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PAUL (SAINT)


à peine clos, sur le bord d’une petite rivière, le Gangas ou Gangitès. Paul, Silas, Timothée, Luc, s'ëtant informés du lieu où se célébraient les exercices du sabbat, se rendirent à l’endroit qu’on leur indiqua. Ils ne rencontrèrent là que des affiliés du judaïsme. Ils avaient établi leur oratoire, appelé irpoffeux’U près de la rivière, afin de faciliter les ablutions. Josèphe, Ant., XIV, x, 23. L'Évangile fut accueilli avec empressement de toutes ces âmes dévotes. L’une d’elles, appelée Lydia, se fit baptiser avec toute sa maison. Ce fut le premier noyau de cette/Église, qui compta tant de cœurs généreux. Act., xvi, 3 ; Phil., iv, 2-3. Lydia obtint, à force d’instances, que les missionnaires demeurassent chez elle. Un incident tout à fait imprévu vint arrêter subitement l’activité de Paul et de Silas dans un champ si bien préparé. Cette fois, du moins, les Juifs ne portèrent point la responsabilité de l'émeute. Elle eut pour cause une misérable question d’argent. Un jour que Paul se rendait avec Silas à la « proseuque », située hors des faubourgs, il exorcisa une jeune esclave, possédée du mauvais esprit, à qui ses maîtres faisaient pratiquer le métier de pythonisse. La jeune fille avait pris, depuis quelque temps, l’habitude de suivre les hommes de Dieu, criant à haute voix qu’on devait leur obéir comme à des messagers célestes. Délivrée de celui qui lui faisait prédire l’avenir, elle mettait fin à l’exploitation sordide dont vivaient ses maîtres. Ceux-ci, furieux d’avoir perdu leur gagnepain, amenèrent Paul et Silas à l’agora, devant les duumvirs. Ne pouvant poursuivre les deux Apôtres comme exorcistes, délit inconnu au code romain, ils les accusèrent d’apporter des divinités nouvelles et de semer le trouble dans la ville. Act., xvi, 20. Le titre de Juif, sur lequel ils insistent, était à l’heure présente très mal vu des autorités romaines. Claude venait, par un édit, de chasser de Rome toute la colonie Israélite. Aussi, sans informalion et sans enquête, ordonnaient-ils aux licteurs, sous la pression de l'émeute, de frapper de verges les deux prévenus et de les mettre ensuite, ceps aux pieds, dans un cachot reculé. Tout cela se fit si rapidement que Paul et Silas n’eurent pas le temps de faireprévaloir leur titre de citoyen romain.

On ignore le motif qui décida les duumvirs à ordonner, dès le jour, l'élargissement des prisonniers. Avaient-ils été prévenus de la qualité de Paul et de Silas, ou voyaient-ils, dans le tremblement de terre qui avait eu lieu pendant la nuit, une vengeance du Ciel ? Tout cela est probable. En fait, le geôlier, à qui ces événements avaient valu la foi, vint annoncer aux Apôtres leur délivrance. Mais Paul se refusa fièrement à accepter ce qu’on aurait pu regarder comme une grâce. Il voulait surtout qu’on ne renouvelât pas contre l'Évangile pareil déni de justice. Il exigea donc une réparalion d’honneur de la part des magistrats eux-mêmes. Ceux-ci, fort embarrassés, craignant les suites fâcheuses de cette affaire (la loi Valeria et la loi Porcia qu’ils avaient violées, portaient des peines très graves contre ceux qui frappaient de verges un citoyen romain. Cicéron, In Terr., H, 62), vinrent en personne faire leurs excuses et tes prièrent comme étrangers de quitter la ville, afin d'éviter de nouveaux troubles. Paul et Silas y consentirent. Mais, avant de s'éloigner de/PhYlippes, ils se rendirent chez Lydie, où les frères / paraissent avoir été rassemblés ; ils leur dirent un dernier mot d’exhorlation et ils partirent. Luc et Timothée, qui n’avaient pas été impliqués dans ces poursuites, restèrent à Pbilippes.

B) Fondation de l'Église de Thessalonique. Act., xvii, 1-10. — En quittant Philippes, Paul et Silas suivirent la voie Égnatienne et durent faire étape à Amphipolis, puis à Apollonie, avant d’arriver à Thessalonique. Toutes ces villes célèbres sont à peu près à égale distance l’une de l’autre, une quarantaine de kilomètres


environ. Les Apôtres franchirent en quelques jours ces pays pleins de souvenirs historiques. Thessalonique, capitale de toute la province de Macédoine, résidencedu proconsul, ville très peuplée et très commerçante, possédait une juiverie des plus considérables qui servait de centre religieux à tous les prosélytes de Macédoine. Pendant trois sabbats consécutifs, Paul exposa, avec un grand luxe de citations tirées de l'Écriture, sa thèse habituelle, à savoir, que le Messie devait, d’après les prophètes, souffrir une mort violente et ressusciter ensuite, que Jésus de Nazareth était ce Messie, puisque seul il avait réalisé ces deux conditions. Paul exposa aussi sans doute ses aperçus personnels sur la Loi, cequi excita la fureur du parti zélote. À la suite de quelque éclat, l’Apôtre dut quitter la synagogue.il se retira chez un certain Jésus, israélite de race, qui, selon l’usage des Juifs, avait grécisé son nom et s’appelait Jason. Son séjour dans cette maison hospitalière se prolongea au delà de trois semaines, le temps suffisant pour lui permettre de travailler parmi les Gentils, I Thess., i, 9, de nouer de solides affections, de donner l’exemple du désintéressement, I Thess., ii, 9 ; Il Thess.. i, 9, et de recevoir, à deux reprises, les secours d’argent de ses chers Philippiens. Phil., iv, 15 ; I Thess., n, 5, 7, 9.

La parole de Paul, tombant sur ces âmes avides de vérité, fit des merveilles. Il se forma, dans la métropole macédonienne, une Église modèle, composée de prosélytes, de païens, de quelques Juifs et de l'élite de lasociété féminine. Act., xvii, 4 ; I Thess., i, 9. On vit se reproduire, avec une profusion extraordinaire, tous les prodiges de l’Esprit-Saint, glossolalie, prophétie, don des miracles, etc. I Thess., i, 5 ; v, 19, 20. La communauté de Philippes eut une émule en piété, en ardeur, en attentions délicates pour l’Apôtre. C’est là que Paut fit sans doute la connaissance d’amis très chers et très dévoués : c'étaient, outre Jason, Gaïus, Aristarque et Secundus. Act., xix, 29 ; xx, 4 ; Aristarque le suivit à Rome en captivité, Col. iv, 10, 11. La fureur des Juifs vint interrompre, comme de coutume, la formation de l'église nouvelle. Les fanatiques ameutèrent contre les Apôtres ces piliers de l’agora qui, dans les villes anciennes, étaient toujours prêts à manifester dans la rue. Tout ce monde vint assaillir la maison de Jason. Pour attirer l’attention de l’autorité civile, les Juifs faisaient crier de toutes parts que les deux missionnaires auxquels Jason avait donné l’hospitalité, étaient des révolutionnaires dangereux, venus pour prêcher la révolté" contre les édits de l’empereur. Bientôt toute la ville fut bouleversée. Les politarques s’en émurent. Ils forcèrent Jason ainsi que les fidèles arrêtés avec lui, de verser en caution une forte somme d’argent. La nuit suivante, les frères menèrent Paul et Silas hors de la ville et les firent conduire à Bérée.

C) Fondation de l’Eglise de Bérée, $. 10-14. — Après avoir franchi en deux ou trois jours une vingtaine delieues, les Apôtres arrivèrent à Bérée, ville d’une certaine importance, appartenant à la troisième Macédoine. Tite-Live, xlv, 29. La présence d’une colonie juive les invita à séjourner quelque temps en cet endroit. Comme d’habitude, ils se rendirent le samedi à la synagogue pour y prêcher l’espérance messianique. L’accueil fut des plus bienveillants. Les Juifs de Bérée, moins bornés que ceux de Thessalonique, écoulèrent la thèsede Paul avec avidité. Se tenant à égale distance du parti pris et d’une crédulité trop facile, ils s’appliquaient après chaque discours à contrôler les textes prophétiques qu’on leur alléguait, marque évidente d’esprits qui cherchent le vrai avec loyauté. Beaucoup d’entre eux se laissèrent convaincre et se convertirent. De ce nombre fut un certain Sopater ou Sosipater, fils de Pyrrhus. Act., xx, 4. Avec lui, un grand nombre de païens ainsi, que des femmes de haut rang déjà affiliées

IV.

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