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    1. PARALIPOMÈNES##

PARALIPOMÈNES (LES DEUX LIVRES DES)

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de cette dynastie, David et Salomon, est longuement racontée. On a prétendu même qu’elle avait été intentionnellement émondée et que c’est par attachement à la royauté de Juda que le chroniste avait passé sous silence les actes blâmables des rois légitimes, les péchés de David et les infidélités de Salomon. Mais, outre que, comme nous l’avons déjà remarqué, on constate l’omission d’actes recommandables de ces deux chefs de la dynastie, les infidélités et l’idolâtrie de plusieurs de leurs descendants sont relatées ; parfois même, elles sont plus fortement accentuées que dans les récits pa~ rallèles des Rois et elles sont toujours sévèrement jugées. Ce n’est donc pas par légitimisme, par royalisme convaincu, que le chroniste omet de rapporter les fautes de David et de Salomon ; c’est plutôt parce que ces faits, comme les autres pareillement omis, ne rentraient pas dans ses vues. — 3. Il envisage continuellement Jérusalem, la ville sainte, avec son culte et son temple, plutôt que la capitale du royaume. C’est pour cela qu’il ne raconte pas en détail le règne de David à Hébron, tandis qu’il s’intéresse à tout ce qui se passe à Jérusalem, à ce qui y concerne la religion. Aussi raconte-t-il longuement les transferts de l’arche, le projet que David avait formé d’élever à Dieu un temple dans sa capitale, les préparatifs qu’il fit pour l’œuvre réservée à son fils, les matériaux rassemblés, les sommes d’argent ramassées, la construction et la dédicace du temple sous Salomon, l’organisation du culte, la célébration des fêtes solennelles et les réformes religieuses sous Josaphat, Ézéchias et Josias. — 4. Il fait encore une mention spéciale du sacerdoce aaronique, des lévites et en particulier des chantres et des musiciens. Tandis que les livres de Samuel et des Rois, faisant l’histoire d’Israël et de ses rois, en parlent très peu, le chroniste en parle avec complaisance, comme s’il était l’un d’eux. Il les fait intervenir dans les fêtes et les réformes ; il relate leur organisation, leur service et leurs revenus, leurs droits et leurs fonctions. La plupart des additions, que nous avons constatées dans son œuvre, les concernent et ont trait aux institutions sacerdotales et lévitiques. Aussi parle-t-on couramment du « lévitisme » du chroniste. — 5. Enfin, le chroniste a constamment envisagé l’histoire de Juda dans ses rapports avec la religion monothéiste, révélée par Dieu à son peuple, et dans les sanctions divines, attachées à la fidélité ou à l’infidélité de Juda. Les règnes sont jugés favorablement ou défavorablement, selon que les rois ont été monothéistes ou idolâtres, et conformément aux promesses divines, les princes fidèles à Dieu ont été bénis et récompensés, et les princes infidèles et coupables punis et châtiés. Manassé repentant est sorti de captivité et est remonté sur le trône.

Cela étant, on est généralement d’accord aujourd’hui à reconnaître que le but du chroniste a été d’écrire l’histoire religieuse de Juda ou plutôt celle du culte judaïque. Kuenen appelait son çeuvre la chronique du Temple ; Reuss, la chronique ecclésiastique de Jérusalem ; Wildeboer y voit l’histoire sainte de Juda. Le P. de Hummelauer, Commenlarius in Paralipomenon, Paris, 1905, t. i, p. 203-205, pense que le chroniste ne voulait rapporter que l’histoire du sanctuaire de Jérusalem. Écrivant aprè, s le retour des Juifs captifs à Jérusalem, il a voulu inspirer à ses contemporains le respect du culte récemment restauré et promouvoir chez les prêtres, les lévites et les fidèles, son obvervation exacte et précise. C’est pourquoi il relate avec détails son organisation sous les pieux rois David et Salomon, ses splendeurs et, après des éclipses regrettables, sa restauration sous Josaphat, Ézéchias et Josias. De son temps, le nombre des rapatriés était peu considérable, peu de lévites étaient revenus de Babylone, le Temple réédifié était moins spacieux et moins riche que l’ancien. Le chroniste veut encourager, sinon à rebâtir ce Temple,

du moins à l’honorer et y pratiquer avec religion les cérémonies et les fêtes rétablies comme dans l’ancien Juda. Il propose pour cela les beaux exemples dupasse, ceux des rois pieux, et il montre qu’ils ont été récompensés de leur piété, tandis que les rois impies ont été châtiés. D’ailleurs, l’observation des’prescriptions du culte était la marque visible de l’obéissance des Juifs au Dieu de l’alliance et des promesses. La communauté postexilienne devait s’instruire aux leçons du passé et observer la loi et le culte, si elle voulait persévérer dans l’alliance contractée par ses ancêtres et avoir part aux bénédictions, promises à la fidélité, et écarter d’elle les malédictions, prédites à l’infidélité. Le chroniste remettait donc sous les yeux de ses contemporains les exemples de l’histoire dans le dessein de favoriser l’observation de la loi et la pratique du culte ; secondairement, il se proposait encore, semble-t-il, d’honorer les lévites, leur ministère, leurs fonctions, peu appréciées, et d’encourager le petit nombre des lévites rapatriés à la pratique régulière de leur service. Il revendique aussi leurs droits, contestés peut-être.

Le P. de Hummelauer y ajoute comme but accessoire le soin de recueillir dans son œuvre, ne pereant, des documents, n’ayant qu’un rapport éloigné avec ce but. Ainsi, selon lui, op. cit., t. i, p. 47-49, le livre des généalogies, placé en tête de l’histoire religieuse de Juda, n’a pour but ni de préparer cette histoire, ni de résumer sous forme de tableaux généalogiques l’histoire de la tribu de Juda, à laquelle appartenait David, ni de fournir des renseignements chronologiques sur les principales familles juives rapatriées. Le chroniste, en le plaçant en tête de son œuvre propre, a voulu seulement préserver de la ruine et transmettre à)a postérité des documents intéressants pour l’histoire et peu connus. De même, les documents statistiques, reproduits dans l’histoire des rois de Juda, sans avoir avec elle un lien étroit et nécessaire, ont été insérés dans sa trame pour être conservés plus sûrement. Ces catalogues de guerriers, de lévites, ces listes de fonctions à remplir sont peut-être d’auteurs différents. Quelle que soit leur origine, le chroniste les a cités intégralement aux endroits où son récit faisait allusion à leur contenu, pour qu’ils ne soient pas perdus, p. 207-211.

VI. Date. — Le livre des Paralipomènes a certainement été écrit après la fin de la captivité des Juifs à Babylone. Une partie de l’édit de Cyrus, autorisant les captifs à rentrer dans leur patrie, est citée à la fin du livre. II Par., xxxvi, 22, 23. Bien que le récit s’arrête antérieurement à l’application de cet édit, sa rédaction est cependant postérieure aux derniers événements racontés. En effet, la généalogie de la race de David est continuée, I Par., iii, 19-24, au delà de Zorobabel, le contemporain de la restauration de 538. Les sommes" destinées à la réédification du Temple sont estimées en dariques, monnaie perse. I Par., xxix (héb.). Le point de vue de l’auteur, nous l’avons déjà dit, est postérieur au retour de l’exil, et la langue elle-même trahit l’époque qui a suivi la restauration.

Si les critiques sont d’accord pour la fixation générale de cette date, ils sont d’avis différents lorsqu’il s’agit d’en préciser la limite extrême. Les critiques conservateurs et la majorité des exégètes catholiques ne dépassent pas la domination perse et s’arrêtent à l’époque même d’Esdras. Le but indiqué plus haut correspond à cette date. La mention des dariqnes est plus naturelle à l’époque perse que sous les Séleucides. Le nom de bîrâh donné au Temple, I Par., xxrx, 1, 19, suppose un écrivain antérieur à Néhémie. Celui-ci ayant, en effet, construit à Jérusalem, sur le modèle des fopteresses des villes perses, une bîrâh, distincte du Temple, on n’aurait pu après lui, sans créer de confusion et d’équivoque, désigner par ce terme la maison de Dieu. Enfin, si Esdras est l’auteur des Paralipomènes, la composi-