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JUGEMENT JUDICIAIRE — JUGES (LIVRE DES)


Certaines allusions permettent cependant de penser qu’on se servait de l’écriture, en certains cas, soit dans la procédure, soit pour la sentence. Job, xiii, 26 ; xxxi, 35-37 ; Is., x, 1 ; Jer., xxii, 30 ; Ps. cxlix, 9. Il y avait d’ailleurs des contrats écrits, Jer., xxxii, 10, 44, qui parfois avaient été réglés devant les juges. — La sentence des juges dirimait les différends sans appel et sans instance supérieure. Elle prononçait les peines méritées par les coupables. Voir Peines.

L’exécution.

La sentence était immédiatement

exécutoire, et en présence même des juges, s’il ne s’agissait pas d’un arrêt de mort. Deut., xxv, 2. La peine capitale était infligée au coupable aussitôt après la sentence et avant la chute du jour ; le cadavre devait être inhumé avant la nuit. Deut., xxi, 23. Cette rapidité d’exécution s’explique par ce fait que la prison n’existait pas chez les Juifs, sinon à l’état d’exception. Jer., xxxvii, 15. Celle à laquelle Notre-Seigneur fait allusion et dont il dit qu’on ne peut sortir sans avoir payé jusqu’à la dernière obole, Matth., v, 25, 26, n’est pas une prison juive. Voir Prison. Ct. C. Iken, Antiquit. hebraic. , Brème, 1741, p. 404-411.

Le jugement de Notre-Seigneur.

Les jugements

portés par les juges israélites ne furent pas toujours conformes aux régies de l’équité, ni même de la légalité. La condamnation de saint Etienne lut le résultat d’un jugement tumultuaire, où la passion joua le rôle de la raison. Act., vii, 58-60. Le jugement de Notre-Seigneur par le sanhédrin fut entaché d’un grand nombre d’illégalités. Voici l’énumération des règles qui furent transgressées ; elle montrera par le détail ce que, d’après la Loi et d’après leurs docteurs, les Juifs exigeaient alors pour qu’un jugement fût régulier, 1. On ne peut juger ni le sabbat ni un jour de fête. Mischn. Betsa, v, 2. —

— 2. On ne peut juger la veille du sabbat ni d’un jour de fête. Sanhédrin, iv, 1. — 3. Il est défendu de juger la nuit. lbid. — 4. On ne peut siéger avant le sacrifice du matin. Sanhédrin, i, ꝟ. 19 ; Talm. Babyl., x, t. 88. — 5. Il taut au moins deux témoins. Deut., xvii, 6. — 6. Les témoins sont interrogés séparément en présence de l’accusé. Dan., xiii, 51. — 7. Avant de parler, les témoins sont adjurés de dire la vérité. Sanhédrin, iv, 5. — 8. Les dires des témoins doivent être attentivement examinés. Deut., xix, 18 ; Sanhédrin, v, 1. — 9. Les témoins doivent être d’accord. Sanhédrin, v, 2. — 10. Les faux témoins doivent subir la peine méritée par le crime dont ils témoignent à faux. Deut., xix, 18-21. — 11. L’accusé doit être interrogé avec bienveillance. Jos., vii, 9 ; Sota, i, 4. — 12. Il ne peut être condamné sur son seul aveu. Sanhédrin, vi, 2. — 13. Le procès entraînant une peine capitale ne doit pas se terminer en un seul jour. Sanhédrin, iv, 1.

— 14. En pareil cas, les juges doivent encore examiner la cause deux à deux avant la sentence. Sanhédrin, v, 5.

— 15. Les juges doivent prononcer individuellement la sentence. Sanhédrin, v, 5. — 16. Deux scribes recueillent les votes, l’un les votes favorables, l’autre les votes contraires. Sanhédrin, iv, 3. — 17. Une voix de majorité suffit pour absoudre, il en faut deux pour condamner. Sanhédrin, iv, 1 ; v, 5. — 18. Aucune sentence de mort n’est valable si elle est portée hors de la salle Gazith. Babyl. Abboda-Zara, 1, ꝟ. 8. Telles étaient les garanties que la jurisprudence des Juifs promettait aux accusés, et qui furent presque toutes refusées à ^Notre-Seigneur. Cl. J. et A. Lémann, Valeur de l’assemblée qui prononça la peine de mort contre J.-C, 3e édit., Paris, 1881, p. 60-97 ; Dupin, Jésus devant Caiphe et Pilate, dans les Démonst. évang., de Migne, Paris, 1852, t. XVI, col. 727-754 ; Chauvin, Le procès de Jésus Christ, Paris, 1901 ; Schùrer, Geschichte des jûdischen Volkes, t. ii, p. 213-214.

H. Lesêtre.

S. JUGEMENT TÉMÉRAIRE. Un jugement est une ap préciation personnelle qu’on porte sur autrui. La Sainte Écriture s’occupe de cette appréciation en tant qu’elle est malveillante et téméraire, par conséquent répréhensible. — 1° Elle mentionne les jugements téméraires des amis de Job qui le jugent méchant parce qu’il est malheureux, Job, xlii, 7 ; ceux des pharisiens condamnant à tort les disciples du Sauveur, Matth., XII, 7 ; ceux des Juifs qui, comparant Notre-Seigneur à Jean-Baptiste, l’accusent d’être mangeur et buveur, Luc, vii, 33, 34 ; celui du pharisien qui juge que Notre-Seigneur ne sait pas ce qu’est la pécheresse et en conclut qu’il n’est pas prophète, Luc, vii, 39 ; celui des insulaires de Malte qui prennent saint Paul pour un malfaiteur, parce qu’une vipère l’a piqué, Act., xxviii, 4 ; ceux des chrétiens qui jugent défavorablement leurs frères, parce qu’ils mangent des viandes offertes aux idoles. Rom., xiv, 4-13, etc.

— 2° Le jugement téméraire fait l’objet de plusieurs recommandations dans le Nouveau Testament. « Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés… La mesure que vous emploierez pour les autres servira pour vous. » Matth., vil, 1-6 ; Luc, vi, 37. Le Sauveur condamne ici le jugement superficiel et malveillant porté contre le prochain, dont on fait ressortir les moindres défauts, sans prendre garde aux siens propres qui sont souvent beaucoup plus considérables. Si l’on juge mal les autres, par un très juste retour, on sera mal jugé. Notre-Seigneur recommande encore de ne pas juger sur l’apparence, Joa., vii, 24, et il reproche aux Juifs de juger selon la chair, c’est-à-dire superficiellement et avec une coupable prévention. Joa., viii, 15. — Saint Paul s’élève plusieurs fois contre le jugement téméraire. Il avertit avec sévérité ceux qui condamnent dans les autres ce qu’ils se permettent eux-mêmes. Rom., ii, 1-9. Il ne veut pas que les chrétiens se jugent mal les uns les autres, suivant qu’ils observent ou non certaines distinctions sans importance entre les aliments et les jours, et il conclut : « Ne nous jugeons donc plus les uns les autres. » Rom., xiv, 2-13. Professant lui-même une parfaite indifférence à l’égard des jugements des hommes, il dit qu’un seul jugement importe, celui du Seigneur : « Aussi ne jugez de rien avant le temps, jusqu’à ce que vienne le Seigneur qui mettra en lumière tout ce qui est caché. » I Cor., iv, 3-5. — Saint Jacques reprend ceux qui jugent de la valeur des gens d’après leur habit. Jac, ii, 2-4. Il ajoute que juger son frère, c’est juger la loi, ce qui est tout autre chose que l’observer. Personne n’a droit de juger son prochain. Jac, iv, 11, 12. H.- Lesêtre.

    1. JUGES (LIVRE DES)##


JUGES (LIVRE DES), septième livre de l’Ancien Testament suivant l’ordre du canon du concile de Trente, le deuxième de la seconde classe des livres de la Bible hébraïque, c’est-à-dire des nebi’im ou prophètes.

I. Nom.

Ce livre est intitulé dans la Bible hébraïque D>T38lir, Sôfetîm, dans la Bible des Septante Kpmti. Quelques manuscrits ont des titres plus étendus : Kpimi to-j’Iffpoer)). ; aï Tmv KptTwv itpdéi ; ei ;. Philon, De confus, hng., 26, le nomme : i ™v xptjjuxTGiv ëfêXoç. Saint Jérôme l’a intitulé : liber Judicum. Ces noms qui ont tous la même signification dérivent du contenu du livre, ainsi que l’a justement remarqué l’auteur de la Synopsis Sacres Script., attribuée à saint Athanase, 11, t. xxviii, col. 512. Ce livre contient, en effet, le récit de la vie et des exploits des héros d’Israël, nommés Juges. — Le mot sôfêt ou Sofêt, qui dépend du verbe sâfat, ne signifie pas nécessairement partout comme Deut., xvi, 18, un juge au sens précis du mot ou un magistrat chargé de rendre la justice. C’est plutôt un chef qu’un juge proprement dit. Cf. Ps. ii, 10 ; cxlviii, 11 ; Am., n, 3 ; Is., xvi, 5 ; XL, 23 ; Prov., viii, 16 ; Abd., i, 21 ; Ose., vu, 7 ; Dan., ix, 12. Dans le livre des Juges, le juge est. le libérateur, le sauveur de son, peuple, ii, 16, 18 ; iii, 15, 31 ; x, 1 ; xiii, 5. Les Juges d’Israël sont expressément