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LÈPRE


le malade ne présente d’autres symptômes lépreux nue la défiguration ou la déformation des extrémités, produites par des accès antérieurs. Bien que ces arrêts ne constituent jamais des guérisons radicales, ils rendent le commerce habituel des lépreux absolument inoffensif. On comprend donc que le législateur hébreux les ait traités pratiquement comme des guérisons. Il constate que la plaie (néga’), c’est-à-dire la chair à vif, n’est plus visible et qu’une couleur uniforme de la peau a succédé à la couleur sanguinolente formant tache sur une surface blanchâtre. Cette constatation lui suffit pour être assuré que le mal n’a plus son activité contagieuse et que le malade peut impunément rentrer dans la compagnie de ses semblables. Il eût été souverainement dur et inutile de séquestrer le lépreux, même pendant la période inoffensive de son mal. Il restait d’ailleurs à celui-ci l’obligation de se représenter devant les prêtres, dès que les symptômes dangereux reparaissaient.

2. La purification. — Quand le prêtre avait constaté l’état satisfaisant du lépreux, il procédait à sa purification légale, qui était assez compliquée. Elle comprenait une aspersion symbolique, des précautions hygiéniques et un sacrifice. La lèpre était considérée comme une sorte de mort, qui excluait le malade de la vie civile et de la vie religieuse. Il était donc naturel que le rite de purification symbolisât le retour à cette double vie. Voilà pourquoi la première partie de la purification s’accomplit « hors du camp », et l’autre « devant Jéhovah », àl’entrée du tabernacle. Lev., xiv, 3, 11. — a) Aspersion. Le prêtre, s’étant transporté hors du camp ou de la ville, fait prendre deux petits oiseaux (sipôrîm, ôpvc’Oia, passeres ) parmi ceux qui sont purs, un morceau de bois de Cèdre, un lien cramoisi et de l’hysope. Il immole un des oiseaux au-dessus d’un vase rempli d’eau vive, de manière que le sang se mêle à cette eau. Ensuite il trempe l’oiseau vivant et les trois autres objets dans ce mélange, en asperge sept fo^s le lépreux et rend la liberté à l’oiseau vivant. Le prêtre n’agit pas ici comme sacrificateur, mais comme représentant de la société civile, et l’immolation de l’oiseau n’est pas un sacrifice, puisqu’elle n’est pas faite devant ! e tabernacle. Mais ce sang, cette eau vive, ce bois de cèdre, ce cramoisi et cet hysope sont des symboles de vie et de pureté. Voir Couleurs, t. ii, col. 1070 ; Hysope, t. iii, col. 796. L’oiseau trempé dans le mélange de sang pur et d’eau vive figure le lépreux purifié et rendu à la liberté, — b) Précautions hygiéniques. Aprèscette aspersion, le lépreux lave ses vêtements, rase ses poils et prend un bain. Il peut dès lors rentrer dans le camp ou dans la ville, mais ne doit pénétrer dans sa demeure que le huitième jour. Là veille, c’est-à-dire le septième jour, il a dû renouveler les précautions prises le premier jour. Le but de ces purifications physiques se comprend de lui-même ; les moindres traces du mal devaient disparaître. Cf. Hérodote, ii, 37. ïl est à remarquer, dans le poème de Gilgamès, que le héros atteint de la lèpre a aussi à se laver dans l’eau de la mer et à changer sa bandelette et son pagne, Haupt, Dos babylonische Nimrodepos, Leipzig, 1884, p. 146. — c) Le sacrifice. Il a pour but de réintégrer le lépreux dans la société religieuse. Le huitième jour, le lépreux guéri se présente au prêtre devant le sanctuaire avec deux agneaux, une brebis d’un an, trois dixièmes d’éphi de ileur de farine pétrie à l’huile, et un log d’huile. Le prêtre immole un des agneaux pour le délit et l’offre avec le log d’huile. Puis il met du sang de cette victime au lobe de l’oreille droite, au pouce de la main droite et à l’orteil du pied droit du lépreux. Ayant versé l’huile dans sa main gauche, il en prend de sa main droite, fait sept aspersions devant le Seigneur et met de cette huile aux trois endroits où il a déjà mis du sang sur le corps du lépreux ; il lui verse ensuite le reste de l’huile sur la tête. Enfin, il offre la brebis eu sacrifice pour le péché et l’autre agneau en holocauste. — Si celui qui

est purifié est trop pauvre pour se procurer tout ce qui est prescrit, il ne présente qu’un seul agneau pour le délit, un seul dixième d’éphi de fleur de farine, le log d’huile, et deux touterelles ou deux pigeons à la place delà brebis et dû second agneau. Les mêmes cérémonies sont d’ailleurs accomplies avec ces victimes plus modestes. Lev., xiv, 1-32. — Ces onctions de sang et d’huile indiquent à la fois la purification du lépreux et une sorte de consécration par laquelle lui est rendu le droit d’entendre les paroles de la loi divine, de prendre part aux choses saintes et de venir au sanctuaire du Seigneur. Les sacrifices pour le délit, pour le péché, et l’holocauste sont l’exercice même du droit rendu au lépreux de se servir des moyens communs pour implorer la miséricorde de Dieu et lui rendre ses hommages. Cf. Bâhr, Symbolik des mosaischen Cultus, Heidelberg, 1839, t. H, p. 512-522, et, dans la Mischna, le traité Negaim, vi, 3. Dans le temple d’Hérode, les cérémonies de la purification des lépreux s’accomplissaient dans la cour ou chambre des Lépreux, située à l’angle sud-ouest du parvis des femmes. Cf. Ezech., xlvi, 22 ; Negaim, xiv, 8. III. Les lépreux de la Bible. — Quand les Hébreux sortirent d’Egypte, il y avait certainement parmi eux un certain nombre de lépreux, victimes du mal contracté dans le pays de Gessén et surtout au contact des Égyptiens, pendant les derniers temps de leur séjour. Les durs travaux, la misère et la promiscuité auxquels les condamnèrent alors leurs persécuteurs les placèrent dans les conditions les plus défavorables pour se préserver de la contagion. Ils emportèrent la lèpre avec eux. Dès le séjour au désert, Moïse dut prendre des mesures pour circonscrire le domaine du mal, par un examen rigoureux des premiers signes de la lèpre, et par la séquestration hors du camp de ceux qui étaient atteints. Lev., xiii, 45-46. Le mal resta endémique dans la nation. Il n’est pas inutile de remarquer que les Hébreux, après avoir regretté les poissons d’Egypte, Num., xi, 5, mangèrent beaucoup de poissons venant de la mer, II Esd., xiii, 16, ou du lac de Genésareth, Matth., vu, 10 ; xiv, 17 ; xv, 36 ; Marc, vi, 38 ; Luc, ix, 13 ; xr, 11 ; Joa., vi, 9 ; xxi, 6, etc., surtout après la captivité. Il y avait une porte des Poissons à Jérusalem. II Par., xxxiii, 14 ; II Esd., iii, 3 ; xii, 38. Les poissons salés ou desséchés servaient souvent d’aliment au peuple. Or ce genre de nourriture est particulièrement favorable au développement de la lèpre. — Un certain nombre de lépreux sont signalés dans la Bible. — 1° Au désert même, Marie, sœur de Moïse, et Aaron tinrent des propos irrespectueux contre leur frère, à cause de sa femme, Séphora, qu’ils traitaient d’étrangère, et surtout de l’autorité suprême dont il était revêtu. Pour punir Marie, Dieu la frappa de la lèpre et elle devint subitement « blanche comme la neige ». Aaron, qui avait été épargné à raison de son sacerdoce, s’humilia devant Moïse et celui-ci se hâta d’intercéder auprès du Seigneur, qui se laissa fléchir. Sur l’ordre de Dieu, Marie fut séquestrée pendant sept jours hors du camp ; elle rentra ensuite auprès des siens sans autre formalité, Dieu levant lui-même le châtiment dont il l’avait frappée. Num., xii, 1-15 ; Exod., iv, 6. — 2° David, justement irrité contre Joab, à cause du meurtre d’Abner, appela sur sa maison plusieurs malédictions terribles, entre autres la lèpre. II Reg., iii, 29. — 3° Quand Naaman, chef de l’armée de Syrie, fut atteint de la lèpre, il n’avait naturellement aucun espoir de guérison. Une esclave israélite lui parla du prophète Elisée comme opérant des merveilles et capable de le guérir. Le roi de Syrie envoya donc Naaman à Joram, roi d’Israël, pour le faire guérir. Joram fut épouvanté de cette requête et s’écria : « Suis-je donc Dieu, ayant pouvoir de mort et de vie, pour qu’on m’envoie un homme à guérir de la lèpre ? » Le roi regardait évidemment la lèpre comme une maladie pour laquelle l’homme n’a point