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JUSTIFICATION


foi, s’il n’a pas les œuvres ? La foi pourra-t-elle le sauver ? … De même que le corps sans l’esprit est mort, ainsi la toi sans les œuvres est morte. « Mais ici les œuvres qu’il faut ajouter à la toi, pour la rendre capable de justifier et de sauver, ne sont pas les œuvres dont saint Paul a proclamé l’inutilité, les œuvres spécialement commandées aux Juifs par la loi mosaïque, comme la circoncision, les diverses observances rituelles, etc. Ce sont les œuvres de la loi morale, antérieure à la loi mosaïque et indépendante d’elle. Saint Jacques emprunte lui aussi son exemple à Abraham : le patriarche a été justifié par une œuvre d’obéissance qui a complété et vivifié sa foi, le sacrifice de son fils Isaac ; saint Paul attribuait la justification à la foi d’Abraham indépendamment de la circoncision, mais n’excluait nullement les œuvres morales. Saint Jacques apporte deux autres exemples, l’un positif : Rahab justifiée par les services rendus aux envoyés de Josué, l’autre négatif : le riche qui ne donne rien au pauvre que d’inutiles et dérisoires conseils. L’Apôtre, qui avait sans doute en face de lui des partisans de la justification par la toi seule, leur adresse cette observation qui résume tout : « Montre-moi ta foi sans les œuvres, et moi je te montrerai ma foi par les œuvres, » ce qui revient à dire que la foi qui n’agit pas ne peut se montrer ni exister à l’état vivant, tandis que les œuvres prouvent d’elles-mêmes la foi dont elles procèdent, comme l’arbre manifeste et utilise sa sève de vie en produisant ses fruits. Cf. Dollinger, Le christianisme

et l’Église, ’trad. Bayle, Tournai, 1863, p. 245-282. Saint Paul avait incontestablement la même idée que saint Jacques. Si sa conviction eût été que la loi justifie sans les œuvres morales, pourquoi, sans parler de ses autres Épitres, aurait-il terminé son Épitre aux Romains, xii, 1-xv, 13, par tant de recommandations sur la charité, le zèle, la patience, l’hospitalité, le pardon des injures, l’obéissance, la pureté, la tolérance, etc. ? A quoi bon ces exhortations, si la foi suffit à elle seule ?

— 5° En réalité, l’enseignement des deux apôtres procède de celui de NotreSeigneur qui a réclamé la foi de ses disciples, Joa., vi, 29, mais qui leur a en même temps prescrit les œuvres. Matth., v, 16 ; Joa., xv, 2. Les deux sont nécessaires à la justification et au salut. « Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé, » Marc, xvi, 16, non cependant sans les œuvres, car, au dernier jour, Dieu « rendra à chacun selon ses œuvres ». Matth., xvi, 27 ; xxv, 35-45. C’est pourquoi Jésus-Christ dit un jour aux Juits : « Le royaume de Dieu vous sera enlevé et sera donné à une nation qui en rendra les fruits. » Matth., xxi, 43. — Saint Jean à son tour trouva en face de lui ceux qui persistaient à promettre la justification et le salut par la foi seule, qu’ils entendaient à leur façon et appelaient alors la « gnose ». Aussi insiste-t-il sur ce principe que, pour être juste, pour être né de Dieu, il faut « pratiquer la justice », I Joa., ii, 29 ; iii, 7, 10, c’est-à-dire croire et agir conformément à sa loi.

H. Lesètre,