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PAUL (SAINT)


donc, en aucune façon, porter atteinte à la vérité essentielle de la narration : elles portent, tout au plus, sur les impressions subjectives que les compagnons de Paul ont reçues de ces circonstances, impressions qui n’ont pas dû être identiques chez tous ni chez tous exactement constatées. On en jugera par leur exposé.

1° Le lieu. — La scène se passe dans la grande plaine de Damas : . c’est tout ce qu’on peut recueillir des indications du texte. Act., IX, 3-8 ; xxii, 6, 11. Des quatre endroits fixés par la tradition, deux seulement offrent de vraies probabilités, le village de Kaukab, à dix kilomètres au sud-ouest de la ville, ou celui de Dareya, qui est dans la même direction et qui se trouve encore plus rapproché du terme du voyage — une heure et demie de marche environ. Ms r Le Camus, L’œuvre des Apôtres, t. i, p. 178, note. Ce dernier endroit a pour lui l’eYY’tetv, rx, 3, du texte. Il le serre de plus près et montre Paul déjà engagé dans cette zone charmante qui entoure Damas de fraîcheur et de bien-être.

2° L’heure. — Il était midi. Act., xxii, 6 ; xxvi, 13. Une lumière venue du ciel, distincte par conséquent, de celle du soleil, enveloppe subitement Paul (itEpi^ipa^ev, décrit un cercle) et ses compagnons. Act., xxvi, 13. Cette dernière addition ne modifie en rien la substance du premier récit ; elle la précise par un nouveau trait. L’éclat de cette lumière, son degré d’intensité, ressort des deux épithètes, b-.av<Sv, Act., xxii, 6, et ÛTcèp xrjv Xa|iTtpÔTr)Ta toû tjXîou ; elle éclipse le soleil d’Orient, à l’heure du jour où il est le plus étincelant. Act., xxvi, 13. Cette circonstance écarte l’hypothèse de l’orage et du coup de foudre que Renan faisait sortir des flancs de l’Hermon pour renverser Paul sur le chemin et produire en lui une forte commotion cérébrale. Il n’y a donc pas à parler d’éclair ni de phénomène naturel du même genre. Le rayon qui surpasse en blancheur la clarté du soleil, n’est autre, la suite du récit le confirme, Act., ix, 17, 27 ; xxvi, 16, que la gloire céleste dont s’environne le corps glorieux du Christ ressuscité. Cf. S. Thomas, III", q. lvii, a. 6, ad.l » m.

3° La chute. — Paul tombe à terre. Act., ix, 4. D’après le troisième récit, Act., xxvi, 14, ses compagnons, eux aussi, furent renversés sur le sol, alors que, suivant Act., ix, 7, ils semblent être restés debout. Mais eto-nfætaav ne signifie pas, comme on l’a prétendu, une attitude corporelle ; lié à évveof, il exprime simplement l’état de stupeur qui s’empara des témoins du prodige et qui les priva tout à coup de la parole.

4° La voix. — Une voix, celle de Jésus, se fit entendre à Paul. Act., ix, 4 ; xxii, 7 ; xxvi, 14, le ꝟ. 7 du chap. ix : « Les gens de sa suite entendirent la voix, mais ne virent personne, » paraît contredire xxii, 9 : « Ils virent la lumière mais n’entendirent pas la voix qui me parlait. » L’opposition n’est qu’apparente. Il n’y a, en réalité, au fond de ces deux phrases, qu’une seule et même idée : c’est que l’apparition n’a été clairement perçue que par Paul : ses compagnons ont vu et entendu quelque chose, mais sans pouvoir se rendre compte ni de celui qui parlait, ni des paroles qu’il prononçait : tout se borne pour eux à voir une lumière extraordinairement brillante et à entendre le son d’une voix dont ils ne parviennent pas à discerner le langage. Voir un cas assez analogue, Joa., xii, 19.

5° L’appel direct de Jésus. — Dans le discours devant Agrippa, c’est Jésus en personne, qui appelle Saul à l’apostolat, tandis que, dans sa harangue au peuple, sur les degrés du temple, xxil, 14, c’est par l’intermédiaire d’Ananie, trois jours après la première vision. Cette légère variante vient de ce que Paul, pressé de fournir des preuves authentiques de son apostolat, aura rapporté en bloc, à, la phase principale de sa conversion, tout ce qui s’y rattache de quelque manière, sans tenir compte des différences et des intervalles de temps. Au reste, peu importait, dans la circonstance

présente, le moment précis où lui avait été intimé l’ordre de porter l’Évangile aux nations. L’essentiel était que ce pouvoir lui vint de Jésus. Les autres paroles du dialogue (il se fit en hébreu, langue habituelle de Paul, xxvi, 14) sont les mêmes dans les trois récits, si l’on excepte pourtant la réflexion finale du Sauveur, Act., ix, 5 ; xxvi, 14, qui manque dans la deuxième narration, Act., xxii, 8-9, et, même parait-il, dans la première. Act., ix, 5, 6. L’image dont se sert Jésus, pour représenter au jeune fanatique l’inutilité de ses efforts, est très expressive. « C’est peine perdue, dit-il, de regimber contre l’aiguillon. » La victoire, en effet, devait rester du côté de la grâce. Qui peut résister à Dieu ? En un instant, Saul comprit qu’il avait jusque-là fait fausse route et qu’il devait réparer ses torts. Il demande ce qu’il doit faire. Il le saura plus tard. Pour l’instant, Jésus lui commande d’entrer à Damas.

6° L’entrée à Damas. — Paul se relève de terre ; mais comme il était devenu aveugle, Act., xxii, 11, par l’éclat de la lumière céleste dont il venait d’être environné, ses compagnons le prennent par la main et le déposent chez un certain Juda, sans doute un Juif de sa connaissance, qui demeurait dans la rue Droite, une des principales artères de la ville, qu’elle traversait de l’est à l’ouest, sur une largeur de plus d’un mille. Pendant trois jours, Paul, agité par le souvenir de cette vision, ne prit aucune nourriture. On se figure aisément les luttes intérieures, troubles, remords, incertitudes, auxquels son âme fut en proie pendant cette période d’attente.

7° Double vision. — La situation de Paul s’aggravait encore des conséquences de son passé. Les chrétiens, instruits de tout ce qu’il avait fait subir à leurs frères de Judée et de ce qu’il avait annoncé contre eux à Damas même, se tenaient éloignés de lui. Act., ix, 13. D’autre part, les Juifs de Syrie s’étonnaient de l’inaction du jeune fanatique et du changement de dispositions qu’on remarquait en lui. Tout cela constituait un état des plus embarrassants. Le Ciel pouvait seul résoudre cette difficulté. Il en prépara là solution définitive par deux visions qui paraissent avoir été simultanées ; l’une à un certain Ananie, Act., xxii, 12, qui pouvait être le chef de la communauté chrétienne, l’autre, à Saul lui-même. Il fallait que Saul connût le nom et le visage de celui qui devait achever sa conversion. D’autre part, il ne fallait rien moins qu’un ordre d’en haut pour déterminervnanie à une démarche aussi inattendue et aussi périlleuse, auprès d’un délégué du Sanhédrin, venu tout exprès, de Jérusalem pour continuer son œuvre de fanatisme parmi les saints.

8° Ministère d’Ananie auprès de Paul. — La mission du pieux disciple comprenait trois choses : 1° guérir Paul de sa cécité ; 2° lui conférer l’initiation chrétienne par le baptême de l’eau et de l’esprit ; 3° lui faire connaître l’avenir auquel IDieu le destinait, la mission qu’il lui confiait. Ananie vint donc vers le malade, lui parla doucement, l’appela son frère et lui imposa les mains. Aussitôt Paul se sentit guéri. De petites croûtes ou écailles, cf. Tobie, li, 9 ; vi, 10 ; xi, 13, tombèrent de ses yeux ; il mangea et reprit des forces. Les textes ne disent pas si Paul reçut alors TEsprit-Saint d’une manière visible, mais on peut le déduire de quatre passages des Actes : ii, 4 ; viii, ’, 18 ; x, 45 ; xix, 6. Il faut noter, dans le ministère d’Ananie, l’absence de ce qui aurait pu s’appeler préparation spirituelle ou enseignement doctrinal. Rien de tout cela n’est insinué dans les Actes. Le contraire y est plutôt suggéré. Dieu qui a choisi son instrument ((ixeûoç ; Vulgate : vas, Act., ix, 15), se réserve de lui faire connaître ce qu’il aura à souffrir et, à plus forte raison, ce qu’il aura à prêcher. Paul pourra ainsi soutenir plus tard, Gal., i, 16, qu’il a reçu sa révélation particulière, qu’il n’a rien appris de personne, qu’il est