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sont réunies comme en faisceau pour former une nacelle pointue et recourbée à ses deux extrémités. Avec les fibres de la plante on fait des cordes dont on se sert pour l’avant, l’arrière et le milieu de la coque ; les tiges entrelacées étaient enduites de bitume. Lepsius, Denkmäler, t. iii, pl. 22 ; Wilkinson, Manners, t. ii, p. 20. Mais le principal usage du papyrus était la fabrication du papier. Pline, H. N., xiii, 33, a décrit en détail le procédé qu’on employait à l’époque romaine, comme aussi les différentes qualités de ce papier. Mais son texte peu précis a été diversement interprété. On a souvent prétendu jusque dans ces derniers temps que le papier était fabriqué avec les fines membranes concentriques semblables à la pelure d’oignon, qu’on aurait détachées au-dessous de l’écorce du Cyperus papyrus. Une observation plus attentive de la plante et l’étude au microscope des anciens papyrus ont montré qu’on employait la partie intérieure de la tige. Ce fut le résultat des analyses faites par Schenk, professeur de botanique à l’Université de Leipzig, à la demande de G. Ebers, Papyros Ebers, Leipzig, in-f°, 1875, t. i, p.3. À la même conclusion aboutissent les observations qu’a très obligeamment faites à notre prière M. H. Lecomte, professeur au Muséum d’histoire naturelle. Il n’est pas impossible cependant qu’on se soit également servi de la partie interne de la gaine des feuilles qui entoure la tige à la basé : ce qui expliquerait l’erreur que nous signalions plus haut. Mais en faisant de la partie intérieure de la tige la matière ordinaire du papier, il faut se garder de n’y voir qu’une substance molle et parenchymateuse, comme la moelle du sureau ou du jonc. Si on appelle vulgairement moelle cette partie intérieure du Cyperus papyrus, c’est par abus : car il n’y a pas de moelle proprement dite. Cette partie intérieure est composée, entre autres éléments, d’un parenchyme lacuneux qui entoure des faisceaux libéro-ligneux comme le montrent le schéma d’une section de la tige (fig. 560 A) et plus clairement par le détail un fragment grossi 300 fois d’une coupe transversale (fig. 560 B) et un fragment d’une coupe longitudinale (fig. 560 C). Ce sont ces libres, très visibles dans les papyrus conservés, qui donnent au papier sa consistance. Elles sont plus abondantes et plus serrées à mesure qu’on approche de l’écorce, mais on les rencontre, plus clairsemées sans doute, jusqu’au centre de la plante. Lorsqu’on a retranché de la tige triangulaire du papyrus, par une section faite sur ses trois faces, non seulement l’écorce, mais encore la partie voisine composée de sclérenchyme et de fibres trop denses, il reste un prisme de substance mélangée qu’on sectionne avec un rasoir en tranches longitudinales. Ces bandes disposées parallèlement sur une table humectée d’eau du Nil, sont recouvertes d’autres bandes placées transversalement, à peu près comme la chaîne et la trame d’un tissu, d’où le mot texere appliqué par Pline, H. N., x, 10, 13, à cette opération ; puis ces bandes superposées sont battues, polies, encollées, de façon à donner le papyrus dont nous voyons tant de spécimens dans nos musées. Voir pour la fabrication du papier, col. 2085. Les tranches ou bandes de la tige qui servaient à fabriquer le papier se nommaient , ater et le papier lui-même s’appelait , djamâ. Dureau de la Malle, Sur le papyrus et la fabrication du papier, dans Mémoires de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, t. xix, part, i, 1858, p. 140-183 ; V. Lorél, L’Égypte au temps des Pharaons, in-12, Paris, 1889, p. 107-109. On fabriquait ainsi, le papier dès les temps les plus anciens, puisqu’on a des papyrus datant de la Ve dynastie. Sur l’ancienneté et l’importance de la préparation de ce papier, voir Lepsius, Chronol. der alten Aegypter, in-8°, Berlin, 1840, p. 32-39.

Les Juifs comme les Phéniciens et les autres peuples de l’Asie, Syriens, Assyriens, Babyloniens en rapport si fréquents avec les Égyptiens, surtout à l’époque de la XVIIIe dynastie, n’ont pu ignorer le parti qu’ils tiraient du papier de papyrus et apprirent à s’en servir. Quand il se répandit dans le monde grec, il fut l’occasion d’un essor extraordinaire de la littérature de ce pays. Egger, De l’influence du papyrus égyptien sur le développement de la littérature grecque. Les colons grecs qui vivaient dans le Delta s’en servirent de bonne heure ; mais le premier document qui en constaté l’usage officiel dans la Grèce propre est du ve siècle. D. Mallet, Les premiers établissements des Grecs en Égypte, dans Mémoires de la mission archéologique française au Caire, t. xii, in-4, 1893, p. 300. On se servit en France de ce papier jusqu’au Xe siècle.

C’est à ce papier de papyrus que fait allusion saint Jean dans sa IIe Épître, 12. Il emploie le mot χάρτης χαράσσω, inscrire) dont les Latins ont fait charta, carta, d’où dérivent notre mot charte et carte. Voir Papier, col. 2078. C’est par ce mot χάρτης ou χάρτιον que les

Septante rendent le mot hébreu Megillàh, rouleau, volume, dans Jérémie, xliii (hébreu et Vulgate, xxxvi), 2, 4, 6, 14, 21, 23 etc. Il est plus probable qu’il s’agit ici d’un rouleau de parchemin ; le roi Joakim n’eût pas eu besoin du canif du scribe pour le déchirer, si le volume eût été un papyrus. Cf. Ch. Joret, Les plantes dans l’antiquité, 1re  partie, Dans l’Orient classique, in-8°, Paris, 1897, p. 160-161, 199-201 ; V. Loret, La flore pharaonique, 2e édit., in-8°, Paris, 1892, p. 28-24 ; Description de l’Égypte, t. iv, p. 68 sq. ; O. Celsius, Hierobotanicon, in-8°, Amsterdam, 1748, t. ii, p. 137152 ; Fr. Wönig, Die Pflanzen im Alten Aegypten, in-8°, Leipzig, 1886 ; p. 74-135.

E. Levesque.


PAPYRUS BIBLIQUES. La papyrologie est une science toute jeune, comptant à peine quelques dizaines d’années, mais elle possède déjà une bibliographie très considérable et elle a pris tant d’importance, par les services qu’elle a rendus et par ceux qu’elle promet de rendre encore, qu’il n’est plus permis au bibliste de la négliger. Après un exposé historique sommaire, nous donnerons une liste aussi complète que possible des papyrus bibliques récemment découverts et nous indiquerons les principaux résultats de l’étude des papyrus pour la connaissance du grec biblique et pour l’exégèse du Nouveau Testament.

I. Historique.

Extension géographique et chronologique du papyrus.

L’Égypte a connu l’usage du papyrus dès la plus haute antiquité. Nous possédons encore des papyrus qui datent du quatrième millénaire avant J.-C. Hors d’Égypte la diffusion en fut tardive. Hérodote, v, 58, nous apprend que les Ioniens de son temps appelaient διφτέραι les rouleaux de papyrus parce qu’autrefois ils se servaient pour écrire de peaux préparées. Au Ve siècle, le papyrus était encore rare et cher à Athènes. Cependant, à partir de cette époque, il devint d’un usage général dans tout le monde grec, puis dans l’empire romain. Le parchemin inventé par le roi de Pergame, Eumène (iiie siècle avant J.-C), ne lui fit pas d’abord une sérieuse concurrence. La Palestine seule fut longtemps fermée au papyrus, car la tradition voulait que les livres sacrés fussent exclusivement écrits sur des rouleaux de cuir. Il est douteux que le papyrus, comme matière à écrire, soit mentionné dans l’Ancien Testament. Le mot πάπυρος des Septante, Job, viii, 11 ; xl, 16 (21) ; Is., xix, 6, désigne la plante et répond à trois termes hébreux différents. Les mots χάρτης et χαρτίον, qui signifient proprement le papyrus préparé pour écrire, reviennent plusieurs fois dans un chapitre de Jérémie, xxxvi (xliii), où ils traduisent l’hébreu megillàh, mais les archéologues et les exégètes ne sont pas d’accord sur la matière de ce rouleau. Dans le Nou-