Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/1101

Cette page n’a pas encore été corrigée
2141
2142
PARALIPOMÈNES (LES DEUX LIVRES DES)


tion du livre a eu Heu à la date indiquée. Mais d’autres Critiques descendent jusqu’à la fin de l’époque persane, ou au commencement de la domination macédonienne, ou même à l’âge des Séleucides. La généalogie de la race de David est poussée dans le texte hébreu jusqu’à la sixième génération des descendants de Zorobabel. En comptant trente ans pour chaque génération, ce calcul conduit jusqu’au milieu du IVe siècle. Dans le texte grec, cette généalogie va même jusqu’à la onzième génération, c’est-à-dire vers l’an 200 avant Jésus-Christ.’Le livre qui la contient n’est donc pas antérieur à 350, si même il n’est pas postérieur à la chute de l’empire perse. Si le texte continue la généalogie de Zorobabel, I Par., iii, 21-24, ce qui est controversé, celle-ci dépasse certainement l’époque d’Esdras. Mais elle a pu être continuée par une main étrangère et la comparaison du texte hébreu et du texte grec fournit la preuve évidente de cette continuation, au moins dans le g, vec. Des noms’ont donc été ajoutés à cette liste. Si le fait est certain pour la recension grecque, il est possible, sinon probable, même pour la recension hébraïque. Le texte est, d’ailleurs, en mauvais état et rempli d’obscurités au point qu’on s’est demandé si les dernières familles mentionnées se rattachaient à Zorobabel ou n’étaient pas des familles contemporaines. Cette généalogie dans son état actuel n’est donc pas un motif suffisant de retarder la composition du livre. La mention des dariques a été présentée comme un indice d’une rédaction tardive, l’emploi de cette monnaie perse ayant continué au commencement de la domination grecque. Une autre confirmation de la composition tardive est tirée de l’ensemble de l’œuvre. On y remarque partout non seulement l’esprit du judaïsme postexilique et l’influence prépondérante de la législation sacerdotale ; mais, en outre, les institutions d’Esdras y paraissent anciennes, ayant un caractère stable et définitif. Enfin, si les Chroniques n’ont formé primitivement qu’un écrit avec les livres actuels d’Esdras et de Néhémie, voir t. IV, col. 1577, leur rédaction est postérieure aux Mémoires de ces hommes, Mémoires qui font partie de la compilation. Dans ces conditions, les Paralipomènes ne seraient pas antérieurs au IVe siècle. A cause de la généalogie de Zorobabel, ils n’auraient pas été écrits plus tôt que vers 350 (Driver). Aux yeux de la plupart des critiques, rien n’empêche qu’ils ne l’aient été après 300 (Ewald, Bertheau, Schrader, Dillmann, Bail, ’Œttli), vers 250 (Kuenen, Cornill, Wildeboer), vers 200, sinon plus tard (Nôldeke).

VIL Auteur. — 1° Une opinion assez répandue regarde Esdras comme l’auteur des Paralipomènes. Elle s’appuie sur le sentiment des rabbins qui, dans le Baba Bathra, disaient qu’Esdras a écrit son livre et les généalogies des Paralipomènes jusqu’à lui. Comme les généalogies n’ont jamais été à part du livre entier, Esdras a donc composé le tout. Saint Isidore de Séville, De offic. eccl., i, 12, n. 2, t. lxxxiii, col. 747, déclarait que les sages de la synagogue ont rédigé les Paralipomènes. Or, on pense qu’il s’agit des membres de la Grande Synagogue, dont Esdras était le président. Au moyen âge, si Hugues de Saint-Cher, In Par., prol., Opéra, Cologne, 1521, t. i, p. 310, ignoré le nom de l’auteur du livre, Nicolas de Lyre, se fondant sur la tradition juive, n’hésite pas à proclamer Esdras auteur de ce livre. In Par., arg.Tostat, litPar., Opéra, t. vii, p. 81, confirma cette affirmation par des arguments internes. À partir de Sixte de Sienne, Bibliotheca sancla, t. i, p. 12, ce fut l’opinion commune parmi les catholiques. Quelques protestants s’y sont ralliés. Ce que nous avons dit plus haut du but, de la date et des caractères des Paralipomènes peut servir à confirmer l’attribution du livre à Esdras, puisque tout cela se rapporte à son tempsLa citation de l’édit.de Cyrus, faite en partie II Par., xxxvi, 22, 23, et intégralement IEsd., I, trahirait aussi la même main. La façon brusque et abrupte dont elle se termine dans le premier cas ne

s’explique complètement que dans l’hypothèse suivant laquelle le même historien se proposait de reproduire tout le texte dans un autre ouvrage qui ferait suite au précédent. Enfin, on constate dans les deux livres, les Paralipomènes et le Ie’livre d’Esdras, le même goût pour les généalogies, les catalogues et pour tout ce qui tient au culte sacerdotal et à la tribu de Lévi, dont les fonctions sont exprimées en termes presque identiques. La ressemblance du style prouve encore l’unité d’auteur. On remarque dans les deux ouvrages les mêmes mots, les mêmes constructions grammaticales, l’emploi de nombreuses prépositions, certaines locutions particulières, ayant une signification propre, telles que kammispat, « selon la loi de Moïse », I Par., xxiii, 31 ; II Par., xxx, 16 ; xxxv, 13 ; I Esd., iii, 4 ; IIEsd., vm r 18, et de nombreux chaldaïsmes.

2° Mais les critiques récents, qui regardent les Paralipomènes comme une compilation de divers documentset qui pensent que primitivement ces deux livres, réunis à ceux d’Esdras et de Néhémie, formaient un seul ouvrage, n’attribuent plus à Esdras le travail de compilation. L’auteur inconnu, insérant dans sa Chronique les Mémoires d’Esdras et de Néhémie, n’est pas un contemporain de ces deux héros, ni un témoin et un collaborateur de leur réforme religieuse. Il appartient à une époque plus récente, assez lointaine pour parler déjà des « jours de Néhémie ». Voir col. 1576. Les ressemblances de fond et de style entre les Paralipomènes et le I Br livré d’Esdras s’expliquent fort bien dans cette hypothèse et restent des indices de l’unité d’auteur. Quant à la double reproduction de l’édit de Cyrus, elle est due à la coupure faite par les premiers copistes qui ont opéré la séparation des écrits. Le nom du rédacteur ne nous a pas été transmis ; mais puisqu’il a écrit une Chronique de Juda, on le nomme couramment le chroniste. Sa sollicitude spéciale pour les lévites et les chantres du Temple a fait supposer à plusieurs qu’il était lui-même un lévite et un chantre de Jérusalem.

L’abbé Paulin Martin, Introduction à la critique générale de l’Ancien Testament (lith.), Paris, 1887-1888, t. ii, p. 153-168, reconnaissait volontiers ce caractère composite et unique de l’œuvre primitive au moins pour les Paralipomètes et le I 6r livre d’Esdras. Il pensait que la Chronique isolée, au moins le midrach dont elle dérive, sauf des interpolations postérieures, aurait été composée vers 530, peu après la publication de l’édit de Cyrus. Esdras l’aurait jointe à son livre, et le tout aurait été complété par Néhémie. Le P. de Hummelauer distingue le livre des généalogies, I Par., i-ix, de la Chronique. Le premier a été formé par un benjamite, après la fin de la captivité, comme collection des généalogies dressées avant l’exil : c’est le livre des généalogies des douze tribus. I Par., i-vm. Il a été continué, c. ix, en vue de dresser la généalogie du peuple élu, mais n’a pas été achevé. Ce n’est peut-être pas le chroniste qui l’a joint à son œuvre propre, qui est l’histoire du sanctuaire de Jérusalem.

VIII. Style. — Le langage du chroniste est des plus caractéristiques. Le vocabulaire et la syntaxe présentent de nombreuses expressions ou formules qui sont tout à fait spéciales et ne se rencontrent pas dans les autres livres de l’Ancien Testament ou ne se lisent isolées que dans les écrits bibliques les plus récents. Ces mots spéciaux et ces particularités de syntaxe sont fréquents dans les Paralipomènes et sont réellement des expressions personnelles du chroniste. Driver, Einleitung in die Litteratur des alten Testaments, trad. RothsteiD, Berlin, 1896, p. 572-576, a dressé la liste des 46 plus importantes. Cf. Clair, Xes Paralipomènes, Paris, 1883, p. 53-55. Le style du chroniste se caractérise encore par l’emploi d’archaïsmes. Par exemple, la liaison des phrases par-ratN, des expressions rares, des mots et des constructions poétiques. Il comporte aussi des mots