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GÉNÉSARETH (TERRE DE)


Kinnerot [et se répandit] sur toute la terre de Nephthali ; » il semble faire de Cennéroth une partie seulement de Nephthali. Ces données ne permettent pas d’assigner des limites certaines à la terre de Cennéroth ou de Génésareth ; mais il est naturel de penser que l’on désignait par ces noms toute la région à partir du Jourdain, bordant le côté occidental du lac de -Tibériade. À l’ouest la limite même de Nephthali et de Zabulon paraît avoir été sa limite ; elle poivrait s’avancer, au nord, jusqu'à la plaine du Hûléh et aux montagnes de Safed.

III. Description.

La terre de Génésareth est une Tégion en pente, bordant en amphithéâtre, au nord et à l’ouest, le gracieux lac de Tibériade. Voir t. ii, fig. 64, col. 203. Les ravins, creusés par les eaux, descendant des plateaux ou des hauteurs supérieures vers le profond affaissement occupé par le lac, ont formé de cette région une suite de collines, séparées au milieu par la large ouverture qui est la plaine du Ghoûeir. Au nord, les collines, composées de terres fertiles mêlées de pierres basaltiques, s’abaissent doucement vers le lac, offrant de vastes espaces propres à la culture. À l’ouest, la berge s'élève brusquement et offre l’aspect de montagnes aux flancs escarpés et rocheux, laissant toutefois ça et là entre leur base et le lac une assez large lisière. Tout ce pays était jadis couvert de luxuriantes plantations d’arbres de toute espèce ; mais la plaine dont nous avons parlé en était comme le joyau et semblait justifier l’interprétation de « Jardin des princes », que l’on donnait de son nom. Josèphe, ïoc. cit., en fait la plus brillante description. « Sur le bord du lac de Gennésar, dit-il, s'étend une région du même nom, non moins admirable par sa nature que par sa beauté. Dans son sol fécond prospèrent toutes les sortes d’arbres qu’y plantent ses habitants. Son heureux climat est favorable à toutes les espèces de fruits : les noyers qui demandent une température froide y croissent en grande quantité ; de même les palmiers qui ont besoin de la chaleur. À côté d’eux grandissent les figuiers et les oliviers qui aiment un air tempéré. On peut dire que la nature y a concentré tous ses efforts pour faire croître les produits les plus opposés et pour donner en même temps les fruits des diverses saisons de l’année. Non seulement elle produit les fruits les plus rares que l’on ne croirait pas pouvoir y trouver, mais elle les garde au delà de toute attente ; ainsi les meilleurs de tous les fruits, les raisins et les figues y mûrissent pendant dix mois et les autres fruits y viennent en même temps foute l’année. Outre ces avantages du climat, cette région est encore arrosée par une source d’une très grande abondance, appelée Capharnaum par les gens du pays. Quelques-uns la croient une veine du Nil parce qu’elle donne naissance à un poisson semblable au coracinos qui se trouve dans le lac d’Alexandrie. » Toute la terre de Génésareth était ainsi un immense jardin du milieu de la verdure duquel émergeaient, lui formant comme un diadème d’honneur, d’innombrables cités et bourgades, avec des synagogues monumentales. L’histoire nomme Capharnaum, Corozaïn, Magdala, Arbèle, Tibériade et ses bains d’eaux "thermales, Sennahris, probablement l’antique Cénéreth, €t Tarichée sa voisine.

Toute cette splendeur a cessé. Seule Tibériade, environnée, dans un espace réduit aux trois quarts, de remparts à demi ruinés, est encore debout, et quelques mauvaises huttes délaissées sur les ruines de Magdala et habitées par des fugitifs égyptiens ont une apparence de village ; c’est à peine si quelques monceaux de pierres perdus dans les épines et les chardons permettent de constater l’existence passée des autres villes €t bourgades. Les noyers et les oliviers ont complètement disparu et les vignes ne couvrent plus les coteaux. Un palmier à Mejdel, trois ou quatre à Tibériade, quelques jeunes palmes poussant en touffes autour d’un vieux tronc brisé, au Ghoûeir et à Tabigha, deux ou trois

figuiers devenus sauvages sont les rares témoins qui restent de la prospérité passée de la contrée. Des fourrés de séders, du milieu desquels la tourterelle solitaire fait entendre ses roucoulements plaintifs, ont remplacé les riants jardins. Dans cet abandon, la nature est toujours belle et riche. Le climat très chaud aux mois de juillet, août et septembre, y est le reste de l’année d’une grande douceur. À la saison des pluies, quand les grandes herbes et les fleurs éclatantes couvrent la contrée comme un immense tapis, le paysage pourrait encore rivaliser avec les plus vantés des autres pays. En tout temps, le ciel y est généralement d’une limpidité brillante, et les montagnes d’hyacinthe et les horizons empourprés se reflétant le soir dans les flots tranquilles du lac, défient le pinceau du peintre le plus habile d’oser tenter d’en transporter les couleurs sur la toile. Les champs de doura et de concombres que les paysans des montagnes voisines s’ouvrent quelquefois au milieu des broussailles de la plaine, les jardins de l'établissement d’et-Tabigha, nouvellement créés et plantés de bananiers, d’orangers, de citroniers, de poiriers, de pruniers, de pommiers et de toutes les espèces d’arbres de la contrée et d’ailleurs, par leurs produits précoces, continus et abondants, témoignent que la terre de Génésareth est toujours prête à combler de ses biens ceux qui voudront la travailler et utiliser les eaux dont l’a gratifiée la nature.

Les eaux des monts environnants sont amenées au Ghoûeir par trois grandes vallées : l’ouadi el 'Amûd qui descend de Meirori et de Safed, l’ouadi er-Rdbadiéh qui vient du nord-ouest et l’ouadi eX-Hamâm, dont le rochers à pic recèlent les célèbres cavernes d' Arbèle et qui arrive de ffaffin, à l’ouest. Deux grandes fontaines ont leur origine dans le Ghoûeir même : l’une, appelée 'Aïn-Medaûarah, ou la « fontaine ronde », parce que ses eaux sont recueillies dans un bassin circulaire de vingt-six mètres de diamètre et de deux de profondeur, sourd, non loin de Medjdel, à l’extrémité sud-ouest de la plaine qu’elle arrose sur une longueur d’un kilomètre. Dans ses eaux tièdes et limpides, se jouent une multitude de petits poissons. Parmi eux, Tristram, de Saulcy et d’autres voyageurs ont cru reconnaître le korakinos et sont demeurés persuadés que c’est là la « fontaine Capharnaum » de Josèphe. Cf. de Saulcy, Voyage autour, de la mer Morte, in-8°, Paris, 1858, t. i, p. 489-492.

Robinson, Sepp et quelques autres la voient dans la secondé fontaine, 'Aïn et-Tînéh, la « fontaine du figuier », ainsi nommée d’un figuier qui l’ombrageait. Elle prend naissance au nord-est, à l’autre extrémité du Ghoûeir, à cent cinquante mètres du lac, au pied du Djebel 'Oreiméh, colline peu élevée au sommet de laquelle sont les ruines d’une petite forteresse et qui sépare le Ghoûeir de la plaine d’et-Tabigha ; ses eaux vont se perdre aussitôt dans un petit marais formé par elles. La plus grande abondance d’eau de la région provient de 'Aïn et-Tabigha, la « fontaine » ou plutôt « les fontaines d’et-Tabigha », car il y en a plusieurs. Elles s'échappent du pied de la colline qui ferme à l’est la petite plaine du même nom. Deux d’entre elles sont captées dans des tannûrs, ou tours rondes, à dessein d’en élever le niveau. Plusieurs, dont il n’est pas possible aujourd’hui de déterminer le nombre, sortent en bouillonnant de dessous des monceaux de décombres, restes d’anciennes constructions et d’anciens moulins. Une autre, la plus forte de toutes, ce semble, jaillit dans un grand bassin octogonal de quatre-vingts mètres de pourtour et dix de profondeur. Dans ses eaux, au milieu d’autres petits poissons, se trouve aussi celui qui est regardé comme le korakinos. Un canal, en partie ruiné, part du tannûr le plus rapproché du grand bassin, contourne, du côté du nord, toute la plaine de Tabigha, les flancs du 'Oreiméh, la partie la plus élevée du Ghoûeir et va disparaître, après un parcours d’environ trois ki-