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JUDAISANTS — JUDAÏSME


nécessaire au salut. Dial. cum Tryphon., b7, t. vi, col. 576. Mais cette restriction <oç l^oi Soxeî montre assez que ce n’était pas alors l’avis de tout le monde et saint Justin le déclare expressément un peu plus loin. Vers cette époque commençait à paraître, sous le nom de Clément de Rome, toute une littérature judaïsante dont de nombreux spécimens, quelquefois retouchés dans un sens orthodoxe, sont parvenus jusqu’à nous. Cf. Bardenhewer, Geschickte der altchr. Litter., Fribourg-en-Brisgau, 1902, t. i, p. 351-363. Cependant les représentants classiques du judaïsme sont les Ébionites. Après saint Irénée, qui, le premier, nous en parle, ils continuaient à observer toute la Loi mosaïque et regardaient Paul comme un apostat, Hser. i, xxvi, 2, t. vii, col. 687, niaient la conception virginale de Jésus, User., iii, xxi, 1, col. 946, et sa divinité. Hser. v, i, 3, col. 1123. Seul, l’Évangile de saint Mathieu, qu’ils recevaient, les rattachait au christianisme. Hser. iii, xi, 7, t. vii, col. 884. Saint Épiphane nous parle longuement de deux hé.ésies judaisantes très distinctes. La première est celle des Nazaréens (NaÇcopatoi), les héritiers et successeurs de ces judéo-chrétiens qui s’étaient retirés au delà du Jourdain. Ils diffèrent des Juifs ordinaires par leur toi au Christ ; ils diffèrent des chrétiens par l’observation entière de la Loi mosaïque. Hser. xxix, t. xli, col. 388405. La seconde est celle des Ébionites apparentés aux Nazaréens, comme origine et comme enseignement, mais poussant plus loin l’erreur. Pour eux, Jésus-Christ n’est qu’un homme, né comme les autres d’un père et d’une mère. Ils ajoutent à la Loi de Moïse des pratiques singulières. Hær. xxx, t. xli, col. 405-473. Saint Épiphane en connaît deux sectes dont l’une dérive d’un certain Elxai, l’autre, très peu différente, ne nous est connue que de nom, Ea^aïoi. Hser. LUI, 1, t. xli, col. 900. Saint Jérôme mentionne fréquemment les Nazaréens et les Ébionites et les considère comme également hérétiques. L es Nazaréens en particulier croient en Jésus-Christ fils de Dieu et né d’une vierge, mais en voulant être à la fois juifs et chrétiens, ils ne sont ni juifs ni chrétiens. Epist. ad August. cxii, 13, t. xxii, col. 924. Les auteurs plus récents ne font guère que répéter les renseignements recueillis dans leurs devanciers. — L’étude la plus complète sur les sectes judaisantes est celle de A. Hilgenfeld, Die [Ketzergesch. des Urchristenthums, Leipzig, 1884, avec le supplément, Judenthum und Judenchristenthum, Leipzig, 1886. F. Prat.

    1. JUDAÏSME##


JUDAÏSME. — I. Définition. — 1° Usage biblique. — Le mot îou8aï<7(i.6 ; est employé quatre fois dans le second livre des Machabées dont le grec est la langue originale. Il est rendu en latin parjudaismus, II Mach., viii, 1 ; xiv, 38 ; par Judsei, II Mach., ii, 21 (22), et n’est pas traduit dans II Mach., xiv, 38 (seconde fois). Dans tous ces cas, « judaïsme » signifie « la cause des Juifs » ou « les coutumes des Juifs » et se trouve en opposition avec « hellénisme » dans le sens de « mœurs ou cause des Grecs ».

— Saint Paul se sert deux fois de ce même mot : « Voas avez entendu (raconter) mes déportements dans le judaïsme, » Gal., i, 13 ; « Je surpassais en zèle, dans le judaïsme, la plupart de mes contemporains. » Gai, i, 14. Ici, évidemment, « judaïsme » est pris au sens religieux plutôt que politique et a pour terme corrélatif « christianisme ».

i’Vsage moderne. — On est maintenant convenu d’appeler « judaïsme » l’ensemble des lois, des institutions, des mœurs, des coutumes propres aux Juifs à partir du moment où les enfants d’Israël commencent à s’appeler Juifs, c’est-à-dire à partir de la destruction de Samarie, ou même, pratiquement, à partir de la captivité de Babylone. Le judaïsme ainsi entendu est « la communauté religieuse qui survécut au peuple anéanti par les Assyriens et les Chaldéens ». Wellhausen, Prolegomena zur Geschichtelsræls, ’à° édit., 1886, p. 1. — De la sorte l’his toire d’Israël se partage en trois époques à limites assez indécises : le mosaïsme, le prophétisme et le judaïsme. A son tour, le judaïsme se subdivise en trois périodes sans lignes de démarcation bien accusées : le judaïsme ancien, jusqu’à l’incendie du Temple, l’an 70 de notre ère ; le judaïsme intermédiaire ou rabbinisme, qui élabore la Mischna et le Talmud ; enfin, le judaïsme moderne, depuis le moyen âge. Ce dernier tombe entièrement hors de notre cadre. Pour le second, voir Talmud.

II. Caractères du judaïsme.

À partir de la captivité, le judaïsme est caractérisé par des institutions nouvelles (sanhédrin, synagogues, scribes) et par une évolution dogmatique très marquée (portant principalement sur les intermédiaires entre Dieu et l’homme, sur les anges et les démons, sur les fins dernières) ; ces caractères vont s’accusant de plus en plus à mesure qu’on se rapproche des temps évangéliques.

i. institutions NOUVELLES. — 1° Sanhédrin. — Les Perses laissaient d’ordinaire aux peuples soumis une large part de liberté, n’exigeant que le payement régulier de l’impôt, avec la reconnaissance officielle d’une suzeraineté qui n’était ni trop lourde ni trop tracassière. Cependant il ne pouvait être question de rétablir la royauté, surtout dans la maison de David, sans éveiller les susceptibilités du vainqueur. Toute l’autorité dont jouissait encore la nation juive fut confiée à une haute assemblée dont le grand-prètre avait la présidence. Ce fut l’origine du sanhédrin : son nom primitif de sénat (Yepouofa), le nombre restreint de ses membres (70, plus le président), son caractère aristocratique très nettement aperçu par Josèphe (izoXnda àpiatoxpceroci) [iet’ôXe^oco-Xaç > Ant. jud., XI, iv, 8) nous reportent naturellement à l’époque persane. Sous le régime grec, le sanhédrin aurait été plutôt formé à l’imitation de la $ovlr, démocratique et généralement fort nombreuse. La compétence du sanhédrin était universelle ; c’était à la fois un tribunal suprême et sans appel, une assemblée politique dans la mesure de l’autonomie laissée au peuple, un pouvoir exécutif, un conseil d’État. Sa juridiction, d’abord restreinte à la Judée, s’étendit peu à peu avec l’accession graduelle d’autres villes, avec les conquêtes des Asmonéens, avec l’acceptation volontaire des Juifs de la diaspora. Voir Sanhédrin.

Synagogues.

Les Juifs de la captivité, privés des sacrifices, des pèlerinages, de tout ce qui stimulait la piété et alimentait la vie religieuse, y suppléèrent de leur mieux en destinant des endroits spéciaux à la prière publique et aux assemblées, où ils s’instruisaient de leur foi et de leurs devoirs, sous la présidence des prêtres et des prophètes. Cet usage, adopté plus tard dans toutes les villes de la diaspora ainsi qu’en Palestine, surtout dans les provinces les plus éloignées, mais aussi en Judée et même à Jérusalem, opéra une révolution d’une incalculable portée. Partout les Juifs prirent l’habitude de se réunir chaque sabbat, quelquefois plus souvent, pour faire ensemble la lecture de la Loi et des Prophètes et en entendre l’explication ou tnidrasch. À la synagogue se rattachait généralement une école, où l’on apprenait à épeler les Livres Saints et à chanter les Psaumes. Ainsi, malgré l’exil et la dispersion, malgré leur contact forcé avec les infidèles, les Israélites restaient groupés, leur foi en Jéhovah était sauvegardée, l’étude des Livres inspirés absorbait toute leur vie intellectuelle, leur caractère national s’élaborait et recevait cette forte et originale empreinte que rien ne fut plus capable d’effacer. Voir Synagogues.

Scribes.

Le personnel des synagogues, du sanhédrin et des tribunaux secondaires, se recrutait de préférence dans la classe des scribes. Avant la captivité, les scribes n’apparaissent qu’en qualité de hauts fonctionnaires, conseillers et ministres des rois ou chefs d’armée, au sens égyptien du mot. Après l’exil, leur rôle change : les scribes sont des lettrés ayant les attribu-