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JUGES (LIVRE DES)

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1 3. La troisième partie, x, 6-xvi, 31, fait le récit de l’oppression des Ammonites à l’est et des Philistins à l’ouest, — a) Les Israélites, plus coupables que jamais, sont tombés simultanément, semble-t-il, sous le joug des Philistins et des Ammonites. Après leur avoir reproché leur ingratitude, Dieu justement irrité leur promet cependant son secours, x, €-16. — 6) Jephté, à la tête des tribus transjordaniques, chasse les Ammonites de toutes les villes qu’ils avaient prises, accomplit le vœu qu’il avait fait avant la bataille et châtie durement les Éphraïmites, mécontents de n’avoir pas été appelés au combat, x, 17-xii, 7. — c) Trois juges, Abesan, Ahialon et Abdon, sont seulement indiqués, XII, 7-15. — d) Les Philistins, qui dominaient Israël, trouvèrent un adversaire redoutable dans la personne de Samson, dont les exploits sont racontés, xiii, 1-xvi, 31. Voir Pelt, Histoire, p. 342-346 ; F. de Hummelauer, Comment, in lib. Judicum st Ruth, Paris, 1888, p. 9-11. 3° Appendices, xvii-xxi. — Le premier, xvii-xviii, rapporte l’histoire de l’idolâtrie de Michas et des Danites. Le second, xix-xxi, relate le crime des habitants de Gabaa, la guerre qui en fut la suite et l’extermination des Benjaminites. « Ces deux événements n’ont aucune relation nécessaire avec le corps de l’ouvrage ; ils y sont joints comme suppléments parce qu’ils se sont passés dans la même période, le premier, un peu avant, le second, un peu après la mort de Josué. » Vigouroux, Manuel biblique, t. ii, p. 55. Pour une analyse plus détaillée, voir R. Cornely, lntroductio specialis in historicos V. T. lïbros, Paris, 1887, p. 209-214.

IV. Plan du livre.

Si l’on ne tient pas compte des deux appendices qui le terminent, le livre des Juges forme un tout homogène, dont une pensée unique constitue l’unité. L’introduction expose cette pensée, prépare et explique le corps de l’ouvrage. Elle affirme

' qu’Israël est heureux, lorsqu’il est fidèle à Dieu ; malheureux dès qu’il abandonne son culte ; pardonné quand il se repent et se convertit. Le corps de l’ouvrage montre par les faits la vérité de cette triple loi. Son unité ressort de la répétition des mêmes formules : « Ils firent le mal devant le Seigneur, » Jud., ii, 11 ; iii, 7, 12 ; iv, 1 ; vi, 1 ; x, 6 ; xiii, 1 ; « ils crièrent vers le Seigneur qui leur suscita un sauveur, » Jud., iii, 9, 15 ; iv, 3 ; VI, 7 ; x, 10 ; et « la terre se reposa [nombre] d’années ». Jud., iii, 11, 30 ; v, 32 ; viii, 28. L’histoire des six grands Juges raconté plus longuement et dans un cadre identique développe l’idée maîtresse.

V. But de l’auteur. — Ce plan indique le dessein de l’auteur qui veut montrer que l’infidélité à Dieu est toujours punie. Toutes les fois qu’Israël se détourne de lui, le Seigneur le livre aux mains de ses ennemis. La conclusion est que Jéhovah est le seul Dieu d’Israël et son culte la seule vraie religion. Le but immédiat de l’auteur est donc un but moral ; son but dernier est théocratique. Il est néanmoins historique, puisqu’il veut prouver sa thèse par des faits de l’histoire. Cependant il n’a pas voulu écrire une histoire complète de l'époque des Juges ; il a seulement choisi les épisodes qui se rapportaient à son but et qui rentraient dans son cadre. Ce but est clairement indiqué dans le prélude, Jud., Il, 11-19, et il est réalisé par la disposition du livre, l’ordre et le choix des matières. Bien que ne répondant pas directement au dessein général de l’auteur, les deux faits rapportés à la fin du livre concourent cependant à justifier une remarque plusieurs fois répétée i « c Alors il n’y avait point de roi en Israël, et chacun faisait ce que bon lui semblait. » Jud., xvii, 6 ; xviii, 1, 31 (héb., xix, 1) ; xxi, 24. Ils montrent l'état lamentable de la religion et de la moralité en Israël avant l'établissement de la royauté.

VI. Unité du livre.

L’unité du livre des Juges ressort manifestement du plan exposé plus haut. Toutefois, cette unité n’est ni absolue ni rigoureuse, puis que l’introduction indique le plan général et que les appendices ne sont rattachés au corps de l’ouvrage que par un lien secondaire, qui les laisse en dehors du cadre tracé par l’auteur. Or, tandis que les catholiques admettent généralement l’unité d’auteur résultant de l’unité du plan, tout en reconnaissant que l’auteur s’est servi de documents antérieurs qu’il a fait rentrer dans son cadre sans modifications substantielles, les critiques modernes, poussant plus loin l'étude des sources, ont abouti à regarder le livre des Juges comme une composition artificielle, dont l’unité serait constituée par un cadre tracé par un dernier rédacteur utilisant des matériaux préexistants.

Ewald, Geschichte des Volkes Israël, Gœttingue, 1864, 1. 1, p. 204, avait distingué deux livres, l’un contenant le récit des guerres rangées selon la série des grandsprêtres, et l’autre racontant les exploits des douze Juges. Le rédacteur aurait emprunté au premier les chap. xviixxi, au second, Jud., iii, 7-xvi, 31, et aurait composé l’introduction, i, 1-m, 6, pour indiquer le cadre de sa composition. Bertheau, Dos Buch der Richter und Ruth r Leipzig, 1845, p. xxx, admettait aussi deux sources ; la première n'était qu’un simple catalogue des douze Juges, avec l’indication du nombre des années de leur judicature et du lieu de leur sépulture ; la seconde contenait l’histoire de la période des Juges, ramenée aux six grands Juges. E. Reuss, Die Geschichte der heilig. Schriften des A. T., Brunswick, 1881, p. 337, adoptait cette opinion, que le P. de Hummelauer a réfutée, Comment, in Ubros Judicum et Ruth, p. 1-2, 25-27. J. Wellhausen, Die Composition des Hexateuchs und der hxstorischenBûcher des A. T., 2e édit., Berlin, 1889, p. 213-238, examine le texte chapitre par chapitre pour déterminer le caractère et l'âge de chaque partie, mais il ne tire pas de conclusion générale. Les critiques actuels ne se bornent pas à distinguer les sources ; ils se demandent, en outre, si elles correspondent à celles qu’ils ont déterminées pour le Pentateuque. Kœnig, Emleitung, 1893, p. 250, et Driver, Emleitung, trad. Rothstein, Berlin, 1896, p. 173-184, admettent que le dernier rédacteur, au moins pour le corps de l’ouvrage, est deutéronomiste ; l’introduction et les appendices sont d’une autre main, peut-être plus récente, mais employant d’anciennes sources. Pour Kittel, l’introduction est l'œuvre du dernier rédacteur et elle dépend de l’auteur jéhoviste. Le corps du livre comprend l’histoire des grands Juges, rédigée par un écrivain deutéronomiste, mais complétée par un autre qui a joint le tableau des petits Juges. Les appendices ont été retouchés par un auteur sacerdotal. Le livre dans son état actuel est l'œuvre d’un dernier rédacteur. Budde, Die Bûcher Richter und Samuel, 1890, a recherché si les documents jéhoviste et élohiste qui, d’après les critiques, ont servi à former le Pentateuque, avaient été utilisés pour le livre des Juges. Tous les grands Juges, sauf Othoniel et Samson, lui paraissent avoir eu deux historiens, j (le jéhoviste) ete (l'élohiste). Les deux histoires ont été fondues par je et remaniées par un autre rédacteur. L’histoire de Samson, fortement retouchée au chap. xiii, provient du jéhoviste. La première introduction, I, 1-n, 5, est foncièrement du même auteur, tandis que la seconde, ii, 6-m, 6, dépend de E. Les deux écrivains ont été aussi utilisés dans les deux appendices. Ils représentent, d’ailleurs, deux écoles plutôt qu’ils ne sont des individus distincts. Un rédacteur deutéronomiste a arrangél’histoire des Juges dans un but moral. Enfin, une dernière main a retouché le tout dans le sens du code sacerdotal. Moore a adopté ces vues dans son commentaire des Juges, Edimbourg, 1896, dans sa traduction anglaise, 1898, et dans l'édition du texte hébreu des Sacral Books of the Old Testament, publiés parP.Haupt, 1900, ainsi que Cornill, Einleitung in das A. T., 3e et 4e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 94-95. Quelques-