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JUDÉE — JUDÉO-CHRÉTIENS


p. 59-163 ; V. Guérin, Judée. 3 in-8°, Paris, 1868-1869 ; Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1881-1883, t. m ; Conder, Tent Work in Palestine, Londres, 1889, p. 139-159, 199-213, 236-288 ; G. A. Smith, The historical geography of the Holy Land, Londres, 1894, p. 201320 ; F. Buhl, Géographie des alten Palàstina, Fribourgen-Brisgau et Leipzig, 1896, p. 81-82, 131-199.

A. Legendre.
    1. JUDÉO-CHRÉTIENS##


JUDÉO-CHRÉTIENS. Les judéo-chrétiens, comme leur nom l’indique, étaient des chrétiens de sang juif, par opposition aux païens convertis ; o, ii, dans un sens plus restreint, des chrétiens originaires de Palestine et parlant hébreu, par opposition aux Juifs hellénistes. Les judéo-chrétiens étaient généralement attachés à la Loi de Moise, mais sans la considérer comme nécessaire au salut et sans vouloir à tout prix l’imposer aux autres : c’est par là qu’ils se distinguaient des judaïsants. Une des plus funestes erreurs de l’école de Tubingue a été de confondre pratiquement les judaïsants avec les judéochrétiens. La confusion persiste encore dans le langage et rend à peu près inintelligibles certains ouvrages publiés par les protestants de nos jours.

I. Les judéo-chrétiens dans l’Église primitive. — 1° Églises palestiniennes.

Les judéo-chrétiens y dominaient

de beaucoup, presque à l’exclusion des autres. A Jérusalem, par exemple, nous ne trouvons aucune mention de gentils convertis directement du paganisme. Il y avait seulement un nombre considérable de Juifs hellénistes, qui nécessitèrent de bonne heure la création de sept diacres spécialement chargés d’eux. La présence d’anciens proséljtes de la justice qui, ayant reçu la circoncision, ne se distinguaient en rien des vrais Juifs, y est aussi très vraisemblable. Quand, peu d’années après l’Ascension, à la suite de la persécution qui se déchaîna lors du martjre d’Etienne, tous les fidèles, à l’exception des Apôtres, se dispersèrent dans les villes de Judée et de Samarie, les fugitifs semèrent partout l’Évangile, mais en s’adressant seulement aux Juifs et aux prosélytes. Act., viii, 1-40. Les scrupules de Pierre et l’étonv -’nement des disciples à la conversion du centenier Corneille montrent qu’on était en présence d’un fait extraordinaire, d’un cas de conscience tout nouveau. À partir de ce jour, les choses changent en principe : néanmoins les gentils convertis ne formèrent longtemps qu’une très faible minorité dans les églises de Palestine. La première prédication adressée aux païens en masse eut lieu à Antioche. Act., XI, 20.

Églises fondées par saint Paul.

Ici la proportion

est renversée. Ces églises sont presque toutes mixtes, c’est-à-dire composées de Juifs et de gentils, de telle sorte que les Juifs fournissent d’ordinaire le premier noyau, tandis que les gentils en constituent la masse. Paul avait coutume de prêcher d’abord dans la synagogue, où sa qualité d’hébreu lui assurait toujours bon accueil. Il ne quittait la synagogue que lorsque les Juifs l’en expulsaient de force. C’est dans la synagogue qu’il inaugure ses prédications, à Salamine, Act., xiii, 5, à Antioche dePisidie, xiii, 15, 43, à Iconium, xiv, 1, probablement aussi à Lystres, et certainement à Thessalonique, xvii, 2, à Bérée, ꝟ. 10, à Athènes, ꝟ. 17, à Corinthe, i xviii, 4, à Éphèse, xviii, 19, même pendant son troisième voyage, XIX, 8. La déclaration qu’il fit dans la synagogue d’Antioche de Pisidie, devant les Juifs ameutés contre lui, donne la raison de sa conduite : « Il fallait vous annoncer tout d’abord la parole de Dieu ; mais puisque, vous en jugeant indignes, vous la repoussez, nous nous tournons désormais vers les gentils. » Act., xiii, 46. Cependant cette menace ne devait pas être définitive. Elle fut renouvelée, quelques années plus tard, à Corinthe, Act., xviii, 6 ; et cela n’empêcha pas l’Apôtre de s’établir pendant trois mois dans la synagogue d’Éphèse, Act., xii, 8, qu’il n’échangea contre l’école de Tyrannus que lorsque la position y fut intenable. Dans la plupart de ces

villes, il est expressément spécifié que des Juifs, aussi bien que des gentils, se convertirent à la voix de Paul. Mais le plus fort contingent de catéchumènes fut sans doute fourni par ces hommes pieux qui fréquentaient la synagogue, attirés par la logique du monothéisme israélite et la pureté de sa morale, sans être encore incorporés par la circoncision à la nation élue. Leur nom était O56<5[isvoi tôv ©s<Sv, Act, XVI, 14 ; xviii, 7 ; creëônsvoi icpoor{kvToi, xiii, 43 ; <jeë<i[j.evot "EX).y)v£ ;, XVII, 4, ou simplement <T£ë6|jiev9t, xvii, 17 ; xiii, 50, ou encore <poëoO|j.£voi tôv ®eov, xiii, 16, 26, en latin metuentes, colentes Deum, religinsi. Le récit de saint Luc nous montre quel rôle important ils jouèrent dans la fondation des églises de la gentilité. — Deux communautés chrétiennes, celle de Philippes et celle des Galates, paraissent n’avoir reçu l’élément juif qu’à une dose insignifiante.

Autres Églises.

Le même caractère mixte s’y rencontre.

Cependant, presque toujours un no^au juif précède ; les prosélytes et les gentils ne font que suivre. Au retour de leur première mission, vers l’an 49, Paul et Barnabe annoncèrent aux églises de Phénicie la conversion des païens comme une chose nouvelle qui remplit de joie les fidèles. On est quelquefois surpris de voir les Douze s’attarder si longtemps à Jérusalem ; mais, outre qu’ils se conformaient ainsi aux instructions de leur divin maître, Luc, xxiv, 47 ; Act., i, 8, nul champ d’apostolat n’était plus fécond. Les Juifs et les prosélytes de &diaspora qui se rendaient périodiquement auTemple y entendaient l’Évangile et répandaient ensuite la bonne semence dans tout l’univers. Quand une église s’était ainsi fondée d’elle-même, les Apôtres allaient l’organiser. Act., xi, 19-20. Tels furent les humbles débuis des églises de Chypre, de Phénicie, d’Antioche, et sans doute d’Alexandrie et de Rome. Avant la conversion de Paul, il y avait à Damas une petite réunion de fidèles qui fréquentaient encore la synagogue, puisque c’était là que le futur docteur des nations allait les pourchasser. Act., ix, 2. Mais il arriva que presque partout, hors de Palestine, l’élément juif déclina peu à peu et se fondit entièrement dans la multitude des nouveaux adeptes.

II. Les judéo-chrétiens et la loi mosaïque.

Les disciples avaient appris de Jésus lui-même à honorer la Loi, Matth., v, 17-19 ; xxiii, 22-23 ; Luc, xvi, 17, à vénérer le Temple. Matth., xxi, 12. Sans imiter le formalisme des pharisiens, ni s’astreindre à leurs interprétations rigoristes, le Sauveur avait daigné se conformer aux prescriptions mosaïques. Les Apôtres purent se croire tenus d’imiter leur Maître jusqu’à ce que le ciel manifestât une volonté contraire. C’était d’ailleurs une condition essentielle de leur apostolat auprès de leurs compatriotes. Jamais les pharisiens n’auraient consenti à se mettre en rapport avec des violateurs de la Loi. Aussi la vie des premiers chrétiens de Jérusalem devait-elle différer peu, à l’extérieur, de celle des Juifs pieux de leur temps. Ils se réunissaient en particulier pour la prière, le chant des Psaumes et la fraction du pain eucharistique ; mais ils se soumettaient scrupuleusement aux présentions légales concernant les aliments. Act., x, 14. Aux jeûnes ordonnés par la Loi ou la coutume, ils en ajoutaient de volontaires, xiii, 2-3 ; XIV, 22 ; ils observaient les heures fixées pour la prière, ii, 46 ; iii, 1 ; v, 42 ; x, 9 ; ils faisaient des vœux et les accomplissaient dans le Temple, suivant les rites traditionnels, xviii, 18 ; xxi, 23 ; ils célébraient comme les autres le sabbat etles fêtes religieuses, ii, 1 ; xviii, 4- ; xx, 6, 16 ; ils faisaient circoncire leurs enfants et n’admettaient, en règle générale, de néophytes que ceux qui étaient passés par le judaïsme. Longtemps après, la question se pose s’il ne faut pas obliger les gentils eux-mêmes à recevoir la circoncision. Enfin, au témoignage de saint Jacques, tous les fidèles de Jérusalem étaient zélés pour la Loi (toxvteç ÏTiXwTct’i toû vôjtou) et ils se scandalisaient en apprenant que Paul dispensait les Juifs de la diaspora de l’obliga-