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PAQUE


pendant les sept jours de la Pàque. Chacun de ces jours, on offrait en holocauste deux jeunes taureaux, un bélier et sept agneaux d’un an, avec des oblations de fleur de farine pétrie à l’huile. On y ajoutait un bouc, en sacrifice d’expiation. Ces sacrifices n’empêchaient pas les holocaustes perpétuels prescrits deux fois le jour. Num., xxviii, 9-25. Quand on présentait la gerbe nouvelle, on offrait en plus un agneau d’un an en holocausle, avec une oblation de fleur de farine et une libation de vin. Lev., xxiii, 12, 13. Enfin ; chaque Israélite venu à la fête offrait des sacrifices particuliers, conformément à la Loi. Deut., xvi, 17. Le premier et le septième jour, où le travail était interdit, il y avait assemblée. Lev., xxiii, 3, 7, 8 ; Num., xxym, 18, 25. Voir Assemblée, t. i, col. 1129. Afin qu’on put assister à ces assemblées et paraître au Temple le dernier jour de la fête, qui était très solennel, on ne permettait pas aux Israélites de s’éloigner de la ville sainte, sinon momentanément, durant ces sept jours. Toutefois l’obligation n’était pas rigoureuse ; les docteurs toléraient qu’on partît le troisième jour, s’il y avait nécessité. Voir Pèlerinages.

VI. L’OFFRANDE DES PRÉMICES DE LA MOISSON. —

1° D’après la Loi, les prémices de la moisson devaient être offertes le « lendemain du sabbat ». Lev., xxiii, 11. Les Caraïtes entendaient par ce sabbat celui qui tombait au cours des fêtes de la Pâque. Mais les Septante traduisent l’hébreu par-rij sTcaûpeov ttj ; npra-rm ; , « le lendemain du premier » jour des azymes, et Josèphe, Ant. jud., III, x, 5, dit positivement que cette offrande se faisait « le second jour des azymes, soit le seizième dii mois. » Il suit de là que les Juifs d’après la captivité avaient fixé cette offrande au second jour des azymes, en prêtant le nom de sabbat au 15 nisan, dans lequel le gros travail était interdit. Cette interprétation, contraire à la lettre du texte, prévalut parmi eux. Ce jour-là, on présentait au prêtre une gerbe d’épis de la moisson nouvelle, et il la balançait, c’est-à-dire l’offrait à Jéhovah en l’agitant de diverses façons, afin d’attirer la faveur divine. Avant que cette offrande fût faite, on ne pouvait manger ni pain, ni épis frais ou grillés provenant de la moisson nouvelle. Lev., xxiii, 10-14. — Les Arabes ne manquaient pas, au printemps, de faire l’offrande des prémices, avec cette idée qu’avant de se servir des biens il importe de réserver la part de la divinité. Cf. Lagrange, Études sur les religions primitives, Paris, 1905, p. 255. On a prétendu que la Pâque des Hébreux dérivait des fêtes pastorales que beaucoup d’anciens peuples célébraient au printemps, comme les fêtes en l’honneur de Déméter, chez les Grecs, de Cérès, chez les Romains, etc. Mais le caractère historique de la fête pascale a trop d’importance dans les textes sacrés pour qu’on puisse le reléguer au second plan. Le caractère agricole n’apparaît au contraire que comme adventice et secondaire.

2° Voici comment les Juifs procédaient pour faire l’offrande des prémices. Au moment où s’achevait la dernière heure du 15 nisan, des délégués du sanhédrin sortaient de la ville avec une corbeille et une faucille, traversænt le Cédron et se rendaient dans un champ voisin, dont la moisson d’orge avait été achetée aux frais du trésor du Temple. Cf. Sckekalim, iv, 1. On choisissait l’orge, parce que sa maturité devançait celle des autres céréales. Au commencement de la nuit du 16 nisan, l’un des délégués posait par trois fois différentes questions auxquelles on répondait : « Le soleil est-il couché ? — Oui.

— Avec cette faucille ? — Oui. — Avec cette corbeille ? — Oui. — Faut-il couper ? — Oui. » Et si le 16 nisan était un jour de sabbat : « Même ce jour de sabbat ? — Oui. » Cf. Menachoth, x, 1, 3. Alors on coupait la gerbe et on l’apportait dans la corbeille jusqu’au parvis des prêtres. Là on la passait par le feu, on vannait le grain dans un endroit du parvis exposé au vent, on le broyait sous la

meule, on le tamisait treize fois ; jusqu’à ce qu’on eût obtenu un dixième d’éphi, soit de deux à quatre litres de fleur de farine. Le matin, après les sacrifices publics, on prenait une poignée de cette farine, on y aj outait de l’huile et de l’encens et on la brûlait sur l’autel. Le reste était distribué pour être mangé par les prêtres. Cf. Mertachoih, vi, 6 ; x, 3. Avant cette offrande solennelle, il était interdit de mettre la faux dans les récoltes de froment, d’orge, d’épeautre et de seigle. Cf. Challa, i, 1. La Loi interdisait seulement dé manger du grain nouveau, mais non de le récolter. Lev., xxiii, 14. Aussi les docteurs ne reprenaient-ils pas les habitants de Jéricho, qui récoltaient quelquefois avant la Pâque, dans leur chaude vallée du Jourdain où les moissons mûrissaient plus tôt qu’ailleurs et où il y avait intérêt à ne pas les laisser sur pied. Cf. Pesachim, IV, 8. Après la destruction du Temple, on décida qu’on ne mangerait pas de grain nouveau avant que le 16 nisan ne fût passé. Cf. Siphra, ꝟ. 247, 2.

VII. Symbolisme de la fête pascale. — 1° La Pâque était pour les Israélites la fête par excellence. Elle avait la plus haute signification à toutes sortes de points de vue, historique, religieux, social, familial et agricole. Tout d’abord, elle rappelait annuellement le grand fait qui avait constitué les Israélites à l’état de nation, le passage de Dieu en Egypte pour les délivrer de la servitude par des miracles éclatants, puis la sortie de ce pays d’oppression, la traversée de la mer Rouge et la conquête de l’indépendance pendant le séjour au désert. La manducation de l’agneau pascal commémorait tous ces faits de la manière la plus expressive. Cet agneau ressemblait à celui qu’avait prescrit Moïse ; on l’immolait, on le rôtissait, on le mangeait de la même façon que les ancêtres. Les pains azymes, seuls permis pendant la fête, faisaient revivre le souvenir de ces jours où les anciens Hébreux, pressés de partir par les Égyptiens, emportaient dans leurs manteaux les corbeilles contenant la pâte qui n’avait pas eu le temps de lever. Exod., xii, 34. Les herbes amères figuraient les peines souffertes en Egypte, et le charoseth (voir t. ir, col. 414) l’argile de ces briques que les Hébreux préparaient et employaient avec tant de fatigue, quand ils étaient aux travaux forcés pour le compte du pharaon. Les hymnes qu’on récitait donnaient encore plus de vie à tous ces souvenirs. Rien de ce glorieux passé ne pouvait être oublié quand, chaque année, le chef de la famille en racontait les événements aux plus jeunes et leur faisait entendre que la Pâque célébrée en ce jour avait pour but de rappeler l’antique intervention de Jéhovah en leur faveur. Aussi l’on comprend qu’en certaines circonstances critiques, quand on voulait réveiller dans le peuple le souvenir de ses origines et l’idée des obligations que ce passé lui imposait, on célébrait des Pâques solennelles, comme à l’époque d’Ézéchias et de Josias. La célébration de la Pâque, spéciale au peuple juif, lui rappelait donc ce que Dieu avait fait pour le constituer à l’état de nation indépendante, et, comme la circoncision qui le consacrait à Jéhovah, elle lui remettait continuellement en mémoire ce qu’il devait à l’auteur de sa vie nationale. Quand les Juifs eurent perdu leur indépendance, ces souvenirs du passé suscitèrent et entretinrent dans leurs cœurs de vives espérances en vue d’un avenir meilleur. De là leur attente d’un Messie qui renouvellerait en leur faveur les merveilles accomplies en Egypte par Jéhovah. Ce Messie vint et délivra son peuple nouveau, non pas en déchaînant de terribles plaies sur les oppresseurs, comme avait fait Moïse, mais en se faisant immoler comme l’agneau pascal. I Cor., v, 7.

2° La Pâque avait un caractère essentiellement religieux. Elle appelait toute la nation au Temple de Jéhovah, le Dieu national et le Dieu unique, qu’on Venait adorer, remercier, supplier. On ne pouvait prendre