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1873

JUSTE — JUSTES (LE LIVRE DES)

1874

7 ; Joseph, fils de Jacob, Sap., x, 10, 13 ; Tobie, Tob., ix. 9 ; les parents de Susanne, Dan., xiii, 3 ; saint Joseph, Matth., i, 19 ; le vieillard Siméon, Luc, ii, 25 ; saint Jean-Baptiste, Marc, vi, 20 ; Joseph d’Arimathie, Luc, xxiii, 50, et le centurion Corneille. Act., x, 22.

H, Lesêtre.

3. JUSTES (LE LIVRE DES) (hébreu : èêfér ha-ydSâr ; Septante : BtfjXfovToOsùfîoûç ; Vulgate : Liber justorum), livre perdu de l’Ancien Testament, qui n’est mentionné explicitement que dans deux passages de l’Écriture. Jos., x, 13 ; II Reg., i, 18. Les Septante ne le mentionnent qu’une fois, II Reg., i, 28. La Peschito a traduit Jos., x, 13, par féSbhôlo’sêfrô’, « livre des louanges, » et dans II Reg., i, 18, au lieu de yâsâr, « juste, » elle a lu’dsîr, « cantique, » eta traduit par sfâr’dsir, « livre du cantique. »

I. Existence du livre.

On a émis bien des opinions sur l’existence du Yâsâr. Le Targum l’appelle c le livre de la loi ». Des rabbins juifs se sont appuyés sur cette dénomination pour l’identifier avec l’un ou l’autre des livres actuels de la Bible. Ainsi R. Jarchi soutint que le Yâsâr est le livre même de la Loi ; d’après lui, Jos., x, 13, viserait Gen., xlvhi, 19, et la prédiction faite dans ce dernier passage par Jacob à Éphraïm ne se serait réalisée que par la victoire de Josué et le miracle qui l’accompagna. — Pour R. Éliézer, le YâSâr est notre Deutéronome actuel ; pour soutenir cette thèse, il s’appuyait sur Deut., vi, 18 ; xxxiii, 7 ; dans le premier de ces passages, l’hébreu porte, x, 18° : ’âsîfâ hayâsâr, « fais ce qui est juste ; » dans le second, 7 b, il est question de combats que soutiendra Juda pour la défense de son peuple, ce qui se serait réalisé dans Jos., x, 13°. — R. Samuel ben Nahman identifiait le YâSâr avec le « livre des juges » ; la raison paraît avoir été qu’il appartenait aux Juges d’Israël de rendre la justice et de faire toujours » ce qui est juste ». Cf. Smith, Dictionary of the Bible, t. i, in-8°, Londres, 1863, p. 932.

— Des auteurs chrétiens ont suivi cette même orientation. Saint Jérôme identifia le YâSâr avec la Genèse ; expliquant l’étymologie du mot « Israël », qui signifierait « juste de Dieu », yâsâr’êl, il déclare que la Genèse est appelée le « Livre du juste », parce qu’elle contient l’histoire des justes Abraham, Isaac et Israël. In Is., XLir, 2, t. xxiv, col. 435. Ct. aussi In Ezech., viii, 3, 4, t. xxv, col. 170. — L’auteur des Qusest. kebraicæ (parmi les œuvres de saint Jérôme) ramène le YâSâr aux livres de Samuel (I et II Reg.), parce que ces livres contiennent l’histoire des justes Samuel, Gad et Nathan. In H Reg., i, 18, t. xxiii, col. 1346. — Aucune de ces opinions n’est fondée. Le YâSâr était un livre distinct, qui s’est perdu comme bien d’autres livres de l’Ancien Testament. — Théodoret de Cyr l’avait bien compris : dans unendroitde ses œuvres, illaisse clairement entendre que le YâSâr, qu’il appelle : to B16Xiov ta eû[ps]6év, est une des sources du livre de Josué, In Jos., quæst. xiv, t. lxxx, col. 476 ; dans un autre endroit, il déclare que le « Livre du juste » et d’autres écrits prophétiques furent utilisés dans la composition des livres des Rois. In II Reg., quæst. iv, t. lxxx, col. 600. — À quelle époque ce livre a-t-il disparu ? On ne saurait le fixer. Quelques auteurs, R. Levi ben Gersham et Hottinger, pensent que le Yâsâr disparut, avec d’autres livres, durant la captivité. Mais cette opinion n’est pas prouvée. On pourrait peut-être soutenir, avec une certaine probabilité, qu’il existait encore à l’époque de l’historien Josèphe. En effet, cet auteur racontant, Ant. jud., V, I, 17, le miracle de Josué, déclare que le récit en est consigné dans des documents déposés dans le Temple. Toute la difficulté consiste à savoir si l’historien juif lait allusion, dans ce passage, au YâSâr ou au livre de Josué lui-même. On ne peut le décider.

II. Caractère et contenu du livre.

On a fait sur ce sujet bien des conjectures. Certains auteurs ont émis l’hypothèse suivante : dans l’antiquité on écrivait les an nales de tout ce qui méritait d’être conservé à la postérité ; le Yâsâr aurait été une de ces annales ; il aurait été ainsi appelé soit à cause de l’ordre et de la régularité de sa rédaction, soit parce qu’il y était souvent question du peuple d’Israël, symbolisé par le juste. — G. Sanctius, Comm. in II Reg., in-f », Lyon, 1623, suppose que le Yâsâr était une collection d’hymnes pieux, composés par différents auteurs ; notre Psautier actuel aurait été compilé sur cette collection ; on a fait justement remarquer que cette hypothèse n’explique guère le titre du livre. — D’autres auteurs ont prétendu que le Yâsâr était une collection de chants nationaux, ainsi appelée, parce que probablement elle commençait par les mots : ’âz ydSîr, « alors chanta, » comme le cantique de Moise. Exod., XV, 1 o. — D’autres ont soutenu que ce livre était un recueil de chants à la gloire de tous les héros de la nation, dont les faits auraient été consignés dans le « Livre des guerres de Jéhovah ». Num., xxi, 14 o. — Pour Gesenius, Thésaurus, p. 642, le Yâsâr était une anthologie de vieux chants hébraïques, ainsi appelée soit parce qu’elle contenait les louanges des hommes justes, soit pour un autre motif inconnu. — Certains auteurs ont même pensé à une collection de préceptes moraux et politiques. — Une autre hypothèse a été émise par M. A. Loisy. Cl. Le monstre Rahab et l’histoire biblique de la création, dans le Journal asiatique, juillet-août,

1898, p. 62-67. L’auteur du IIIe livre des Rois, dans la traduction des Septante, ayant rapporté, viii, 53, les paroles de Salomon après la dédicace du Temple, ajoute : oùx ïSoù a’JT<) fetpâmai èv pioLim xîjç wSîjç, « cela n’est-il pas écrit dans le livre du cantique ? » Wellhausen, Die Composition des Hexateuchs, 3e édit., in-8°, Berlin,

1899, p. 271, tut le premier à supposer qu’il s’agit là du YâSâr. Le traducteur grec aurait lii, sur son manuscrit, ’âSîr, « cantique, » pour yâsâr, « juste, » et aurait conséquemment traduit : « cela n’est-il pas écrit dans le livre du cantique ? » au lieu de : « cela n’est-il pas écrit dans le livre du juste ? » M. Loisy voit donc avec Gunkel, Schopfung und Chaos in Vrzeit und Endzeit, in-8°, Gœttingue, 1895, et Wellhausen, un emprunt au YâSâr dans la strophe précédente placée dans la bouche de Salomon :

"HXtov l’iiiptazM Iv oùpavû* Kvptoç

etirs to0 otxoSo^aat ev yvo’çpa » ’oixoSô(j.Yi(TQV oîxbv (Lou, ot’xov eùicpsit » ) oaUTôi toû xaToixsïv in xaivém)T05,

et il essaie même d’en reconstituer le texte hébreu, qui n’existe plus dans nos Bibles massorétiques. Le YâSâr, outre des pièces de David, aurait donc contenu un poème de Salomon. Il conclut en émettant l’hypothèse que le Yâsâr était une anthologie poétique sous-jacente aux plus anciennes sources en prose de l’histoire biblique. — Le D r Mercati propose une autre solution, Note di letteratura biblicae cristiana antica, dans le 5e fascicule des Studie testi, Rome, 1901. Voir Revue biblique, octobre 1901, p. 638. En s’appuyant sur un fragment de la 5* et de la 6e version des Hexaples d’Origène et sur une transcription de saint Épiphane, il a reconstitué un texte hébreu de Ps. i, 1, différent de celui de la Massore et supposé plus ancien. Cette restitution porte surtout sur le premier mot du psautier ; au lieu de : ’aSrê, « béatitudes, » « heureux, » il faudrait lire : yâSâr, « juste. » Cette restitution textuelle entraîne l’auteur à proposer, sous toutes réserves, une conjecture au sujet du Yâsâr : ce livre serait une collection de chants dont le Psaume I er aurait été la première pièce et le premier mot de ce Psaume (j/ôSà » 1) aurait servi à désigner le livre entier, comme l’usage s’en est établi pour d’autres livres de la Bible, par exemple les livres du Pentateuque, à l’exception des Nombres. — On pourrait objecter contre cette conjecture : 1° que la manière de désigner tes livres sacrés par le premier mot ne paraît pas remonter à une époque