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KIR MOAB

1900

avec la Charaka du Targum ou Kir Moab est, comme nous l’avons dit, loin d’être certaine. Voir ChàraCA., t. ii, col. 577. Moins douteuse, pour ne pas dire indubitable, est l’identité de cette dernière avec la ville appelée par les Grecs, et plus tard par les Byzantins, Characmoba, XapaxpÂtôa ou XapaY[ « .<56a, [Xapa]ax|icûëa dans la carte mosaïque de Madaba (Ad. Schulten, Die Mosàikkarle von Madaba, in-4°, Berlin, 1900, n. 85, p. 24), et quelquefois, selon Etienne de Byzance, M<j)6wjcàpa ?. C’est, semble-t-il, le sentiment de Théodoret commentant Is., xv, l, t. lxxxi, col. 340. Après avoir nommé les Moabites, il ajoute : « Ils avaient autrefois pour métropole la ville appelée maintenant Charachmoba. » Outre l’identité essentielle du nom, nous retrouvons, en effet, dans Characmoba, les caractères topographiques implicitement attribués par la Bible à Kir Moab. Quant à Characmoba, cette ville est certainement identique au Crac des Croisés, le Kêrak des Arabes d’aujourd’hui (fig. 318-319). Characmoba, d’après Ptolémée, Géographie, v, 17, faisait partie de l’Arabie Pétrée. Sa longitude et sa latitude sont 66 1/6 et 30, c’est-à-dire qu’elle est à l’est de la mer Morte et entre Rabbath Moab et Pétra. Etienne de Byzance, De urbibus, Bâle, 1568, col. 91, et d’autres documents la classent dans la 3e Palestine dont l’Arabie Pétrée et la Moabitide faisaient partie. Ct. Reland, Pa-Ixstina, Utrecht, 1714, p. 215, 217, 463, 705. La carte mosaïque de Madaba nous la montre sur une montagne escarpée, aux trois quarts de la longueur de la mer Morte, à une certaine distance à l’est, entre deux fleuves dont les inscriptions ont disparu mais qui doivent représenter celui au nord qui est plus éloigné, la rivière d’Arnon, et celui au sud, la rivière de Zared. Le Crac des Croisés, souvent appelé par eux Petra deserti, à cause de ses conditions géographiques et parce qu’ils la confondirent avec la célèbre Pétra, est indiqué « sur une montagne très élevée, entourée de vallées profondes, au sommet de laquelle on ne pouvait atteindre que par deux entrées ». Guillaume de Tyr, Historien, rerum transmarin. , t. XXII, c. xxviii, t. cci, col. 885. Sur les cartes des XIe, xii « et xme siècles il est placé à l’est de la mer Morte et en face du Lisân. Voir la Carte de la Terre Sainte du xin’siècle, publiée par Bongars à la suite des Gesta Dei per Francos, Hanau, 1611, et les diverses cartes du xi’-xiiie siècle publiées par Rohricht, dans la Zeitschrift des deutschen Patàstina Vereins, t. xiv, 1891, pl. i, v et vi, etc. « El Kérak est une forteresse extraordinairement défendue à l’extrémité de la Syrie et de la province de Belqa’dans les montagnes, sur un rocher élevé et toute entourée de vallées, à l’exception d’un point sous la ville. Elle est entre Jérusalem et Aila, sur la mer Rouge (le golfe d’Aqaba), » dit l’écrivain arabe Yaqout, Dictionnaire géographique, édit. Wustenfeld, Leipzig, 1866, t. iv, p. 262. Ct. El-Maràsid, édit. Yunboll, Leyde, 1859, t. ii, p. 490. « El-Kérak est une célèbre place avec un château élevé ; c’est une des plus puissantes forteresses de toute la Syrie. Il est à une journée do marche de Mûtâh, sur la frontière de la Syrie et du Hedjaz. Il y a trois journées de marche entre El-Kérak et Saubak, » ajoute Abu’1-Féda, Géographie, édit. Reinaud et de Slane, Paris, 1840, p. 247. « C’est une forteresse imprenable, sur un sommet élevé, entouré de fossés et de vallées profondés, » dit de son côté Dimisqy, Géographie, édit. Mehren, Saint-Pétersbourg, 1866, p. 213. On entrait dans la ville par deux tunnels creusés dans le roc vif, d’après le récit de voyage d’Ibn Batoutah, édit. de la Société asiatique, Paris, 1853, p. 255. « C’est dans cette forteresse, ajoute cet écrivain, que les rois cherchent un refuge dans la détresse. » Toutes ces descriptions et indications s’appliquent exactement à Kérak actuel et ne laissent aucun doute sur son identité avec le Kérak des géographes arabes, le Crac ou la Pierre du Désert des Croisés, la Characmoba des Grecs et des Romains, la Karaka des Juifs et

le Kir Moab de la Bible : tous les géographes et palestinologues modernes s’accordent à le reconnaître. Voir entre autres Jos. Schwarz, Tebuoth ha-Arez, edit. Luncz, Jérusalem, 1900, p. 254-255 ; De Saulcy, Dictionnaire abrégé de la Terre Sainte, Paris, 1877, p. 203-204 ; Riess, Biblische Géographie, Fribourg-en-Brisgau, 1872, p. 56 ; Id., £ibel-Atlas, 1882, p. 17 ; Armstrong, Names and Places in the Old Testament, in-8°, Londres, 1887, p. 108.

III. Description.

Le Kérak, situé à l’est de la mer Morte et un peu au-dessous de l’extrémité méridionale du promontoire appelé le Lisân, est à 4 kilomètres de cette mer, en ligne directe, à 30 kilomètres au sud de Vouâdi Môdjéb, l’ancien Arnon, à 10 kilomètres également au sud de Rabba, jadis Rabbafh-Moab, à 12 kilomètres au nord du village d’el-Muléh et à 22 kilomètres de Vouâd’el-Hasêh, considérée comme l’ancienne vallée de Zared. À la différence des villes qui, étant tombées sous la main des Turcs, sont aujourd’hui plus ou moins en ruines et détruites, le Kérak est assez bien conservé (fig. 320). Assis sur son piton conique formé de roche calcaire striée de silex brun, complètement isolé, à environ 1000 mètres d’altitude au-dessus du niveau de la Méditerranée, de 1400 au-dessus de la mer Morte et de plus de 200 au-dessus de la profondeur des vallées dont la nature l’a entouré comme d’un immense tossé, il ressemble à un gigantesque nid d’aigle établi là pour défier les efforts des conquérants et des armées. La montagne était jadis reliée, du côté du sud, par un col étroit, à celles qui l’entourent ; une profonde tranchée, pratiquée pour achever l’œuvre de la nature, l’en a depuis longtemps séparé. Le plateau incliné vers l’est sur lequel est bâtie la ville affecte la forme d’un triangle dont la base regarde l’occident et dont la longueur des côtés est d’environ 700 mètres. Dans l’angle sud-ouest, sur une éminence séparée elle-même du reste de la ville par un-large fossé, se dresse le château dominant toute la cité. La muraille, ruinée sur plusieurs points, était crénelée et percée de meurtrières. Elle est flanquée de cinq grosses tours, dont quatre carrées et une semi-circulaire. L’ensemble de ces constructions paraît l’œuvre des Croisés. En quelques parties établies sur des assises plus anciennes, elles ont été remaniées ou restaurées par les Arabes et les Turcs. Ces restaurations ont permis au sultan mameluk Bibars de s’en attribuer la fondation dans des inscriptions placées en divers endroits. L’inscription de la tour du nord-ouest est accostée de deux lions rampants. On parvient à la ville par un chemin rocheux, souvent taillé en escalier et à peine’large d’un mètre, se développant en lacets sur le flanc septentrional de la montagne. Jusqu’à ces dernières années, on pénétrait dans la ville par deux tunnels taillés dans le roc vif à la base des remparts. Le tunnel du nord-ouest, long de 60 mètres environ et large de 5 à 6 mètres, est éclairé par une ouverture pratiquée dans la voûte taillée en plein cintre. Il a été transformé en magasin pour l’usage des établissements du gouvernement. Le tunnel de l’est a été en partie détruit et en partie rempli de décombres, On entre maintenant dans la ville par une large brèche ouverte du côté du nord. Bien qu’en partie démantelé et malgré les transformations grossières opérées pour en taire une caserne pour la garnison turque, cet immense château, avec ses fossés creusés dans le roc, ses hauts glacis, ses grands escaliers, ses longs corridors, ses salles voûtées immenses, son église où l’on voit des restes de fresques, ses casemates, ses magasins, ses grands réservoirs, ses citernes multiples, demeure encore magnifique dans son ensemble et l’une des constructions militaires des plus vastes et des plus curieuses. Les habitations de la ville sont généralement bâties en pisé, avec une terrasse plate, qui repose sur un ou deux arceaux. Les seules constructions faites