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JUSTIFICATION


JUSTIFICATION, acte qui a pour but de proclamer la justice de quelqu’un, ou pour effet de la produire en lui. — Ce mot est employé assez fréquemment par la Vulgate, à défaut d’autre terme, pour désigner les préceptes divins : miSpâtim, <nJY x P l<rl ?i « rûv-a^t ;, xpe’jiaTa, icpoorâ-j’fi.aTa, justificationes, Num., rx, 3, 14 ; II Par., XIX, 10 ; xxxiv, 31 ; huqqôf, SixattiptaTa, justificationes, Ps. cv (civ), 45 ; IMach., 1, 51 ; ii, 40 ; Luc, i, 6 ; Hebr., ix, 1 ; dans le Psaume cxix (cxviii), cette expression revient jusqu'à vingt-neut fois pour traduire huqqôt, les lois de Dieu. Dans Daniel, ix, 18, justifialio traduit sedâqâh, Sixaiooiivri, « justice. » Mais l’emploi par la Vulgate de ce mot, qui appartient à la basse latinité, n’a été lait dans les sens précédents, que pour rendre des synonymes hébreux ou grecs dont le latin ne possède pas une variété suffisante.

I. Proclamation de la justice.

L’hébreu emploie ordinairement l’hiphil : hisdiq, SixatoOi/, 5uohSxtoh, justificare, pour dire que l’on « rend juste » celui dont on proclame la justice ; on le déclare juste, à tort ou à raison, et on fait en sorte qu’il soit tenu pour tel. La justice dont il s’agit alors est tantôt la simple équité et tantôt la pratique générale du bien. Ps. lxxxii (lxxxi), 3 ; Is., xlv, 26 ; l, 8 ; Eccli., i, 28 ; v, 18 ; xxiii, 14 ; xxvi, 28 ; xxxi, 5 ; etc. — 1° Dieu est toujours « justifié », c’est-à-dire trouvé juste et équitable dans sa conduite à l'égard des hommes. Job, xl, 3 ; Ps. li (l), 6 ; Eccli., xviii, 1 ; Bar., il, 17. La sagesse que prêche le Sauveur est justifiée par ses disciples, Matth., xi, 19 ; Luc, vii, 35, et le Sauveur lui-même a été justifié, c’est-à-dire accrédité dans sa mission divine auprès des hommes par l’Esprit. I T4m., iii, 16. — 2° En l’ace de Dieu, l’homme n’est jamais justifié, parce que, laible et pécheur, il mérite toujours quelque reproche. Job, iv, 17 ; ix, 2, 20 ; xi, 2 ; xxv, 4 ; xxxiii, 12 ; Ps. cxlih (cxlii), 2 ; Eccli., vii, 5 ; Rom., ii, 20. — 3° Dieu justifie le juste, c’est-à-dire reconnaît et proclame sa justice, tandis qu’il condamne l’impie, III Reg., viii, 32 ; l’homme fait parfois le contraire, ce qui est une chose abominable. Prov., xvii, 15 ; Eccli., xiii, 26 ; xiii, 2 ; Is., v, 23. — 4° Se justifier, c’est montrer qu’on est juste. Job, xxvii, 6 ; Is., xliii, 9, 26. — 5° La justification peut être quelquefois apparente ou trompeuse. Jérusalem justifie Sodome et Samarie, parce que les crimes de ces deux villes ne sont rien à côté des siens. Ezech., xvi, 51, 52. Les pharisiens se justifient eux-mêmes, c’est-à-dire qu’ils cherchent hypocritement à se faire passer pour justes en se donnant les apparences de la vertu. Luc, x, 29 ; xvi, 15.

II. Production de la justice.

Les deux verbes hisdiq et Ssxatoûv veulent encore dire « rendre juste », produire en quelqu’un la justice. Cf. Buhl, Gesenius' Handwôrterbuch, Leipzig, 1899, p. 694 ; Bailly-Egger, Dict. grec-français, Paris, 1895, p. 510. — 1° On se rend juste soi-même en pratiquant la vertu. Sap., vi, 11 ; Eccli., 1, 18 ; XVIII, 22. Rendre juste son cœur, 81x « (o0v, justificare, c’est le purifier, comme le marque clairement le verbe zâkah, employé en hébreu. Ps. lxxiii (lxxii), 13. Il y a donc là une production intérieure et réelle de la justice. On se justifie, c’est-à-dire on est juste devant Dieu, si l’on évite les paroles inutiles. Matth., xii, 37. Le publicain s’est justifié, s’est mis in-térieurement en état de justice par son humilité et son Tepentir. Luc, xviii, 14. Celui qui est juste doit continuer à se justifier, à pratiquer la justice, 8txato<n5vï)v -rcododâ™ STt, justificetur adhuc. Apoc, xxii, 11. — 2° On rend justes les autres en leur faisant pratiquer le bien et en les mettant ainsi en état de plaire à Dieu. ï Ceux qui rendent justes un grand nombre d’hommes, masdiqê hâ-rabbîm, brilleront comme les étoiles. » Dan., xii, 3. La traduction grecque ne rend pas le sens : àxb tùv Sixoci’wv tûv 7roM.<5v, et la Vulgate l’affaiblit : qui ad justitiam erudiunt multos. — Après avoir fait la

description des souffrances du Messie, Isaïe ajoute : « Par sa science mon serviteur juste justifiera (yasdîq, 8exai(0(rai, justificabit) beaucoup d’hommes, et il se chargera de leurs iniquités. » Is., lui, 11. Le prophète montre le Messie souffrant comme « blessé pour nos péchés…, frappé pour l’iniquité de nous tous ». Ce Messie nous donne la paix par le châtiment qui tombe sur lui, il nous guérit par ses meurtrissures, il livre sa vie en sacrifice pour le péché. C’est donc un Messie qui prend sur lui le péché de l’homme, l’expie par sa mort et, à la place du trouble et de la maladie de l'âme, lui donne la paix et la guérison. La justification qu’il communique comporte ainsi la disparition du péché, dont lui-m&me paie la dette, et la santé de l'âme, son excellent état aux yeux de Dieu. Le Sauveur « rend juste » réellement et intrinsèquement ; sa justification n’est pas une simple imputation ni une sorte de grâce qui oublie le péché sans le faire disparaître, c’est la substitution même de la vie à la mort. Il est vrai que les verbes employés dans les trois langues ne peuvent pas, par eux-mêmes, exprimer toute la réalité de ce changement ; mais pour représenter un effet tout nouveau et que Dieu seul peut produire, on était bien obligé de se servir des mots les plus appropriés, bien qu’encore imparfaits. — 3° La justification ainsi annoncée par Isaie est longuement expliquée par saint Paul, particulièrement dans ses Épitres aux Romains et aux Galates. Il commence par établir que tous, Juifs et gentils, sont sous l’empire du péché, Rom., iii, 9, 23, de ce péché que le Messie Sauveur a porté et pour lequel il a été frappé, d’après Isaïe, lui, 8, 12. Les Juifs comptent que les œuvres de leur loi, qu’ils accomplissent d’ailleurs si mal, Rom., ii, 17-24, suffiront à les rendre j ustes ; il n’en est rien. Rom., iii, 20. Qu’il y ait ou non des œuvres accomplies pour obéir à la loi mosaïque, seule la foi en Jésus-Christ justifie l’homme. Rom., iii, 20, 28 ; Gal., ii, 16. C’est en effet la foi en Dieu qui a justifié Abraham, le père de tous les vrais croyants, d’origine juive ou étrangère ; or cette foi qu’il a eue dans la promesse que Dieu lui taisait d’une nombreuse postérité, était antérieure à la circoncision, par conséquent à l’alliance qui le constituait le père de la race israélite. Rom., iv, 10-22. Les œuvres prescrites par la loi de Moïse, la circoncision elle-même n’ont donc été pour rien dans sa justification. — Cette foi requise pour la justification n’est-elle que l’adhésion de l’esprit à certaines vérités, telles que la divinité du Sauveur ou l’efficacité de sa rédemption ? Il n’en est pas ainsi pour saint Paul. « Regardez-vous comme morts au péché, mais vivants pour Dieu dans le Christ Jésus, » dit-il. Rom., vi, 11. « Le corps est mort par le péché, ajoute-t-il, mais l’esprit est vie par la justice. » Rom., viii, 10. La justice produite par la justification est donc une vie, et qui dit vie ne dit pas seulement croyance. Voir Justice, ii, 3°. L’Apôtre donne comme type de cette vie de la foi qui justifie la vie ressuscitée de Notre-Seigneur : « Il a été livré pour nos péchés, il est ressuscité pour notre justification, » Rom., iv, 25, non pour produire cette justification qui est le résultat direct de sa mort, mais pour fournir le modèle de ce qu’elle doit opérer en nous, « afin que nous marchions dans une vie nouvelle. » Rom., vi, 4. — Cette justification est un don de la grâce de Dieu, dont la bonté gratuite peut seule rendre juste. Rom., v, 16 ; I Cor., vi, 11 ; Tit., iii, 6, 7. Elle se manileste en nous par des effets multiples, la paix, l’espérance, la patience dans l'épreuve, Rom., v, 1-5, l’adoption divine qui élève l’homme à la dignité d’enfant de Dieu et lui donne droit à l’héritage paternel. Rom., viii, 15, 17. Enfin elle est universelle et mise à la portée de tous les hommes sans exception. Rom., v, 18, 19 ; Gal., iii, 8. — 4° Saint Jacques, ii, 14-26, donne , un dernier éclaircissement sur la doctrine de la justification : « Que servira à quelqu’un de dire qu’il a la