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PALESTINE


entraînant d’énormes fragments de roches qui, en s’entre-choquant, résonnaient comme le tonnerre. Dans un endroit où le torrent faisait ses sauts les plus furieux, un palmier, courbé par le vent, agitait étrangement ses branches ; on aurait dit le génie du lieu pleurant la dévastation de sa retraite favorite. » Cette description représente bien, avec le fracas des orages, la chute des torrents dans les ravins de la montagne. Voir Tonnerre.

A ces perturbations atmosphériques nous pouvons joindre les perturbations telluriques assez fréquentes dans la Palestine, qui, nous l’avons vii, est en partie volcanique. L’histoire a consigné un grand nombre de tremblements de terre qui ont atteint la Syrie et la région palestinienne. Pour nous borner à cette dernière contrée, signalons celui de l’an 31 av. J.-C, qui se fit sentir en Cœlé-Syrie, dans la vallée du Jourdain, dans la Judée ; ceux de 1201, 1204, 1212, 1339, 1402, 1546, 1666, 1759 après J.-C, qui ébranlèrent Alep, le lac de Tibériade, Safed, Damas, la Cœlé-Syrie, Saint Jean d’Acre. Un des plus terribles fut celui de 1837, qui détruisit une partie de la ville de Safed et ensevelit sous les débris de leurs demeures près de six mille habitants ; il étendit son action jusqu’à Tibériade, Jéricho et la mer Morte. De 1860 à 1882, Jérusalem en a ressenti douze : 22 avril et 24 septembre 1863, 24 mars 1864, 24 janvier, 19 février et 7 octobre 1868, 24 juin 1870, 29 juin 1873, 3 mars 1874, 15 février et 14 mars 1877, 31 décembre 1879. Il est à remarquer que, sur ce nombre, neuf ont eu lieu pendant la saison des pluies, c’est-à-dire : un en octobre, un en décembre, un en janvier, deux en février, trois en mars et un en avril ; quatre pendant la neige, presque tous par un vent d’ouest. On en a également signalé plusieurs en ces dernières années : le 29 juin 1896, Jérusalem, Khaïfa, Tibériade, Safed ; le 5 janvier 1900, Jérusalem, Khaïfa, Nazareth ; le 29-30 mars et le 19 décembre 1903, Gaza, Jaffa, Sarona, Latrûn, Jérusalem, Jéricho, Naplouse, Carmel, Nazareth. — Cf. Th. Chaplin, Observations on the climate of Jérusalem, dans le Pal. Expl. Fund, Quart. St., 1883, p. 11, 32, table vin ; M. Blanckenhorn, Ueber die letzten Erdbeben in Palàstina und die Erforschung etwaiger kïmftiger, dans la Zeitschrift des deut. Pal Ver., t. xxviii, 1905, p. 206-221 ; G. Arvanitakis, Essai d’une statistique des tremblements de terre en Palestine et en Syrie (communication à l’Institut égyptien au Caire, séance du 2 mars 1903).

3. Fertilité. — La Palestine est décrite dans la Bible comme un pays d’une extrême fertilité, comme « une terre bonne, riche en ruisseaux, en fontaines, en sources d’eaux qui jaillissent dans la plaine et la montagne ; une terre qui produit le blé, l’orge, la vigne, le figuier, le grenadier, l’huile et le miel ». Deut., viii, 7, 8. Et cependant le voyageur qui la parcourt de nos jours a l’impression d’une contrée dénudée, pierreuse, desséchée, dont la désolation actuelle, comparée à son antique richesse, semblerait presque un signe de malédiction. Disons tout de suite qu’on juge trop souvent le pays entier d’après certaines régions plus fréquemment visitées, comme la Judée, et d’après l’aspect qu’il présente dans certaines saisons, où, faute de pluie, la nature commence à mourir ou est déjà morte. Alors les plaines sont partout arides, les montagnes ne présentent aux rayons du soleil qui les brûle que les flancs nus et noircis de leurs roches calcaires. À part quelques vignobles et les bouquets d’arbres qui entourent les villages, rien, pas un brin d’herbe verte ne réjouit la vue. Mais viennent les pluies, et la campagne revêt sa plus brillante parure ; vallées et plateaux se couvrent d’une verdure émaillée de lys, de jacinthes, de tulipes, d’anémones, de renoncules et de mille autres fleurs ; lorsque la moisson se dessine et grandit, il y a encore de jolis coins en Palestine. Pour avoir une idée de l’ancienne

fertilité, il suffit de voir des plaines comme celles d’Esdrelon et du Haurân, certaines parties de la plaine côtière, des jardins comme ceux de Jaffa (fig. 538), même certaines vallées de la montagne. Partout où la main de l’homme remue le vieux sol, elle le ramène à sa première vigueur. Nous ne nions pas pour cela les changements qui se sont produits et que l’on constate actuellement dans l’antique terre d’Israël. Si elle a gardé foncièrement sa richesse, il n’en est pas moins vrai qu’elle est loin d’avoir aujourd’hui l’éclat d’autrefois et qu’elle n’a que trop l’air d’un pays désolé.

Quelles sont les causes de cette décadence ? Les uns l’attribuent à un changement de climat, et principalement à la diminution des pluies, amenée par le déboisement du pays, d’où, par voie de conséquence, l’appauvrissement de l’humus. Cf. E. Hull, Meinoir on the Geology and Geograpky of Arabia Petrsea, Palestine, p. 123-127 ; O. Fraas, Aus dem Orient, p. 196 sq. D’autres pensent que rien n’a changé essentiellement dans la Palestine, sinon les conditions politiques et économiques, qui ont diminué la maitf-d’œuvre et favorisé l’abandon de la culture. Cf. C. R. Conder, Tent Work in Palestine, Londres, 1889, p. 364-374 ; Ankel, Grundxûge der Landesnatur des Westjordanlandes, Frankfurt-a.-M., 1887, p. 117. Voyons ce qu’il en est réellement, en comparant l’état ancien et l’état actuel du pays. Ne convient-il point d’abord de ramener à ses justes proportions l’enthousiasme des Hébreux pour la Terre après laquelle ils avaient si longtemps soupiré ? Au sortir du désert, dans lequel ils avaient enduré bien des privations, elle devait, en effet, leur paraître un jardin de délices. Mais, à côté des endroits fertiles, champs, vallées, pâturages, n’y avait-il pas, comme aujourd’hui, « une terre aride, stérile et sans eau, » Ps. lxii (lxiii), 2, en un mot le « désert » ? La région désolée où David mena sa vie errante, le désert de Juda, était-il bien différent de la contrée actuelle, c’est-à-dire le versant oriental de la montagne judéenne, en face de la mer Morte ? Nous ne le croyons pas. Le Négéb n’était-il pas « le [pays] desséché » ? Sans doute le « désert » n’était pas ce que le terme français représente ordinairement à notre imagination, une sorte de Sahara, et le « steppe j> ou la « lande » auxquels’il répond plutôt ont pu perdre encore, depuis les temps anciens, de leur maigre végétation. Voir Désert, t. H, col. 1387. Mais ce n’est là qu’une question de degrés. Sans doute aussi le Négéb, à en juger d’après les ruines qu’on y rencontre, eut autrefois des centres importants, avec des champs cultivés et des vignes dont les terrasses se remarquent encore sur les pentes des montagnes. Mais l’état actuel provient de l’abandon dans lequel a été laissé le district, qui ne fut jamais, du reste, qu’un pays de transition entre les solitudes sinaïtiques et les riches contrées de Chanaan. Voir Négeb, col. 1557. Cette dernière cause, l’abandon, peut s’appliquer aux changements survenus dans les différentes parties du territoire.

Est-il nécessaire de recourir au déboisement pour résoudre la question ? Nous ne nions pas l’influence des arbres et des forêts sur l’humidité favorable à la fécondité de la terre. Sans parler de la vapeur d’eau qui se dégage de leurs masses, il est certain que la pluie, en tombant d’abord sur la voûte de feuillage, descend moins précipitamment sur le sol, et le pénètre doucement, au lieu de le raviner, comme lorsqu’elle le frappe directement par les grandes averses. Ensuite, les feuilles dont l’automne jonche la terre, mouillées par les pluies de l’hiver et du printemps, forment, en se décomposant, une nouvelle couche d’humus ou engraissent les couches anciennes. Mais les forêts étaient-elles donc si nombreuses autrefois en Palestine ? Tout ce que nous pouvons dire, c’est que la Bible en cite très peu ; à part les forêts de chênes de Basan, Is., ii,