plaça à la tête de ses sanctuaires officiels. Ceux-ci « n’étaient point des fils de Lévi », III Reg., xii, 31, et cette violation des prérogatives sacerdotales ne fit que mettre en relief l’origine et les aptitudes de la tribu de Lévi, et la distinction entre ministres de premier et de second rang, sans s’effacer jamais complètement, s’atténua beaucoup.

A ces considérations générales il nous suffit d’ajouter quelques détails particuliers. David, avant d’organiser les lévites, en fit faire le recensement, et en trouva