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JUDE (ÉPITRE DE SAINT)

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Christ pour la vie éternelle, ꝟ. 20-21 ; qu’ils jugent avec miséricorde certains des faux docteurs, t- 22 ; qu’ils sauvent les autres de la crainte en les arrachant au feu, mais qu’ils haïssent la tunique souillée par la chair, ꝟ. 23. —Enfin conclusion doxologique, jꝟ. 24-25.

V. Date et lieu de la composition.

Date.

Il

n’est pas possible de fixer d’une façon absolument précise la date de cette Épître. Renan, qui la regardait comme un écrit anté-paulinien, suppose qu’elle fut écrite à Jérusalem en l’an 54. Credner, partant de ce fait que saint Jude était mort à l’époque de la persécution de Domitien. et s’appujant sur le martyre de Siméon, évêque de Jérusalem, qui eut lieu sous Trajan, date PÉpltre de l’an 80 ; Volkmar, Mangold, Volter et Davidson la placent quelque temps après l’an 140. Cf. Davidson, An Introduction to the study of the New Testament, 2 in-8°, Londres, 1894, t. ii, p. 342. Julicher, Einleitung, p. 147, la place entre 100 et 180. Nous ne pouvons qu’assigner une date approximative. L’Épitre a été écrite avant la ruine de Jérusalem (70), autrement l’auteur, outre les exemples cités ꝟ. 6-7, n’eût pas manqué de mentionner cette grande catastrophe. En admettant que la seconde Épltre de saint Pierre dépende de l’Épitre de Jude, ce que nous regardons comme plus probable, et en supposant que saint Pierre ait écrit sa lettre en 66, nous arrivons à cette conclusion que l’Épitre de Jude a été écrite entre 62 et 66. La principale raison qu’on allègue pour abaisser la date de la composition de l’Épitre est tirée du t. 17 où l’auteur, prétend-on, se distingue des Apôtres : on en conclut qu’il écrivait à une époque où tous les Apôtres étaient morts. Mais on peut répondre que rien n’oblige à prendre ce pluriel « par les Apôtres de Notre-Seigneur Jésus-Christ » dans toute son étendue ; on peut le restreindre à quelques Apôtres ; de plus, l’auteur peut faire allusion à deux passages des Pastorales, I Tim., iv, 1 ; iii, 1, ce qui serait suffisant pour employer le pluriel ; enfin, saint Jude n’était qu’un Apôtre ; il peut donc se distinguer des onze autres.

Lieu de la composition.

On peut dire que l’Épitre

fut écrite en Orient ; il serait difficile de préciser davantage. Davidson, Introduction, p. 342, pense qu’elle pourrait avoir été écrite à Alexandrie, parce qu’elle vise, d’après lui, les erreurs de Carpoerate et de son fils Épiphane, qui vivaient en Egypte. Mais rien ne prouve que l’Épitre vise particulièrement les erreurs de Carpoerate ; comme nous l’avons déjà dit, ce qu’on peut affirmer c’est qu’elle vise des doctrines gnostiques et antinomistes ; or ces doctrines eurent de nombreux représentants et de nombreuses ramifications, à commencer par Simon le Magicien et les nicolaites.

VI. Authenticité.

I. preuves de l’authenticité.

— Les critiques libéraux rejettent l’authenticité de l’Épitre ; pour eux, elle ne saurait être l’œuvre d’un apôtre. Julicher. Einleitung, p. 147, pense que l’auteur est un chrétien d’Egypte. Cf. Davidson, Introd., p. 335. L’authenticité de l’Épitre repose cependant sur des preuves solides : 1° Les mots de la suscription : « Jude, serviteur de Jésus-Christ, frère de Jacques ; » comme le fait remarquer Kaulen, Einleitung, p. 679, ce Jude ne peut être que l’apôtre de ce nom ; il tàut écarter Jude de Damas, Act., ix, 11, et Jude compagnon de saint Paul, Act., xv, 22-32, 34, parce que le premier n’a laissé aucune trace dans l’histoire, et le second est toujours surnommé Barsabas ; on ne peut pas soriger davantage à Jude le Galiléen, Act., v, 37, ni à Judas Iscariote, ni aux deux Jude de la table généalogique de Luc, iii, 26, 30, qui appartiennent à l’ancien Testament ; il ne reste donc que Jude l’apôtre. — 2° Les témoignages : 1. De l’Église romaine : le canon de Muratori ; l’auteur du De consummat. tnundi, parmi les œuvres d’Hippolyte, n. 10, t. x, col. 913 ; S. Jérôme, De vir. illustr., 4, t. xxiii, col. 613, 615 ; In Tit., i, 12, t. xxvi, col. 574 ;

.Prol. in Epist. cathol., t. xxix, col. 825 ; — 2. de

l’Église d’Afrique : Tertullien, De cultu fœm., 3, t. i, col. 1308 ; l’auteur du De Script, canone, t. iii, col. 192 ; — 3. de l’Église d’Alexandrie : Clément d’Alexandrie, Strom., iii, 2, t. viii, col. 1113 ; Adumbr. in.Jud., t. ix, col, 731-734 ; Origène, InJos. hom. vii, 1, t. xii, col. 857 ; In Matth., x, 17, t. xiii, col. 877 ; et. aussi Periarcfwn, m, 2, t. xi, col, 303 ; In Rom., v, 1, t. xiv, col. 1016. Didyme, Enarrat. in Epist. Jud., t. xxxix, col. 18111818 ; — 4. de l’Église d’Antioche : la lettre des évêques, des prêtres et des diacres de Sjrie au pape Denis contre Paul de Samosate, paraît contenir une allusion à Jud., t. 3-4 ; et. Eusèbe, H. E., vii, 30, t. xx, col. 712 ; 5. de l’Église de Constantinople : Palladius, Dialog., 18, t. xlvii, col. 63 ; — 6. de l’Église de Chypre : S. Épi-’phane, Hier, xxvi, 11, t. xii, col. 348. Cf. Arnaud, Recherches critiques sur l’Épitre de Jude, Strasbourg, 1851, p. 21 ; Rampt, Der Brief Judà, Sulzbach, 1854, p. 129.

II. objections et réponses.

1° Nous avons déjà répondu à l’objection tirée du ꝟ. 17, qui prétend que l’auteur de l’Épitre ne peut pas être un apôtre. — 2° La principale objection visant directement l’authenticité est tirée du contenu même de l’Épitre : On dit que les erreurs, qui y sont combattues, sont postérieures à l’âge apostolique ; les taux docteurs ne pourraient être que les gnostiques antinomistes de l’école de Carpoerate ; or cette école n’apparaît qu’au 11e siècle. — Mais il s’agit de savoir si Carpoerate a semé les premiers germes de l’antinomisme, ou s’il n’a fait tout simplement que les développer ; rien ne prouve que la nuance gnostique, dont il fut le plus brillant champion, n’existât pas avant lui ; or l’histoire atteste que les premiers germes de l’antinomisme sont antérieurs à Carpoerate. Aussitôt après la mort de Jacques le Mineur, à l’occasion du choix de son successeur Siméon, un schisme éclata à Jérusalem, provoqué par l’orgueil et l’ambition de Thébutis ; l’hérésie de Simon le Magicien ne tarda pas à paraître ; or on sait que Simon le Magicien niait la divinité de Jésus-Christ, se donnait lui-même comme le Messie et enseignait l’émancipation de la chair. Cf. I Joa., h, 22, 23 ; S. Irénée, Adv. hier., i, 23, t. vii, col. 670-673 ; Pseudo-Tertullien, De præscript., 46, t. ii, col. 61 ; S. Épiphane, Hxr. xxi, t. xli, col. 285-296. Les disciples de Ménandre et les dosithéens marchèrent sur les traces de Simon ; S. Justin, Apol. i, 26, t. vi, col. 368 ; S. Irénée, Adv. hær., i, 23, t. vii, col. 673 ; Origene, Cont. Ces., yi, 11, t. xi, col. 1305-1308 ; S. Épiphane, Hser.xiii, et xxil, t. xli, col. 237, 296, 297. Cf. Rampf, Der Brief Judâ, p. 45-128. Vers la même époque les nicolaites professaient les mêmes doctrines ; S. Irénée, Adv. hxr., i, 26, t. vii, col. 687 ; S. Épiphane, Hier, xxv, t. xli, col. 320-329.

VII. CANONICITÉ.

I. PREUVES DE LA CANONICITÉ. —

Dès les premiers siècles il y eut des hésitations au sujet de la canonicité de l’Épitre de Jude. À cause des ꝟ. 9 et 14, quelques auteurs la rejetèrent. Cf. S. Jérôme, De vir. illustr., 4, t. xxiii, col. 613, 615. La Peschito ne la contient pas. Eusèbe la range parmi les Anlilegoumena, H. E., m, 25 ; vi, 13, 14, t. xx, col. 269, 548, 549 ; cf. aussi ii, 23, ibid., col. 205 ; Didyme, Enarrat. in Epist. Jud., t. xxxix, col. 1815. Aujourd’hui même elle est rangée parmi les deutérocanoniques. Cependant sa canonicité ne peut être contestée, parce qu’elle a trop d’attaches dans la tradition. À propos de l’authenticité, nous avons cité les témoignages des Pères, col. 1809. Voir Canon, t. il ( col. 170 (canon de Muratori), 176-177 (Codex Claromontanus), 179-182 (citations des Pères). Cf. aussi l’auteur de l’écrit Adv. Novat. hæret., 16, t. iii, col. 1266.

il. objections et réponses. — Les objections contre la canonicité sont loin d’être décisives : 1° Si l’Épitre ne se trouve pas dans la Peschito, c’est que probablement elle n’était pas connue en Syrie au moment où fût faite la version syriaque. — 2° Les paroles du ꝟ. 6 : * quant