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les peaux d’animaux tannées ou préparées d’une autre manière furent la matière généralement usitée pour l’écriture jusqu’au Ve siècle avant Jésus-Christ. Hérodote nous apprend, v, 58, que les Ioniens appelaient peaux (SiçOspai) les rouleaux de papyrus parce qu’autrefois ils écrivaient sur des peaux de chèvre ou de mouton, comme le faisaient encore de son temps la plupart des barbares. Ctésias, dans Diodorede Sicile, ii, 32, dit que les livres sacrés des Persans remplissaient douze cents peaux de bœuf. D’après Strabon, XV, 1, citant Nicolas de Damas, la lettre que les Indiens adressèrent à Auguste était sur peau. Les Juifs ne semblent avoir jamais employé le papyrus au moins pour les saints livres ; mais les autres peuples l’adoptèrent successivement à partir du Ve siècle avant Jésus-Christ et l’Egypte l’exporta en quantités de plus en plus considérables. S’il faut en croire Pline, H. N., xiii, 11 [xxi]. qui cite Varron, un Ptolémée jaloux de la bibliothèque formée par Eumène, roi de Pergame, aurait interdit 1 exportation du papyrus et l’invention du parchemin aurait été la suite de cette interdiction. Une note anonyme publiée par Boissonade, Anecdota grseca, t. i, Paris, 1829, p. 420, raconte la chose d’une autre manière à peine plus vraisemblable. Ptolémée, sur l’avis d’Aristarque, s’étant concilié l’amitié des Romains par un présent de papyrus, Craies, jaloux d’Aristarque, eonseilla au roi de Pergame Attale, d’envoyer à Home des parchemins dont on venait de découvrir la fabrication. Quoi qu’il faille penserde ces légendes, la tradition qui fixe à Pergame, sous l’un des Altales, l’invention du parchemin, ou plutôt un mode de préparation des peaux non tannées qui les rendît plus commodes pour l’écriture, n’est pas contestable. Le passage de S. Jérôme est classique, Epist. ad Chromât., t. xxii, col. 339 : Chartam de* fuisse non puto, Mgypto minislrante commercia, et si alicubi Ptolemœus maria clausisset, tamen rex Attalus membranas a Pergamo miserai, ut penuria chartæ pellibus pensaretur : unde et Pergamenarum nomen. Nous pouvons conclure de ce passage, qui enregistre la tradition ordinaire relativement à l’invention du parchemin, qu’on se servait généralement de papyrus pour les lettres et exceptionnellement de parchemin à défaut de papyrus. — Le parchemin rappelle par son nom son lieu d’origine : Kiç-fa.^’i-^ (sous-entendu SifOlpa ou ôsppts = la peau de Pergame), en latin pergamena (sous-entendu char la— le papyrus de Pergame). Ce nom, si commun au moyen âge se rencontre pour la première fois dans l’édit de Dioelétien, De pretio rerum venalium de l’an 301, puis dans le passage de saint Jérôme transcrit ci-dessus. Le parchemin s’appelait aussi u.s[jLëpav « , en latin, membrana, pour membranaculis, du latin membrum, « membre. /> Le parchemin diffère du cuir en ce qu’il n’est pas tanné mais seulement raclé. On faisait macérer la peau dans le lait de chaux pour l’amollir : en grattait ensuite au canif pour enlever le poil et on achevait de polir à la pierre ponce. Une fois sec et à égalité d’épaisseur, le parchemin est moins souple que le cuir, mais on pouvait lui donner le degré de finesse qu’où désirait. Au moyen âge on l’enduisait quelquefois de blanc d’oeuf, peut-être pour le rendre plus brillant ; Planude, au xvie siècle, blâme cette pratique, parce qu’alors l’encre ne mord pas et que l’humidité détruit rapidement le travail du scribe.

2° Usage et diffusion progressive du parchemin. — Le parchemin a sur le papyrus cinq avantages. 1. Il est beaucoup plus résistant et susceptible d’une durée presque indéfinie, tandis que le papyrus passait pour très vieux à deux cents ans, d’après Pline, à trois cents ans, d’après Galien. — 2. Il s’écrit des deux côtés, bien que te" côté du poil soit inférieur en finesse. Au contraire, les papyrus opisthographes sont assez rares, parce que l’écrilùre était moins aisée sur les fibres longitudinales

et qu’un rouleau écrit à l’extérieur est d’un usage peu commode. — 3. Le parchemin peut être gratté et récrit partiellement, ou même remis entièrement à neuf. Le papyrus se prête difficilement aux grattages. — 4. Sur lé parchemin l’écriture étant beaucoup plus serrée, on peut faire tenir beaucoup plus de matières sous un moindre volume. — 5. Enfin, le parchemin, qui prend si naturellement la forme de codex, supprime l’incommodité des longs rouleaux. — Malgré tous ces avantages on lui préféra longtemps le papyrus, non seulement en Egypte mais dans tous les pays du monde civilisé. Le parchemin remplaça d’abord les tablettes ; aussi Martial l’appelle-t-il pugillares membranei. On s’en servait donc surtout pour les brouillons. Pétrone dépeint l’infatigable poète Eumolpus toujours prêt à composer, armé d’une grande pièce de parchemin. Les allusions des auteurs classiques s’expliquent presque toutes par cet usage. Horace, Sat., II, iii, 1-2 ; Àrs poet., 388-389 ; Perse, iii, 10, etc. Quintilien, Instit., X, m, 31, conseille le parchemin au lieu des tablettes aux personnes dont la vue est fatiguée, parce que l’écriture y ressort mieux. Le parchemin servait aussi pour dessiner à cause de la plus grande facilité des corrections et des retouches. On en fabriquait ces gaines où étaient enfermés les rouleaux de papyrus et ces étiquettes qu’on suspendait à l’extérieur du rouleau pour indiquer le sujet et le numéro d’ordre du livre. L’emploi du parchemin ne fut qu’exceptionnel pour les ouvrages littéraires avant le IVe siècle de notre ère. On l’utilisait pour les livres qu’où voulait emporter en voyage, Martial I, ii, 3 ; xiv, 184, 186, 188, 190, 192, ou qu’on tenait à posséder sous un très petit format. Cicéron, dans Pline, H. N., vir, 85, parle d’une Iliade sur parchemin qui serait entrée dans une coquille de noix. Plus tard on trouva le parchemin commode pour les ouvrages considérables et sans divisions uniformes : dictionnaires, commentaires, écrits de jurisprudence. C’est au quatrième siècle que l’usage du parchemin se généralisa. Les chrétiens furent les premiers à l’adopter à raison de l’avantage qu’il y avait à réunir l’ensemble de la Bible dans le même recueil. Eusèbe raconte, non sans complaisance, Vita Const., iv, 36-37, t. xx, col. 1185, comment. il fit confectionner les cinquante grands codex en parchemin contenant la Bible entière (alluma Iv StçSipaiç) que l’empereur Constantin lui avait demandés. Avant les récentes découvertes de papyrus, tous les onciaux bibliques, soit en grec, soit en latin, et la plupart des minuscules étaient sur parchemin. A partir du vil » siècle, date de la disparition progressive du papyrus et jusqu’au XIe où le papier de chiffons commença à le remplacer, le parchemin étant désormais la seule matière employée pour écrire devint de plus en plus rare et la pénurie en fut encore accrue par la mode des livres énormes qui régna surtout du ixe au xie siècle.

3° La forme de codex donnée au parchemin. — Le mot codex — on disait anciennement caudex — est ainsi défini par Sénèque, De brevit. vitse, xiii, 4 : « Plurium tabellarum contextus caudex apud antiquos vocatur ; unde publicae tabula ; codices dicuntur. » Les tablettes, soit enduites de cire (ceratte) soit blanchies à la céruse (cerussatœ), étaient réunies en deux, trois ou plusieurs plaques et prenaient le nom de diptyques, triptyques, polyptyques. Une charnière les reliait soit toutes ensemble, soit deux à deux. Pliées, elles ressemblaient à nos livres, comme on peut le voir au forum de Rome sur les bas-reliefs où Trajan est représenté faisant brûler les registres des impôts arriérés. — Nous avons ditpfus haut que le parchemin avait d’abord remplacé les tablettes pour les comptes, les brouillons, les souvenirs de famille ; il était donc naturel qu’il prit la forme des tablettes. D’ailleurs il est trop raide pour la disposition en rouleau qui convenait mieux au papyrus et au cuir.